²Mise en ligne 2020

 

Masque Tragédie ou Sérieux - GC III/6 - 5ème escadrille

Les HOMMES

du  GROUPE de CHASSE  GC III/6 (3/6)

La guerre de Joseph Adolphe BIBERT

1939-1944

Troisième partie

III. En A.F.N.

 

Masque Comédie GC III/6 - 6ème escadrille

 

Morane Saulnier 406

Lien : DEWOITINE D.520

 

Sergent Chef Joseph BIBERT

Dewoitine 520

Lien : BELL P-39 « Airacobra »

Retour vers la première partie :   I. de CHARTRES à BOUILLANCY

Retour vers la seconde partie :   II de WEZ TUISY au LUC EN PROVENCE

 

 

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SOMMAIRE  de la  TROISIÈME PARTIE

Cliquez sur les liens ci-dessous

Traversée de la Méditerranée   -   Constantine

20/06/1940 – 11/07/194

Alger – Maison Blanche

11/07/1940     15/01/1943

Aïn Sefra

16/01/1943    19/06/1943

Port Say (Berkane)

19/06/1943     03/08/1943

Lapasset

03/08/1943    25//04/1944

La fin de la guerre du Groupe GC III/6

Après l’A.F.N :  Première Escadre Aérienne

 

 

L’histoire du GC III/6 rédigée ici, fruit de plusieurs années de travail, ne se lit pas comme un livre ! Si elle est présentée en trois parties, sur trois pages Internet principales constituant simplement le squelette de ce récit, de multiples pages complémentaires (une centaine) s’ouvrent en cascade à partir des liens soulignés (de couleur bleu-vif) : album de photographies, biographies, articles de presses, etc. etc. À chacun d’ouvrir ces pages comme un dictionnaire, dont on n’a jamais fait complètement le tour, d’où le besoin et l’envie d’y revenir pour compléter son information et, je j’espère, son plaisir...

 

Ces trois pages principales, pour ne pas les surcharger, ne contiennent qu’une partie des photographies mises en ligne. La plupart de celles prises par Joseph Bibert, plus personnelles, se trouvent dans les pages annexes « Album de Joseph Bibert » ou dans les pages de biographies de pilotes accessibles par différents liens posés chapitre par chapitre. De même, si le récit est chronologique, ce n’est pas un « journal » puisque l’historique du Groupe et les livres de marche de ses deux Escadrilles, documents officiels au jour le jour, ont été retranscrits et mis en ligne dans trois pages annexes accessibles par les liens suivants :

Historique  Officiel  du  Groupe GC III/6

Livre  de  Marche  de  la 5ème Escadrille

Livre  de  Marche  de  la 6ème Escadrille

 

 

 

 

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MOUVEMENT vers L’ALGÉRIE

LA TRAVERSÉE DE LA MEDITERANNÉE

du LUC en PROVENCE à CONSTANTINE, via PERPIGNAN et ALGER

20/06/1940 – 11/07/1940

 

PERPIGNAN - LA SALANQUE

18/06/1940

Personnel navigant

ALGER MAISON - BLANCHE

20/06/1940

Personnel navigant

MARSEILLE

20/06/1940

Personnel au sol

MORSOTT

23/06/1940

Une partie des pilotes

CONSTANTINE

23/06/1940

Capitaine STEHLIN + les autres pilotes

CONSTANTINE

27/06/1940

Regroupement du personnel navigant

CONSTANTINE

30/06/1940

Regroupement de tout le Groupe

ALGER

11/07/1940

Tout le Groupe

 

PERPIGNAN LA SALANQUE - ALGER

L’Échelon volant

Dans la seconde partie de « L’Histoire des Hommes du GC III/6 » on a vu que le Groupe a quitté le Luc le 18 juin, et non le 19 comme le dit le Général STEHLIN dans ses mémoires, pour se regrouper à Perpignan La Salanque avant de rejoindre l’Algérie, conformément à l’ordre donné le 16 juin par le Chef d’Etat Major, le général VUILLEMIN, de replier en AFN les dernières unités aériennes françaises. Le 20 juin en début d’après-midi un peu plus de trente Dewoitine 520, ceux du GC III/6 (27) mais aussi ceux de quelques instructeurs qui ont demandé à se joindre au groupe ayant pour cela « récupéré » un avion tout neuf à l’usine DEWOITINE de Toulouse accompagnés de quelques pilotes isolés des groupes partis la veille se sont posés à Alger.

Les journaux et livres de marches des deux Escadrilles n’ont pas pu être tenus au jour le jour et ils ne fournissent malheureusement que peu d’indications depuis la « journée mémorable » du 15 juin (le quintuple de LE GLOAN), sur la période agitée du transfert vers l’Algérie, sur les armistices avec l’Allemagne puis l’Italie, sur les conditions précises du regroupement de l’ensemble du Groupe, « navigants » et « rampants » à Constantine et sur la tragédie de Mers el-Kébir. On peut seulement penser que le trouble devait être profond dans les esprits.

Paul STEHLIN devenu Général d’Armée Aérienne puis Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air a publié en 1964 « Témoignages pour l’Histoire » et donne sa vision toute personnelle des conditions de cette évacuation ; il se met beaucoup plus en avant qu’il ne l’a réellement été. Certains historiens de l’aviation, malheureusement, ont souvent considéré que l’histoire du GC III/6 avait été écrite définitivement à travers les quelques pages dans lesquelles il narre son action à la tête du Groupe de mai à octobre 1940 ; mais ce n’est pas « l’Histoire » du Groupe.

Il commence par dire qu’il a reçu au Luc le 19 après-midi un message par avion de liaison lui indiquant que son Groupe est attendu depuis la veille à Perpignan, puis raconte comment il a reçu quelques heures plus tard à Perpignan dans des conditions rocambolesques l’Ordre Particulier n°55 du 17 juin à 0h 00 (près de 48 heures plus tard ?), signé du Général BERGERET, un des adjoints de VUILLEMIN, lui demandant de préparer le III/6 à participer à une concentration de toutes les forces aériennes en Algérie en vue « d’une opération brutale et puissante contre l’Italie du Sud les îles et la Libye » en se rendant « sur le terrain régulateur d’Oran. »

La thèse que le Général STEHLIN veut développer est qu’aucune opération de ce genre n’a réellement été envisagée et que cet ordre n’était qu’une mesure de précaution pour éviter que des commandants d’escadrille ne veuillent rejoindre directement Gibraltar. « J’ai toujours amèrement regretté de m’être laissé tromper aussi grossièrement » dit-il avant de parler de la manière dont les autorités militaires auraient tout fait ensuite pour clouer les avions au sol en les privant de carburant et de son projet de conduire son Groupe à Malte, avorté par l’attaque anglaise sur Mers el-Kébir du 3 juillet. « Dans mon groupe c’est la consternation, l’un parle de trahison des Anglais, l’autre assure que les Anglais ont été toujours nos pires ennemis. Notre plan s’évanouit très peu de temps avant qu’il ne soit prêt. Nous n’avons eu connaissance de l’appel du Général de Gaulle que plus tard et la propagande de Vichy a la tâche facile de refaire de l’Angleterre l’ennemi héréditaire. »

Rien n’est cohérent dans ses mémoires et aucun Ancien de son Groupe n’a évoqué un quelconque plan de départ concerté vers une terre anglaise dans les leurs !

Pourquoi cette « erreur » de date sur le départ de l’échelon volant du III/6 à Perpignan ? Pourquoi ces « confusions » dans les ordres reçus ?

« Le 18 juin j’ai le sentiment d’un isolement complet […] Le 19 juin, dans l’après-midi je reçois enfin un message transmis par un avion de liaison qui m’informe que depuis la veille mon groupe est attendu sur le terrain de Perpignan-La Salanque… »

Commencer en 1964 un paragraphe de ses mémoires par « Le 18 juin… » n’est peut-être pas innocent quand on veut magnifier ses états d’âme de ce fameux jour de 1940, alors qu’on a eu connaissance de l’appel historique du Général de Gaulle que bien plus tard ! Voilà sans doute les bonnes réponses aux questions qui se posent.

Bien des livres ou des chroniques ont été écrits après la guerre par ceux qui ont été aspirés dans cette grande tourmente, et bon nombre de lignes de ces ouvrages présentent les faits d’une manière permettant à leur auteur de donner à penser qu’ils avaient apprécié le « sens de l’histoire » plus tôt qu’ils ne l’ont fait réellement. Le commandant Paul STEHLIN sera finalement appelé à Vichy à l’État-major de l’Amiral Darlan fin octobre où il occupera des fonctions plus politiques que militaires auxquelles il a été habitué et on ne sait rien d’autre de « sa tentative de ralliement » dont il parle en quelques lignes confuses dans ses mémoires. Encore Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air en 1963, il avait tous les moyens de se faire préparer une chronologie sans erreur de son activité au III/6 pour rédiger ses mémoires publiés en 1964 avant de se présenter à la députation.

Dans le livre de marche de la sixième Escadrille, son rédacteur anonyme écrit d’ailleurs le 8 juillet 1940 : « Le 11 juillet, à la suite du bombardement de Mers el-Kébir par nos ex-amis Anglais, le groupe retourne sur le terrain d’Alger Maison-Blanche […]. L’armistice fut signé les 23 (erreur : c’est le 22) et 24 juin à l’avantage de nos ennemis, dont les longues dents s’useront espérons le contre l’Angleterre qui continue la lutte plus que jamais. » L’expression « ex amis anglais » semble plus ironique que méchante, sans doute entendue dans la bouche de certains chefs… ! Mais l’espoir que les Anglais gagnent la guerre est clairement exprimé sous la plume de ce pilote du GC III/6 qui tient le livre de marche. On est bien donc loin de la « consternation » et des mots « trahison » et « pires ennemis » attribués par Paul STEHLIN à ses pilotes parlant des Anglais…

Entre l’ordre salutaire du 16 juin de transférer la plupart des groupes aériens vers l’A.F.N. et l’armistice du 22, il n’y a pas eu que les bons d’un côté qui voulaient immédiatement poursuivre la lutte coûte que coûte et les mauvais de l’autre qui avaient déjà décidé de collaborer avec les futurs vainqueurs de la guerre que tout le monde savait perdue dans l’hexagone. C’était la débâcle. Du Chef d’État-major, le général VUILLEMIN, au dernier des petits mécaniciens, la préoccupation initiale et naturelle de sauver tout ce qui pouvait l’être et de se sauver soi-même a donc été initialement la même.

Mais tout va beaucoup trop vite, et l’armistice devenant inéluctable, pourquoi ne pas croire le Général VUILLEMIN sincère et réaliste quand il écrit le 20 « La rupture, du fait de l’Armée de l’Air, des clauses d’un armistice entraînerait inévitablement la reprise des hostilités, l’occupation totale du territoire français, la disparition de l’armature gouvernementale et, finalement, de la nation française… » C’est certainement dans cet état d’esprit, que la crainte de départs vers Gibraltar d’unités entières ou de pilotes à titre individuel a conduit à donner un peu plus tard des ordres visant à priver certaines unités des moyens de le faire, en les orientant vers des aérodromes reculés, sans possibilité de ravitaillement en carburant et en munitions. Et il n’y a rien non plus à redire quand le 23, le Chef d’Etat Major donne cette fois-ci l’ordre de cesser tout transfert et de ne plus détruire aucun matériel. Ce n’est pas un revirement, c’est un enchaînement logique.

Si la France est restée la France grâce au Général de Gaulle, le Rebelle, et à sa vision unique de l’histoire, sachons aussi respecter ceux, qui confrontés à l’énormité des événements et les mains dans le cambouis, ont, à leur manière et dans le respect de la discipline militaire, pris les décisions qu’ils croyaient être les meilleures dans l’instant présent et dans leur sphère d’autorité. On peut par contre être beaucoup plus critique envers les politiques qui avaient depuis longtemps mis le pays en situation de ne pas pouvoir faire face à la menace Hitlérienne.

 

Confirmation de cette thèse

Dans un texte de Patrice Facon re-publié en 2020 dans « AIRPOWER IN 20 TH CENTURY - DOCTRINES AND EMPLOYMENT - NATIONAL EXPERIENCES » l’auteur fait strictement la même analyse que celle que nous avons exposée dans les lignes ci-dessous, sans d’ailleurs avoir pu en prendre connaissance préalablement.

Ce texte peut être lu en ouvrant le lien ci-dessous :

Les dernières décisions du Général VUILLEMIN avant les armistices

 

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18 JUIN 1940 : Revenons plus simplement au GC III/6. Il n’est pas discutable que ce fût bien le mardi 18 juin après-midi, entre 16 et 17h 00 que, trois par trois, les Dewoitine quittèrent Le Luc pour Perpignan – La Salanque atteint au bout de 1h 20. Le sgt GABARD retardé par des ennuis mécaniques auquel son fidèle mécanicien va pouvoir remédier, n’a quitté le Luc que quelques heures plus tard. Le s/lt SATGÉ doit laisser son D.520 n°357 codé « 27 » au lt MARTIN de la 5ème, dont l’appareil en panné sera abandonné au Luc et transféré plus tard, et le pilote de la 6ème gagnera Toulouse le lendemain par ses propres moyens pour en récupérer un nouveau, ce sera le n°346. À La Salanque, c’est le grand bazar ! Outre le GC III/6, le II/3, le III/3, le II/4, le II/5 et le II/7 sont présents. Heureusement, dans la journée, les Groupes III/2, I/3 et I/4 ont fait la traversée et on attend encore le GC I/5 qui n’arrivera que le 20 juin et repartira immédiatement.

 

Dewoitine 520 - Perpigna La Salanque - 19 juin 1940

Dewoitine D.520 sur le terrain d’aviation de Perpignan La Salanque le 19 juin 1940

Un fût d’essence est déposé devant chaque appareil - Les pleins sont faits à la main à l’aide d’une pompe Japy (à droite)

D’après le marquage il doit s’agir de la première Escadrille du GC III/3

Collection Louis Bassères – Résidant à La Salanque

 

Faute de distributeurs en nombre suffisant, le ravitaillement en essence est extrêmement lent. Les pilotes doivent faire les pleins de leurs appareils eux-mêmes, opération fatigante qui se poursuit tard dans la nuit à la lumière de la lune pour certains.

Les plus chanceux sont emmenés dans un restaurant de bord de mer pour tenter de dîner, mais il y a tant de monde qu’ils doivent attendre leur tour. Pour leur trouver un hébergement, un car les emmène dans un village où le maire essaye de leur trouver des places chez l’habitant. Une femme, derrière des volets clos, exprime bruyamment son refus en catalan, ce qui met fort en colère le capitaine STEHLIN, peu habitué à ce qu’on lui résiste ; il sort son pistolet et menace de tirer dans la persienne ! Le Maire peut le calmer et lui trouver un gîte digne de lui !

19 juin 1940 : Le lendemain mercredi 19 juin, les préparatifs se poursuivent.

Au dernier moment la destination finale a changé, c’est maintenant Alger. Mais le vol de Perpignan jusqu’à cette ville en 1940 n’est pas une chose si simple qu’on pourrait le croire pour une escadrille de chasse et des pilotes qui n’ont sans doute jamais survolé la mer si longtemps. Pour ces 2h 1/2 de vol, les réservoirs supplémentaires de bord d’attaque des Dewoitine doivent être utilisés, mais ils n’ont jamais été branchés en usine ; du fait qu’ils n’étaient pas protégés, on craignait une explosion s’ils étaient touchés par une balle incendiaire ! Pour procéder aux branchements, les mécaniciens du Groupe n’étant pas là, les pilotes doivent prêter la main aux trois spécialistes de la maison Dewoitine mis à leur disposition. Pour dévisser les tôles couvrant les accès aux tuyauteries, ils doivent se passer de main en main les deux seuls tournevis cruciformes qu’ils ont trouvés ! Il faudra prendre en compte que le poids supplémentaire des appareils dû aux réservoirs auxiliaires réduira un temps leur vitesse.

20 juin 1940 : Dans la matinée du jeudi 20 juin, le Groupe décolle. Au dernier moment le s/lt SATGÉ est arrivé de Toulouse avec un nouvel avion qui a pu lui être affecté et partir ainsi avec ses camarades. Par contre le cne GUERRIER a au décollage un problème avec son train d’atterrissage : il perd du temps avant de pouvoir le fermer grâce à quelques évolutions autour du terrain et il va faire le trajet loin derrière, en compagnie du sgt Michal CWYNAR qui l’a attendu, tous deux seuls et pris à partie par des tirs d’artillerie espagnols à proximité des baléares. Ce n’est qu’un hasard, mais ils avaient tous les deux installé une précieuse cargaison derrière la plaque de blindage du siège de leur avion : CWYNAR, sa guitare, et GUERRIER son matériel de pêche !

Les pilotes doivent faire leur navigation sans carte, sans connaître la côte algérienne, et avec les seules indications de vitesse et de cap données par leurs instruments, alors que beaucoup des montres des tableaux de bord des Dewoitine ont été volées dans la nuit ! Des pages prélevées dans les atlas des écoliers de Saint-Laurent La Salanque, des cartes du « Calendrier des Postes » ou des « Chemins de fer » ont été emportées par les pilotes sur lesquelles ils ont préparés leur vol : cap 160 pendant 20 minutes, puis cap 190 pendant 55 minutes pour éviter les Baléares, puis cap 200 pour tomber un peu à l’est d’Alger et apercevoir la « Grande Ville Blanche » à sa droite avant de descendre sur Maison-Blanche. Un pilote a pu décalquer sur un bout de papier sulfurisé, récupéré dans une cuisine, les contours des côtes espagnole et africaine sur lequel il a tracé son plan de vol pour Oran, sa destination initialement prévue ; il n’a eu le temps ensuite que de tracer une droite pointillée entre Perpignan et Alger lorsque la destination finale fut connue et de garder en tête les indications de cap et de temps indiquées.

 

Crate de la traversée de la Méditerranée - Perpignan Oran - Alger

Reproduction de la carte tracée par le sergent GOUZI du GC III/3 pour son vol de Perpignan à Alger

 

Heureusement le capitaine ASSOLLANT, le premier Français à avoir traversé l’Atlantique d’ouest en est en 1929 à bord de « l’Oiseau Canari », et qui, les 10 années suivantes, a sillonné l’Afrique en tous sens comme chef pilote de l’aviation civile à Madagascar, est un navigateur hors pair. De plus, le survol des Baléares peut permettre de corriger éventuellement le cap s’il le faut. C’est donc lui qui mène les avions pour cette traversée (*). La plupart des pilotes ont le « trouillomètre » à zéro de peur d’être isolé de leur guide !

(*)  Mémoires du lieutenant MENNEGLIER : « …Enfin le matin du 20 juin tout le Groupe décolla en direction d'Alger sous la conduite du capitaine Assolant qui avait l'habitude de la navigation au compas… »

      Mémoires du capitaine STEHLIN : « ... Le III/6 est rassemblé au complet au-dessus de La Salanque quand JE mets le cap sur les Baléares... ». Sans commentaire...

Les Dewoitine passent en vue des Iles Baléares sans rencontrer les avions ennemis que des renseignements malveillants avaient annoncés. À proximité des côtes algériennes, un Bloch 174 vient à la rencontre des arrivants pour les guider jusqu’à Maison-Blanche où ils atterrissent après 2h 40 ; c’est aussi la grande pagaille sur ce terrain complètement désorganisé par l’arrivée massive en quelques heures de tout ce qui vole encore après la campagne de France.

 

Alger avant-guerre

Alger avant-guerre

Alger la « La blanche » telle que les pilotes du GC III/6 purent l’apercevoir de loin avant de se poser sur le terrain de Maison Blanche le 20 juin 1940

Carte Michelin Alger - 1940

Carte d'état-major - Maison Blanche - 1940

A gauche, carte « Michelin » de la région d’Alger de cette époque où figure le terrain d’aviation de Maison Blanche, 10 km à l’est du centre-ville

A droite, sur un extrait de la carte d’état-major de la région, l’implantation plus détaillée de ce terrain vers 1935– Noter à gauche « Smar » (voir plus loin)

 

Les archives du III/6, n’en parlent pas beaucoup, mais tout ne s’est pas passé aussi bien que généralement rapporté. Outre le cne GUERRIER et le sgt CWYNAR, le s/lt KAWNICK, parti avec le Groupe, avait dû retourner à La Salanque, son hélice restant obstinément au petit pas. On put le dépanner et il repartit seul vers l’Afrique du Nord.

Concernant le s/lt polonais KAWNICK on a la chance de posséder deux témoignages d’origine totalement différente, mais heureusement concordants, au moins pour l’essentiel :

Le premier est celui du lieutenant mécanicien du III/6, Pierre BRAUDEAU, qui avait pu gagner Alger par avion avec une dizaine de ses mécaniciens avant l’arrivée des Dewoitine (voir plus loin).

 

Témoignage du lieutenant Pierre BRAUDEAU – Officier mécanicien au GC III/6

« …Nous passâmes tout l’après-midi à l’attendre... Il arriva à Maison-Blanche en taxi vers 18h trempé mais souriant, et raconta son aventure.

Il était parti vers 13h de La Salanque avec une hélice qui n’avait plus de caprice. Il n’avait pas de carte mais il avait reproduit sur un carnet le profil de la côte algérienne entre Oran et Bougie avec au milieu une grande ville blanche qu’on voyait de loin : Alger. Il savait qu’il devait passer au-dessus des Îles Baléares et continuer tout droit pour arriver à Alger. Fâché avec le compas il avait préféré simplifier le problème et « aller droit soleil ». Il passa effectivement au-dessus des îles Baléares mais en vue de la côte algérienne, il ne vit pas la grande ville blanche et la chercha en suivant la côte vers l’est. En ne la voyant toujours pas et s’apercevant qu’il s’était trompé et qu’il fallait la chercher vers l’ouest, il fit demi-tour. Mais quand vint enfin la grande ville blanche, il n’avait plus d’essence et il posa son avion sur l’eau, hélice arrêtée et train rentré à 200 m de la plage de Maison-Blanche. Avant que son avion coule, il prit sa petite valise derrière le pare-balles du cockpit et nagea vers la plage. Il mit longtemps à trouver un taxi qui le conduise à l’aérodrome de Maison-Blanche et se présenta au capitaine Stehlin vers 18h, penaud, honteux de son aventure, mais heureux d’avoir retrouvé ses amis… »

 

Le second, totalement indépendamment du III/6, est celui du général Albert PESTRE, né en Algérie en 1924, ancien élève de l’École de l’Air (promotion AFN 1943). Il faisait partie de la génération d’officiers de l’Armée de l’Air, qui ont partagé leur formation entre Marrakech et les États-Unis mais qui n’ont pas participé aux opérations aériennes en Europe. Au Groupe de Bombardement 2/20 « Bretagne » fin 1945, en Indochine, en Algérie, et commandant de la BA.105 d’Evreux en 1970, décédé en 2009.

Page consacrée au général Albert PESTRE

 

Témoignage du général Albert PESTRE - Alors lycéen à Alger, il avait 16 ans

« … En Algérie, nous étions bien loin des zones de combat. Néanmoins un jour, c'était le 20 juin, nous fûmes les témoins directs de la réalité de notre effondrement militaire. Entendant un bruit de moteurs lointain ne cessant de s'amplifier, nous vîmes arriver sur nous les premiers avions de chasse qui avaient fui la Métropole, en s'élançant au-dessus de la Méditerranée, pour trouver refuge sur le sol africain. C'étaient des « Curtiss P-36 » et des « Dewoitine 520 ». Leur axe d'arrivée sur la base de Maison-Blanche les faisait passer pour la plupart dans un vrombissement de tonnerre juste au-dessus de la propriété, à très basse altitude, seuls ou en patrouilles de deux ou trois appareils. Chaque fois que nous entendions un ronronnement lointain qui s'approchait, ma cousine, mon cousin, mon frère et moi, nous nous précipitions hors de la maison pour assister au spectacle. Puis nous suivions des yeux leurs silhouettes noires se découpant sur le fond bleu du ciel, jusqu'à les voir à l'horizon amorcer un large virage, avant de s'engager dans la descente vers la piste d'atterrissage.

Parmi les pilotes qui quittèrent la France, l'un d'entre eux put tout juste atteindre le rivage de l'Algérie. Amerrissant à quelques centaines de mètres de la côte, il réussit à s'extraire avec beaucoup de peine de sa carlingue… Puis il s'effondra évanoui sur la plage, le front ouvert, sa tête ayant buté sur le collimateur. »

« A quoi tient la vie… »

Société des Écrivains – 2005

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER – 6ième Escadrille du GC III/6

« ...A Maison-Blanche nous faisons connaissance avec l'Afrique et avec sa population de musulmans et de pieds-noirs. Il y avait sur le terrain un excellent mess. Au bar on servait dans de grands verres le moscatel des Pères Blancs qui, bien frais, descendait tout seul. On en prenait et on en reprenait. À table il y avait rosé et blanc frappé à discrétion. Rien d'étonnant à ce que l'après-midi on ait envie de faire la sieste. Il me fallut un ou deux jours pour me rendre compte qu'il fallait se modérer sur la boisson. Nous ne restâmes pas longtemps à Alger car on nous envoya sur un terrain de campagne à Morsott au sud de Constantine.... »

 

A Alger, les valeureux pilote Polonais sont envoyés dans un centre de regroupement avant de gagner la Grande-Bretagne où ils seront intégrés dans la R.A.F. Quatre pilotes de D.520 qui ont fait la traversée avec de III/6 sont intégrés dans ses effectifs : le cne Hugues BOULARD de POUQUEVILLE, affecté temporairement à l’État-major ; le cne Jacques SAUTIER (*) en provenance du CEMA 372 de Cazaux et le s/lt François BRONDEL à la 5ème Escadrille, le s/c Paul de HAUT de SIGY à la 6ème.

(*) Mémoires du lieutenant MENNEGLIER : « L'un d'eux était le capitaine Sautier, un polytechnicien qui avait appartenu au Centre d'essai en vol (C.E.V.). C'était un charmant camarade qui resta quelque temps avec nous puis rejoignit la France où il avait laissé sa famille. »

 

L’Échelon roulant

18 juin 1940 : Le transfert vers l’A.F.N. du reste de l’effectif du Groupe, dont les mécaniciens et leur chef le lieutenant BRAUDEAU, fut plus difficile ; faute d’avion pour leur transport, tous sont restés au Luc le mardi 18 juin après le départ des Dewoitine en attente des ordres. À partir de là, il y a télescopage entre les « Mémoires » du Général STEHLIN de 1964 et de celle de Pierre BRAUDEAU, ancien P.D.G de « La Soudure Électrique Languepin », qui raconte aussi en 1989, à l’occasion du 50ème anniversaire du III/6, son transfert en Algérie.

Pour tenter de remettre les choses dans l’ordre : L’adj. GOUJON, qui est arrivé à La Salanque avec tout le Groupe le 18 juin vers 18h 30 aurait été immédiatement renvoyé au Luc par le cne STEHLIN vers le lt BRAUDEAU pour lui porter l’ordre de mettre en route l’échelon roulant le lendemain. Le général STEHLIN qui situe son arrivée au Luc tard dans la soirée le 19 écrit : « ...Dès que je sais ce qui va se passer, je renvoie GOUJON au Luc pour donner à l’échelon roulant l’ordre de s’embarquer à Marseille pour Alger… » et il ajoute « …je suis dans l’autocar qui doit nous conduire dans un village proche de Perpignan pour y passer la nuit quand un planton me remet une note qui m’est destinée. C’est un ordre qui émane du Commandant en Chef des Forces Aériennes. Il m’est ordonné, tel quel, sans pli cacheté, comme une carte postale que tout le monde peut lire :

 

« Exemplaire n°27

G.Q.G.A. le 17 juin 1940, 0 heure

« ORDRE PARTICULIER N° 55

POUR LE GROUPE DE CHASSE III/6

1)      J’ai décidé d’entreprendre une opération brutale et puissante. Cette opération sera précédée d’une concentration rapide contre l'Italie du Sud, les îles et la Libye.

Cette opération sera précédée d'une concentration rapide de toutes les forces de bombardement disponibles en Afrique du Nord, où elles seront maintenues jusqu'à obtention du résultat recherché. La couverture du déploiement de ces moyens et du territoire nord-africain contre les ripostes du bombardement italien sera assurée par l'ensemble des moyens de chasse actuellement basés dans la métropole.

2)      En conséquence, dès réception du présent ordre, le Groupe de Chasse III/6 se dirigera sur l’Afrique du Nord la totalité de ses échelons volants disponibles (appareils montés par équipages de guerre).

3)      Terrain de départ : La Salanque

Terrain régulateur : Oran où vous trouverez des instructions concernant les terrains d'opérations où vous devrez vous rendre.

Le mouvement des échelons roulant fait l’objet d’instructions particulières.

Pour le Général-Commandant en chef des Forces aériennes,

Pour le Major général, l'Aide-Major général chargé des opérations :

Signé : BERGERET »

 

Pierre BRAUDEAU pour sa part situe l’arrivée d’ordres verbaux via l’adj GOUJON, le 18 juin : « Mettre en route l’échelon roulant du III/6 pour Marseille dans la nuit du 18 au 19, embarquer tout le personnel sur un paquebot et tous les camions et autres véhicules sur un cargo avec leurs chauffeurs et ceci fait, garder avec vous 15 mécaniciens « triés sur le volet » avec leurs caisses à outils personnelles et trouver à Marignane un avion dans les meilleurs délais pour que le III/6 puisse participer à « l’offensive brutale » contre l’Italie du sud, les îles et la Libye. »

Il affirme que ces ordres verbaux étaient accompagnés d’une copie de la note du Général BERGERET. À noter que l’adj GOUJON qui s’est posé à La Salanque en fin d’après-midi le 18 juin, tenant compte des pleins à faire, ne pouvait qu’être de retour au Luc que tard dans la nuit !

Tout cela semble bien abracadabrantesque ! Même si le Général STEHLIN, qui décale tout d’une journée, s’était trompé de bonne foi, il écrit qu’il reçoit la note du Général BERGERET à Perpignan dans la nuit, alors qu’il écrit un paragraphe plus haut que GOUJON est déjà reparti au Luc porter ses ordres ! Ce n’est donc pas qu’une erreur de date ! L’aller-retour de l’adj GOUJON au Luc est vraiment incompréhensible, à moins que M. BRAUDEAU ait voulu faire coïncider en 1989 une partie de son témoignage avec les Mémoires du Général STEHLIN, sans se rendre compte que celui-ci avait eu 25 ans plus tôt des souvenirs plus qu’incohérents ! De plus le cahier d’ordres de la 5ème Escadrille ne porte aucune trace de cet aller-retour Perpignan - Le Luc – Perpignan de l’adj GOUJON.

Quoi qu’il en soit, les ordres de mouvement vers Marseille ont été forcément donnés avant que le commandant du Groupe ne s’envole du Luc, puisque l’échelon roulant a eu le temps de se préparer et de partir dans la nuit du 18 au 19 pour effectuer les 100 kilomètres qui les séparaient de Marseille et y arriver à l’aube. Les Hommes sont regroupés au camp Sainte-Marthe ; outre ceux du III/6, s’y trouvent sans doute aussi ceux du II/4 et du GAO 553 qui s’embarqueront avec eux sur le même navire.

19 juin 1940 : Racontant en 1989 le passage de l’échelon roulant à Marseille, Pierre BRAUDEAU laisse entendre qu’avec la panique qui régnait sur le port, complètement encombré de matériels et de réfugiés, que ce n’est que grâce à sa débrouillardise et une copie de ce fameux « Ordre Particulier N°55 » qu’il aurait eu en sa possession, que le III/6 a pu être embarqué : « … je pars avec l’a/c mécanicien AUGST voir ce qui se passait sur le port. Des centaines de personnes faisaient la queue à la porte du fort Saint-Pierre où siégeaient les militaires débordés qui étaient censés organiser les départs en Algérie d’une horde disparate de candidats au voyage, les uns sur ordres de l’autorité militaire mais les autres par peur de tomber aux mains des Allemands qui descendaient la vallée du Rhône. Nous décidâmes de faire bande à part et de choisir nous-mêmes nos bateaux. En présentant les instructions du Général Bergeret directement aux commandants des bateaux nous avons réussi à caser tout le personnel de l’échelon roulant sur un paquebot et tous les véhicules sur un gros cargo avec un chauffeur par véhicule… »

20 juin 1940 : Il continue ce récit épique dans le même esprit : « J’avais gardé avec moi, outre l’a/c AUGST 14 mécaniciens « triés sur le volet ». Nous sommes partis à Marignane dans quatre taxis vers 18h 00 où je fus reçu par un jeune capitaine auquel j’exposai notre cas. Il y avait deux hydravions en cours de chargement de matériel civil pour l’Algérie. Il fit décharger ces matériels, nous offrit à manger et à boire et quand les hydravions furent prêts au départ nous y accompagna. Nous décollâmes à 4h 00 le 20 juin et à 9h 00 nous amerrissions à l’entrée du port d’Alger. Quatre nouveaux taxis nous conduisirent à l’aérodrome de Maison-Blanche où nous arrivâmes à 11 h. À midi le III/6 se posa et gagna le hangar n°6 où les mécaniciens attendaient ». Tout ceci est trop beau : quand les avions du III/6 sont arrivés à Alger la plupart des témoignages parlent d’une pagaille complète. Il y avait des appareils dans tous les sens sur le terrain et sur son périmètre et il est impossible qu’une escadrille complète ait pu se frayer un chemin jusqu’à un hangar qui ne lui avait certainement pas été encore attribué !

Dans ses mémoires en cinémascope, Paul STEHLIN, n’hésite pas à écrire : « ...(le terrain de) Maison Blanche est encombré d’avions. Il n'est pas facile de trouver une place sans risquer une collision. Pourtant, en dix minutes, les trente-neuf Dewoitine du groupe sont alignés au bord du terrain, les masques blancs à gauche de mon avion, les masques noirs à droite, en une rangée impressionnante... »

On a ici un bel exemple de ces témoignages tardifs, sans support d’archives, où la volonté de parler de soi passe avant celle de raconter l’Histoire !

Le sgt mécanicien Robert UMBERT, n’a pas dit clairement s’il faisait partie de ce groupe de 15 privilégiés « triés sur le volet » conformément aux ordres du cne STEHLIN, mais il a témoigné : « …une partie des mécaniciens fût embarquée sur un hydravion Latécoère qui décolla de l’étang de Berre au lever du jour pour se poser 5 heures plus tard dans l’arrière port de l’Agha à Alger. Le reste des mécaniciens arriva par bateau le 27 dans la matinée »...

L’adjudant mécanicien René COLIN, raconte pour sa part : « ...les pilotes partent pour Perpignan et les mécaniciens avec l’échelon roulant se rendent à Marseille. Les pilotes rejoignent ensuite Maison-Blanche sans aucun incident pour notre groupe (il oublie manifestement l’amerrissage du s/lt KAWNIK, et l’arrivée en solitaires des sgt CWYNAR et cne GUERRIER, suite à un ennui mécanique au décollage sur le D. 520 de ce dernier !). Quelques mécanos gagnent Alger sur deux hydros d’Air France, des Lioré et Olivier LeO 242. Celui où je suis est piloté par Givon (*). Le reste du personnel arrive par la mer. Nous restons plusieurs jours à Maison-Blanche, avant de partir pour Constantine où nous apprenons l’armistice... »

(*) Célèbre compagnon de Mermoz à « l’Aéropostale ». Précédemment, le 2 septembre 1927, il avait décollé du Bourget en direction de New York avec Pierre Corbu sur le Farman « Oiseau bleu », mais les pilotes avaient prudemment fait demi-tour au bout de deux heures, l’avion étant trop instable.

Pas d’allusion au Hangar n°6 ! Pas d’allusion aux 38 Dewoitine bien alignés derrière celui du Commandant du Groupe... Finalement, quelle importance ? Un ou deux hydravions, Latécoère ou Lioré & Olivier (*), 15 mécaniciens, un peu plus ou un peu moins ! Quelle importance de savoir si le cne STEHLIN a pu faire une arrivée digne de lui, attendu devant le hangar n°6 par des « mécaniciens triés sur le volet », peut-être au garde à vous ? Il nous manque le film !

(*) Vérification faite, ce sont bien deux Lioré et Olivier LeO 242 qui ont fait le voyage, mais il n’y avait pas que le III/6 à leur bord !

 

Hydravion Lioré et Olivier H.242 employé sur la ligne Marseille/Alger – Photographie faite devant les hangars de l'hydrobase Air France à Marignane en 1937

Envergure : 28 m – Longueur : 18m 450 – Hauteur : 5 m 995 - Poids à vide : 4 750 Kg. - Poids enlevé : 4 250 Kg - Vitesse à 100 m (sol) : 232 km/h - Temps de montée : 13'10" à 2 000 m – Plafond : 4.400 m. en 63’

Les passagers et le fret prenaient place à bord au sec et les H.242 étaient mis à l'eau ensuite via une rampe.

Collection René ZUBER via Jean-Louis BLÉNEAU

 

Hydravion Lioré et Olivier H.242 employé sur la ligne Marseille/Alger – Photographie aérienne de l'hydrobase Air France de l’Agha d’Alger vers 1937

 

 

En fait, le lieutenant BRAUDEAU a un peu oublié 45 ans plus tard que c’était le lieutenant MIRAND, le vrai patron du personnel non navigant, en charge de l’équipe administrative du Groupe ; si celui-ci n’a pas raconté plus tard par modestie le transfert du III/6, de Marseille à Alger, des sous-officiers se rappellerons bien que c’est lui qui a réglé la plupart des problèmes. Il fit la traversée à bord du « Commandant Dorise », avec ses hommes, dans des conditions épouvantables et fit de son mieux pour leur trouver un minimum de rations alimentaires, soutenir le moral des plus faibles et éviter des affrontements dus à la promiscuité avec les autres passagers...

Comme cette histoire est bâtie autour de celle de l’a/c Joseph BIBERT, notons pour sourire qu’il n’a pas eu la chance d’être « trié sur le volet » puisque son livret militaire prouve qu’il n’a été « débarqué » que le 27. Il n’y avait au III/6 que 4 sous-officiers mécaniciens qui avaient fait un stage de 8 jours chez Dewoitine à Toulouse du 7 au 16 juin pour être spécialisés sur le D.520 ; adj. COLIN, (chef de hangar) et sgt DESFOSSEZ pour la 5ème, s/c BIBERT (chef de hangar) et ROBERT pour la 6ème. On peut penser malgré tout que la présence sur le port de Marseille d’un des deux chefs de hangars, sous-officier confirmé, pour veiller au bon chargement des matériels du Groupe, avait été jugé utile puisqu’on sait par ailleurs que les trois autres ont bénéficié d’un voyage confortable en avion pour accueillir dignement leur commandant de Groupe à son arrivée en terre d’Afrique !

 

Extrait du livret militaire de Joseph BIBERT – Débarquement en Algérie

 

21 juin 1940 : Pour revenir sur les problèmes d’intendance, ceux du GC III/6 qui font la traversée maritime ont touché à leur départ du Luc des rations individuelles pour se nourrir les 19 et 20 juin... Après cela c’est la grande débrouille ! Ils embarquent donc le 21 juin sur les deux antiques cargos, le « Commandant Dorise » pour le personnel et une partie du matériel et le « Sainte-Marguerite II » pour le reste du matériel. Ces deux navires doivent avec une trentaine d’autres partir en convoi (*) Les échelons roulants de plusieurs autres groupes ont également été embarqués, certains sur les mêmes navires que ceux du III/6 (GC II/4 et de GAO 553 comme dit plus haut).

(*) Les navires du convoi P8 : AMPERE, CALEDONIEN, CAMPINA, CHATEAU LAROSE, CHELMA, COMMANDANT DORISE, CYDONIA (britannique), ESTRID (danois), FIRUZ, FORMIGNY (britannique), GINETTE LE BORGNE, GOUVERNEUR GENERAL CAMBON, GOUVERNEUR GENERAL GREVY, GOUVERNEUR GENERAL TIRMAN, IMERETHIE II, JOHN KNUNDSEN (norvégien), KROUMIR, LANGANGER, MAYAN, MAYENNE, MEDIE II, MONT SAINT CLAIR, NICOLO ODERO, OASIS, P.L.M.20, PALLAS, PLATON, SAGITTAIRE, SAINTE MARGUERITE II, TANAIS, TELL et TIBERIADE.

 

Cargo "Commandabt DORISE"

Cargo "SAINTE-MARGUERITE II"

A gauche, le cargo « Commandant DORISE » et à droite le « Sainte-Marguerite II »

Echelon roulant du GC III/6 sur le "Commandant DORISE"

Echelon roulant du GC III/6 sur le "Commandant DORISE"

Chargement d’un camion de l’échelon roulant du GC III/6 le 20 juin 1940 sur le « Commandant DORISE » et un aperçu des conditions de la traversée qui dura 4 jours

Photographies Robert ROHR du GC III/6 – Droits réservés

 

Personnels du GAO 553 sur le "Commandant DORISE"

Le "Commandant DORISE" quitte le port de Marseille - 22 juin 1940

Le "Commandant DORISE" quitte le port de Marseille le 22 juin 1940

Toujours à bord du « Commandant DORISE » des personnels du GAO 553, Groupe qui a aussi embarqué sur le cargo et le départ de celui-ci dans le port de Marseille

Collection de GRIVEL via Mathieu COMAS – Droits réservés

 

En savoir plus sur :  Les cargos « Commandant DORISE » et « SAINTE-MARGUERITE II »

 

Dans la nuit du 21 au 22 juin, alors que les navires sont encore en rade 6 à 10 bombardiers Savoia-Marchetti SM.79 du 104ème Gruppo (46ème Stormo) attaquent la ville en deux vagues successives. Ce qui reste de la chasse française n’a pas pu intervenir, et la D.C.A française réagit sans succès, y compris les jumelages anti-aériens se trouvant sur certains navires et servis par des marins de la « Royale ». Un peu plus de 4 tonnes de bombes tombent sur Marseille et l’Estaque, faisant près de 140 victimes civiles. Quelques-unes atteignent la rade, mais loin des bateaux, créant cependant une grosse panique et une course vaine aux ceintures de sauvetage.

22 au 17juin 1940 (en mer) : Ceux-ci lèvent l’ancre le 22 juin à 17h 00 à destination d’Oran, escortés par des unités de la Marine Nationale. Il y a 1 200 personnes à bord du « Commandant Dorise », l’installation manque de confort et d’hygiène, la nourriture peu abondante est médiocre. C’est pire sur le « Sainte-Marguerite II ». Le convoi change très souvent de cap pour dérouter les sous-marins ennemis. Le 23 le convoi est encore en face de la côte française à Port-Vendres et il arrive en vue des Baléares à une vitesse de 9 nœuds dans la journée du 24, et à Oran le 26 à 17 heures mais des ordres nouveaux ont été donnés pour certains bateaux de poursuivre leur route vers Alger. Les deux vieux cargos repartent à 21 heures et tout le monde débarque à Alger le 27 juin entre 18 et 19 heures ; les hommes sont totalement épuisés et affamés. Tout le Groupe GC III/6, encore dispersé puisque l’échelon volant a quitté Maison-Blanche depuis 3 jours, se trouve à ce moment en terre africaine, en attente d’instructions.

Cantonnés au « Dépôt des isolés métropolitains » au 25ème régiment du train-auto, ce qui ne résout que partiellement leurs précédents problèmes d’intendance, il faudra trois jours aux « rampants » à Alger pour regrouper le matériel et se remettre en ordre de marche, avant de pouvoir enfin quitter la ville en effervescence le 30 juin pour Constantine. Quelques photographies permettent de penser que certains ont quand même eu le temps de visiter rapidement la grande ville blanche...

 

MORSOTT - CONSTANTINE

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Le 24 juin nous partîmes en deux formations vers Morsott, notre nouveau lieu de stationnement. Aux environs de Constantine nous butâmes sur un ciel très noir. Un vent de sable soufflait au sud. Le cne Stehlin fit demi-tour et décida d'aller se poser sur le terrain de Constantine. Le cne Chainat qui commandait l'autre formation, sans doute plus familier du vent de sable à cause de son séjour au Maroc alla jusqu'à Morsott.... ».

 

Retour à L’Échelon volant

24 juin 1940 : Le Groupe reçoit l’ordre de se rendre à Morsott, bled perdu dans les sables et la rocaille situé entre Tébessa et Souk-Ahras à la frontière tunisienne, à 400 km est/sud-est d’Alger, plus loin que Constantine. On est le 24 juin. Ce qui est indiscutable : la 5ème Escadrille décolle à partir de 15h 00 (Cahier d’Ordres) ; LE GLOAN – MARTIN – TRINEL (seconde patrouille), suivis de GOUJON – CHARDONNET – MERTZISEN et HARDOUIN (troisième), vont arriver sans encombre à Morsott ; par contre la patrouille JACOBI – de ROUFFIGNAC – BRONDEL, partie la première 5 minutes avant celle de LE GLOAN, va atterrir à Constantine ! Le livre de marche de la 6ème Escadrille dit seulement « Un providentiel (SIC) vent de sable oblige la moitié du Groupe, conduite par le Capitaine Stehlin, à se poser sur le terrain de Constantine » et le Cahier d’Ordres de l’Escadrille cite seulement les 12 pilotes ayant fait le trajet Alger – Constantine en 4 patrouilles de 3 sans préciser l’heure de décollage. On sait par ailleurs qu’à l’atterrissage, les avions du capitaine BOULARD de POUQUEVILLE et du sgt GAUTHIER (6ème Escadrille) se percutent, sans dommage pour les pilotes. Belle pagaille !

En 1964, Paul STEHLIN, qui situe d’ailleurs bizarrement cet épisode le 23 (avant l’annonce de l’armistice avec l’Italie) au lieu du 24, raconte dans ses mémoires cet épisode en multipliant invraisemblances et contrevérités : « L’Escadrille des masques blancs (c’est la 5ème qui se pose effectivement à Morsott, mais sous la conduite de CHAINAT d’après jean Menneglier) part avec Assollant en tête, celle des masques noirs (c’est la 6ème, celle qu’il dit conduire et qui va se poser effectivement à Constantine avec lui) suivra à une demi-heure (5 minutes d’après le cahier d’ordres), sous ma conduite. Est-ce parce que je ne connais pas l'Afrique ou est-ce l'influence d'une grande fatigue, j'ai l'impression que la visibilité diminue rapidement et que devant nous le ciel s'assombrit. Le fait est que la formation s’est resserrée, ce qui est bien le signe que personne ne veut risquer de me perdre de vue. J’ai vingt pilotes (12 tout au plus !) qui me suivent, la moitié d’entre eux n’a qu’une courte expérience du vol (Ils ont tous plus de 20 missions de guerre à leur actif et de nombreuses citations !). Je regarde la carte, nous ne sommes pas loin de Constantine. Il est peut-être plus prudent de faire une escale pour obtenir des informations sur le temps (il n’y a que 20 minutes de vol environ entre Constantine et Morsott !) ». Il sous-entend à contrario plus loin en se contredisant qu’il a fait le choix volontaire de se poser à Constantine pour pouvoir quitter l’Algérie au plus tôt avec ses pilotes, à destination de Malte, afin d’y poursuivre la lutte à côté des Anglais. Pour lui, comme dit plus haut, il y avait en effet volonté de toute la hiérarchie de réduire les escadrilles à l’immobilité en les positionnant loin de tout et sans possibilité de ravitaillement en essence, voire de remettre les avions aux italiens.

 

 

Plus raisonnablement et plus simplement, on peut aussi penser que vu le grand encombrement de Maison-Blanche, la nécessité d’y faire de la place a conduit à répartir dans l’urgence les escadrilles au mieux sur des terrains pouvant les accueillir, conformément aux ordres du 17 juin du Général VUILLEMIN, sous la signature du Général BERGERET, visant à concentrer les forces face à l’Italie. Ce n’est en effet que le 24 au soir que l’armistice avec l’Italie de Mussolini a été signé, avec une cessation des hostilités à 0h 35 le 25 au matin. À cette heure-là, si la cinquième Escadrille est bien à Morsott, sans doute avec CHAINAT et/ou ASSOLLANT ?, conformément aux ordres de l’État-major, le Commandant du Groupe et une patrouille de la 5ème (dont son commandant d’escadrille) se sont posés prudemment à Constantine, en y entraînant toute la 6ème Escadrille.

A propos de Constantine : « … à la place du bel aérodrome auquel je m’attends en raison de l’importance de la ville j’aperçois une sorte de petit terrain d’aéro-club… » écrit Paul STEHLIN dans ses mémoires en poursuivant : « …à Morsott il n’y a ni logement, ni nourriture, ni rien pour faire vivre un Groupe, c’est le désert… à Constantine l’hôtel « Transatlantique » est confortable… ». On comprend mieux ! Il dit alors vouloir faire revenir immédiatement la 6ème Escadrille à Constantine, mais qu’on lui intime l’ordre de ne pas le faire, toujours avec cette volonté générale et organisée d’empêcher les aviateurs de se rallier aux Anglais. Mais avec la signature de l’armistice dans la nuit, qu’aucun avion ne soit autorisé à voler à partir du 25 au matin n’a pourtant rien d’étonnant (*) ! Tout cela est bien embrouillé et n’a finalement que peu d’importance, hormis peut-être celle de présenter l’auteur de ces lignes sous un jour favorable, plus de vingt ans après les faits, au moment où le Général de Gaulle est au pouvoir et qu’on aspire à une carrière politique…

(*) Pourtant dans la matinée du 25 juin, le capitaine JACOBI, commandant de la 5ème Escadrille, qui s’est détourné la veille de leur destination prévue avec le cne STEHLIN, qui a préféré le « confort » de Constantine plutôt que les « sables » de Morsott, fait un aller-retour Constantine-Morsott avec son Dewoitine 520 codé « 1 », sans doute pour donner quelques ordres aux pilotes et mécaniciens se trouvant à Morsott (Cahier d’Ordres de la 5ème).

Dans les jours qui vont suivre, conformément aux ordres donnés aux commandant des deux escadrilles par leur commandant de Groupe, aussi bien à Morsott qu’à Constantine, les capots des Dewoitine sont ouvert et les magnétos sont démontés pour interdire tout départ intempestif (voir photographie plus bas). Il n’est donc vraiment pas question d’un départ à Malte...!

29 juin 1940 : Morsott était bien la destination prévue du III/6. Deux photographies prises par le sgt Jules PIESVAUX de la 5ème le 29 juin y montrent en effet des D.520 du III/6 et ses camarades mécaniciens ; COLIN et DESFOSSEZ (du stage de Toulouse) et LE MAT. Au moins ces quatre-là faisaient-ils donc partie de ceux qui avaient traversé la Méditerranée par avion et qui avaient été dépêchés en avant-garde sur leur nouveau terrain d’affectation. Par contre les pilotes posés à Morsott, privés de vol, ont laissé leurs avions sous la garde d'une unité territoriale et de quelques mécaniciens… pour rejoindre leurs camarades à Constantine où la vie est bien plus agréable !

 

GC III/6 à Morsott

GC III/6 à Morsott

Rares photographies témoignant de la présence d’avions du GC III/6 à Morsott entre le 25 et le 30 juin 1940

Sergents mécaniciens PIESVAUX, LE MAT, COLIN et DESFOSSEZ à gauche, LE MAT et PIEXVAUX à droite

Photographies Jules Piesvaux – Droits réservés

 

30 juin 1940 : L’échelon roulant qui a pu récupérer péniblement à Alger ses matériels arrive finalement dans la soirée du 30 juin à Constantine où les avions sont totalement immobilisés. Les mécaniciens ne chôment pas ; les machines n’ont pas beaucoup profité de leurs soins depuis de départ du Luc-en- Provence...

3 juillet 1940 : C’est Mers el-Kébir ! On remet précipitamment les appareils en état de vol et les pilotes de la 5ème dont l’appareil est à Morsott y retournent pour le ramener à Constantine en vue d’une éventuelle opération de protection contre l’agresseur britannique.

 

Témoignage oral (2011) de Mme. Jane ROBERT, veuve du sgt mécanicien Lucien ROBERT du III/6 -5ème Escadrille

« ...J’étais donc à Oran en 1940 au moment de la tragédie de Mers el-Kébir. L’Amiral Gensoul a refusé à Churchill de prendre le contrôle de la flotte et les Anglais l’ont immédiatement bombardée : ce fut une faute. Mais il faut dire que l’Amiral français avait fait d’abord fait tirer sur la vedette des parlementaires anglais qui venaient à sa rencontre, sans vouloir engager une négociation, ce que beaucoup lui ont reproché. Un des bateaux dont tout l’équipage était à bord a immédiatement été détruit et tous les marins se sont retrouvés au fond de l’eau, les pauvres, complètement mazoutés : ils sont presque tous morts. Après le désastre mon père m’a dit : on va aller voir ce que c’est. C’était terrible, tous les bateaux étaient complètement tordus, à moitié noyés… c’était affreux, affreux ! J’avais une amie qui était infirmière à l’hôpital Gaudens, elle m’a dit que les marins qui arrivaient complètement mazoutés étaient en fait asphyxiés et mourraient comme des mouches… Seul le cuirassé « Strasbourg » avait pu s’échapper... »

 

C’est donc dans des conditions un peu rocambolesques que tous les personnels, les avions et le matériel du III/6 éparpillés entre Morsott, Constantine et Alger se retrouvent finalement regroupés sur le petit aérodrome de Constantine à Kroubs à la fin de ce triste jour de juillet 1940 qui a vu une partie de la Flotte Française être détruite par la Royal Navy à Mers el-Kébir ; 1 300 morts ! Pour fixer cette destination finale, il y a bien dû y avoir des ordres supérieurs au-delà du choix de son cantonnement qu’aurait fait un simple capitaine, Commandant d’un Groupe aérien parmi d’autres ! Peut-être que ses anciennes fonctions politiques à l’ambassade de France en Allemagne, bien que modestes, rendaient prudents ses supérieurs ce qui lui permettait de s’autoriser quelques libertés... Une fois tout le monde arrivé tant bien que mal à Constantine, certains continueront à profiter des « bienfaits » de l’intendance militaire car pris en subsistance par la 25ème compagnie du train automobile, tandis que d’autres s’installeront confortablement à l’hôtel Transatlantique.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Le terrain de Constantine, le Kroubs, était tout petit. Il avait la forme d'une culotte de petit garçon et était à une altitude de plus de 1 000 mètres. Le vent soufflait dans la direction où il était le plus court. Les premiers avions se posèrent dans ce sens. Je fis moi-même un atterrissage de précaution en m'amenant au moteur à faible vitesse. Mais d'autres pilotes voulurent se poser dans le plus grand sens avec vent de travers. À un moment deux avions qui se posaient avec des axes d'atterrissage différents se tamponnèrent sans autre mal que de la tôle froissée (*)... »

« …on ne pouvait pas reprocher aux Anglais de vouloir protéger leurs côtes que les Allemands menaçaient directement alors que notre propre résistance s'était effondrée. Mais Mers el-Kébir nous paraissait comme un affront, un manque de confiance dans la volonté de notre Marine de respecter les clauses de l'armistice et de ne pas laisser notre flotte tomber sous le contrôle allemand. Évidemment plus tard, avec la présence de Darlan au gouvernement, nous aurions pensé autrement. Bref nous étions prêts à répondre coup pour coup aux Anglais. Le Groupe III/6 aura l'occasion de le faire en Syrie mais je l'aurai quitté avant... »

 

(*) comme dit plus haut, le cne Hugues BOULARD de POUQUEVILLE à bord du n°386, percute le n°364 « Mektoub ! III » du sgt Gauthier et lui découpe le plan droit. Ce dernier D.520 est bon pour la réforme, tandis que le n°386 pourra être réparé… lorsque les réparations seront de nouveau autorisées en atelier, soit près d’un an plus tard ! Ce n’est que le début d’une longue série. Le sgt Gauthier restera sans avion jusqu’au 24 juin et ne pourra récupérer un autre appareil que le 21 août seulement ; ce sera le D.520 n°145 qui sera codé « 32 » et baptisé « Mektoub ! IV ». Voir photographie plus bas.

 

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Joseph BIBERT est certainement heureux de se retrouver une seconde fois en poste sur le sol africain, après son premier séjour à Djibouti de 1937-1939, qui fut pour lui si agréable et dont il conserva la nostalgie sa vie durant.

Il n’aimait pas parler de lui, et nous n’avons malheureusement pas connaissance de l’activité réelle et de son état d’esprit pendant la période très agitée entre son départ de Coulommiers, ses quelques jours passés au Luc, son stage à Toulouse, sa traversée de la Méditerranée et son arrivée à Constantine. Il n’a pris aucune photographie pendant cette période. Les trois dernières faites à Coulommiers et les premières faites à Constantine font partie d’un même rouleau de 8 négatifs. Pas de trace de correspondance ; aurait-il eu le temps d’écrire d’ailleurs ? Et à quelle adresse ? Il n’avait plus aucune nouvelle de son épouse sans doute partie en exode quelque part en France, de sa mère et de sa sœur en Alsace, si près de l’Allemagne. L’incapacité dans laquelle il était de leur signaler sa position et le manque de perspectives pour sa vie à venir ont certainement été des sujets d’inquiétude permanents. Mais comme beaucoup d’autres, il a tiré par la suite un voile pudique sur tout cela et nous n’avons pas pu réellement aborder le problème sur le fond avec lui avant sa disparition.

Une petite anecdote mérite cependant d’être racontée : au Luc, avant sa mission à Toulouse, il logeait chez un facteur dont la maison était rose. Dans la précipitation de l’évacuation de l’hexagone il s’est retrouvé en Algérie sans une partie de ses effets personnels qui étaient restés dans une valise chez son logeur, dont il ne se rappelait plus, ni le nom, ni l’adresse. Il a donc écrit d’Algérie à tout hasard une lettre à « Monsieur le Facteur, Habitant une maison rose, Le Luc » et il y eut trois miracles consécutifs : son courrier est parvenu à la bonne destination, ce facteur était honnête et la valise est finalement arrivée de l’autre côté de la Méditerranée quelques semaines plus tard, intacte et complète !

Que pensait-il de ce qui venait d’arriver à la France ? Avait-il entendu parler du Général DE GAULLE ? Faisait-il totalement confiance comme 95% des français de l’époque au vieux Maréchal pour sortir le Pays de l’ornière dans laquelle ses dirigeants l’avaient conduit. Avec le temps et connaissant la fin du film on voudrait savoir et on imagine. Mais la réalité est sans doute assez simple. Joseph était un modeste militaire de carrière, il faisait partie du GC III/6 et il avait confiance en sa hiérarchie. Il a accepté les ordres donnés et il s’est sans doute adapté à la situation, en faisant simplement au mieux pour que celle-ci soit la moins mauvaise possible eu égard aux circonstances, et il a attendu la suite… Le s/lt MENNEGLIER dans ses mémoires, ne dit pas autre chose (voir première partie)...

 

 

Finalement, il n’y aura pas de vraies représailles contre l’Angleterre après Mers el-Kébir ; le Gouvernement du Maréchal rompt seulement ses relations diplomatiques et envoie quelques avions bombarder Gibraltar le 5 juillet sans grands dommages pour le « Rocher ». Le III/6 se retrouve alors en quasi léthargie. Officiers, sous-officiers, hommes de Troupe, tous en profitent pour visiter longuement la ville et ses ponts, dont le célèbre Sidi M’Cid suspendu au-dessus des gorges du Rhummel. Après les épreuves de la campagne de France, c’est un délassement apprécié et le soulagement se lit sur les visages. Tous ceux qui ont un appareil photo en profitent car ils ont la chance de trouver encore à acheter quelques rouleaux de pellicules, denrées rares à cette époque...

 

Constantine – Début juillet 1940 – Les Dewoitine D.520 de la 6ème Escadrille – Capots ouverts – Magnétos démonté pour les clouer au sol

Photographie Joseph Bibert – Droits réservés

Dewoitine 520 n°264 et 386 - GC III/6 - Constantine

Constantine : Le Dewoitine D.520 n°364 « Mektoub ! III » du sgt Georges GAUTHIER (6ème), plan droit arraché

lors de l’atterrissage du n°386 du cne Hugues BOULARD de POUQUEVILLE (E.M.) - Appareil au second plan

Photographie Georges Gauthier – Droits réservés

 

C’est donc à Constantine que Joseph termine le rouleau de pellicules photo, commencé lors du bombardement de Coulommiers, un peu plus d’un mois plus tôt. Il peut recharger son Voigtlander grâce aux ressources locales et on peut ainsi découvrir les seules photographies connues d’un si bel alignement de Dewoitine 520, ceux de la 6ème Escadrille du GC III/6, clichés historiques de grande qualité qu’il a faits du terrain de Constantine, dont certains à bord d’un Lioré & Olivier LeO 20 avec lequel il a eu l’occasion de survoler la ville.

 

 Début juillet à Constantine : photographies de l’album n°6 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des photographies début juillet à Constantine

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

 Les photographies de Jules PIESVAUX, Jean MENNEGLIER et Georges GAUTHIER – Droits réservés 

 

Constantine – Dans les gorges du Rhummel – Jules PIESVAUX de la 5ème – La passerelle Sidi M’Cid – Le monument aux morts - Groupe de mécaniciens de la 6ème

 

Constantine – Dans les gorges du Rhummel (à gauche) et autres vues (au centre et à droite)

Constantine – En haut des gorges du Rhummel (à gauche) – Groupe de mécaniciens de la 6ème(au centre) - Sur le pont d’El-Kantara (construit entre 1860 et 1863), vers la passerelle Sidi M’Cid (à droite)

Les bains de Sidi M’Cid – GABARD – SATGÉ – X – PIMONT de la 6ème Escadrille

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...A Constantine nous logions à l'hôtel de la Brèche qui avait pris ce nom probablement parce que c'était à son emplacement que les murailles de la ville avaient été percées lors de sa prise au siècle précédent. Sous la fenêtre de ma chambre il y avait un caravansérail où on chargeait des chameaux qui devaient partir ensuite vers le sud. Le premier matin, ouvrant l'œil, j'entendis un bruit bizarre qui ressemblait à celui fait par quelqu'un en train de vomir. Regardant dehors je vis les chameaux baraqués qui blatéraient à qui mieux mieux pendant qu'on les chargeait de grands sacs réunis par des cordes nouées au-dessus du bât.

Nous établîmes notre popote au restaurant de la piscine de Sidi M'Cid qui se trouve juste au pied des falaises qui bordent la ville au nord. Pour y aller on pouvait prendre soit la route qui suit les gorges du Rhummel et descend ensuite en lacets vers la piscine, soit en faisant un grand tour pour arriver en bas de la falaise et traverser la rivière par un pont juste à la sortie des gorges.

La piscine était alimentée par une source chaude sortant de la falaise. Il y avait un ciel bleu et un soleil chaud. Nous faisions souvent les lézards sur ses gradins après nous être baignés. Ne pouvant plus voler nous n'avions plus grand chose d'autre à faire… Pour passer le temps nous nous promenions pour visiter la ville.

Capdeviolle avait une carabine 22 long rifle démontable. Un jour nous allâmes tirer des pigeons dans les gorges du Rhummel qui étaient accessibles par un sentier escarpé avec de nombreux escaliers. Il y avait au fond une sorte de piscine remplie d'une eau d'un bleu vert d'une couleur extraordinaire. Nous descendîmes quelques pigeons qui furent récupérés par de petits arabes qui traînaient au fond des gorges. Elles sont très pittoresques à cause de leur profondeur et en deux ou trois endroits le Rhummel qui les a creusées passe dans un tunnel ou sous des arches de rocher notamment à la sortie où il tombe en cascade à mi-hauteur de la falaise... »

 

Chez Sidi M’Cid : HARDOUIN, GAUTHIER, LE GLOAN, PIMONT, GOUJON etc...

Chez Sidi M’Cid : LE GUENNEC, GUERRIER, BRIÈRE, ROUSSILLON, PIESVAUX, PÉRALÈS

 

Pilotes du GC III/6 fin juin 1940

État-major

5ème Escadrille

6ème Escadrille

Cne Paul Stehlin

Cne André Chainat

Cne Jean Bernache-Assollant

Cne Hugues Boulard de Pouqueville

Cne Roger Jacobi

Cne Jacques Sautier

Lt Robert Martin

Lt Daniel de Rouffignac

S/Lt François Brondel

S/Lt Pierre Le Gloan

Adj Charles Goujon

S/C Gabriel Mertzisen

S/C Maurice Chardonnet

Sgt Napoléon Trinel

Sgt Roger Hardouin

Cne Jacques Guerrier

Lt Georges Legrand

S/Lt André Capdeviolle

S/Lt Marcel Steunou

S/Lt Marie-Henri Satgé

S/Lt Jean-Paul Menneglier

Adj Jean Diaz

Adj Guy Japiot

S/C Alain Le Guennec

S/C Paul de Haut de Sigy

Sgt Georges Gauthier

Sgt Roger Pimont

Sgt Raymond Gabard

 

Le général VUILLEMIN, sur le départ, se fait présenter à Sétif le 6 juillet au cours d’une prise d’armes une importante délégation des pilotes de l’aviation de chasse en mesure d’y être présents. Au GC III/6 nombreux sont ceux qui sont mis à l’honneur et qui reçoivent de ses mains des distinctions :

·        Cravate de commandeur de la Légion d’Honneur au capitaine CHAINAT,

·        Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur au lieutenant LEGRAND et au sous-lieutenant LE GLOAN,

·        Médaille militaire aux adjudants JAPIOT et GOUJON,

·        Croix de guerre au capitaine GUERRIER, sous-lieutenants STENOU, SATGÉ, MENNEGLIER, CAPDEVIOLLE, au sergent-chef LE GUENNEC et aux sergents GAUTHIER, GABARD, PIMONT et BOUIN.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Un jour le groupe alla par la route à Sétif pour assister à une prise d'armes pour une remise de décorations. J'avais eu droit à une citation à l'ordre de la Brigade aérienne pour la mission pendant laquelle nous avions été tirés par la D.C.A. sur la Somme, ce qui ne représentait pas une performance remarquable. Je la pris comme une compensation pour n'avoir fait qu'apercevoir un Dornier pendant toute la durée de « ma guerre ». Il est vrai qu'on distribuait, paraît-il, des croix de guerre aux soldats qui se présentaient à Toulouse ou à Périgueux porteurs de leur arme après avoir fait la retraite. Le gouvernement de Vichy fit d'ailleurs procéder à une révision générale de toutes les décorations et en profita pour changer la couleur du ruban qui était rouge et noir par du vert et noir en signe de deuil... »

 

Un état daté du 10 juillet donne la liste des 27 Dewoitine D.520 affectés au GC III/6 incluant les deux appareils accidentés le 24 juin (HS), mais sans le préciser :

·        - quatre à l’État-major : n°331 (A), 302 (S), 314 et 386 (HS)

·        - onze à la 5ème Escadrille : n°229 (1), 301 (2), 362 (3), 349 (4), 277 (6), 340 (7), 284 (8), 360 (10), 367 (11), 368 (12) et 369 (X)

·        - douze à la 6ème Escadrille : n°313 (21), 357 (22), 330 (24), 356 (25), 358 (26), 346 (27), 174 (28), 138 (29), 295 (30), 321 (31), 364 (32) (HS) et 197 (33).

Un état daté du 15 juillet à Maison Blanche concernant les mêmes appareils précise que les n°364 et 386 « gravement accidentés à l’atterrissage à Constantine ont été laissé sur place et vont être versé au parc d’Hussein-Dey , sur ces avions les moteurs sont récupérables ». Mais comme indiqué plus haut, devant la pénurie d’appareils, le n°386 sera finalement réparé et reversé au Groupe un an plus tard.

 

 

 

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ALGER

11/07/1940 – 15/01/1943

 

 

Tout change militairement après Mers el-Kébir. L’État-major du gouvernement du Maréchal doit maintenant défendre ses colonies contre des éventuelles agressions britanniques, et c’est dans ce cadre que le Groupe II/6 est rappelé à Alger Maison Blanche le 11 juillet 1940 pour être au plus près de la côte algérienne.

Le cne STEHLIN, fidèle à lui-même, veut impressionner. Il organise un défilé aérien qui survolera à 500 mètres d’altitude Constantine au départ et Alger à l’arrivée, avant l’atterrissage du Groupe à Maison-Blanche. Lui en tête, suivi de 10 patrouilles légères, 5 de la 5ème et 5 de la 6ème comme le montre le cahier d’ordres de la 5ème Escadrille de cette journée.

 

 

Terrain de Maison Blanche vers 1935 – Les installations militaires – Plus loin, le village et la baie d‘Alger au nord-ouest

A droite, les installations initiales civiles le long de la route « GC 16 » qui reliait le village de M.B. à Fondouk au sud-est

Cette zone est actuellement au centre de l’aérodrome international Houari Boumédiène

Collection Pierre Jarrige – Droits réservés

 

L’échelon roulant, c’est-à-dire l’unité administrative du Groupe, les sous-officiers non pilotes et la troupe vont dorénavant cantonner au camp d’Oued-Smar, situé à moins de deux kilomètres à l’ouest de Maison-Blanche le long de la voie ferrée, avec une gare et quelques anciens bâtiments militaires rudimentaires (voir carte plus haut).

 

Juillet 1940 - Installation de l’échelon du GC III/6 au cantonnement d’Oued-Smar (2km à l’ouest de Maison Blanche)

On reconnaît des mécaniciens des deux escadrilles

L’adj COLIN au centre présente ce qui pourrait être un morceau de métal déformé où on semble lire « RSAG » ?

A gauche, s/c Joseph BIBERT (6ème) avec son béret – A droite, sgt Jules PIESVAUX (5ème) une main dans le dos

Photographie Jules Piesvaux – Droits réservés

Oued-Smar – Le service administratif du III/6 autour du lieutenant MIRAND qui le commande

Collection François-Xavier Bibert

 

Oued-Smar – Jules PIESVAUX et Yves LE MAT (5ème)

inséparables amis...

Photographie Jules Piesvaux – Droits réservés

Les amis de Joseph BIBERT : Omer BORREYE (5ème)

Lucien ROBERT dit « Bob » et Jean EMERY (6ème)

Photographie Jules Piesvaux – Droits réservés

Les lieutenants MIRAND (service administratif)

et BRAUDEAU (mécaniciens) en visite dans les environs

Collection François-Xavier Bibert

 

Inventaire du matériel roulant du GC III/6

Alger le 13 juillet 1940

Types de véhicules

Marque

Nombre

Voiture de liaison

Simca

1

 

Renault Vivasport

2

 

Peugeot 402 B

1

Camion 2 tonnes

Matford

4

 

Matford

En réparation au Parc d’Artillerie de Constantine

1

 

Matford

En instance de réforme au Parc de la Base de Sétif

 

 

Renault

Réquisitionné

1

Camion 2,5  tonnes

Renault

Réquisitionné

1

Camion

Hotchkiss

Réquisitionné

1

Camion 3 tonnes

Latil

1

Camion 5 tonnes

Matford

1

 

Renault

4

Camion + équipement Aérazur

Entretien des radios

Latil

1

 

Hotchkiss

1

Autobus

Rochet - Schneider

1

Camion insuflateur air chaud

Citroën + Técalemit

3

Remorque magasin

Coder

1

Remorque armurerie

Coder

2

Cuisine roulante

 

1

Voiture de liaison

Simca

1

 

Les choses se calment un peu ensuite avec les anglais même si la presse algéroise, en quelques jours, fait allégeance complète au régime du Maréchal. Le Groupe est en partie démantelé ; c’est une vraie période d’hibernation d’environ 10 mois qui commence. Comme à Constantine ceux du III/6 peuvent aussi prendre le temps de visiter Alger et de profiter de la mer Méditerranée.

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Lorsque nous ne volions pas, nous nous promenions dans Alger où nous allions prendre des bains de mer dans une petite crique rocheuse à l'est de la ville vers Fort-de-l’Eau. On y retrouvait la jeunesse pied noir. Les jours de tempête les vagues déferlaient sur les rochers jetant des gerbes d'écume jusque sur la route du bord de mer. Je ne me lassais pas de la contempler.

Il y avait dans les rues ou sur les places des petits kiosques où on pouvait prendre un café crème le matin. En consommant dans celui qui était en face de la poste j'aperçus sur une étagère des gâteaux qui ressemblaient à des chaussons aux pommes. J'en demandai un et eus du mal à avaler la première bouchée. C'était un chausson au poivron vert. Quand on n'est pas habitué à ce genre de friandise, ça passe difficilement. Le reste du chausson fut balancé subrepticement dans une bouche d'égout.

On prenait l'apéritif à des terrasses en plein air, généralement devant l'opéra. À peine assis il fallait se défendre contre les petits « yaouleds » qui voulaient à toute force vous cirer les chaussures même quand elles étaient propres et vous mettaient d'autorité le pied sur leur boîte. De temps en temps on les laissait faire. Il y en avait d'autres qui vendaient des journaux.

C'était drôle de les entendre crier : « L'icou d'Algi » (l'Echo d'Alger) ou « La Dipiche » ».

 

 Juillet 1940 à Alger : photographies Jules PIESVAUX – Jean MENNEGLIER 

 

Alger – Sur le port

La baie d’Alger d’ouest en est : Notre Dame d’Alger et Bab-el-Oued (à gauche)– La jetée du nord (au centre) – Fort-de-l’Eau et le Cap Matifou (à droite)

La Méditerranée

 

Dans la Kasbah d’Alger (à droite)

 

Des départs et arrivées de pilotes sont enregistrés, mais certains nouveaux ne peuvent être maintenus pour respecter les exigences de la commission d’armistice (*) italienne dont le contrôle s’exerce dans tous les domaines :

(*) « Commission d’armistice : organisme qui en trois mois, doit faire d’un aviateur invaincu, un civil plein d’amertume » peut-on lire dans un livre de marche…

 

Départs

Arrivées

Noms

Observations

29/07/40

 

Sgt TRINEL

démobilisation

17/08/40

 

Cne CHAINAT

démobilisation

17/08/40

 

Cne ASSOLLANT

démobilisation

17/08/40

 

S/c DE HAUT

libération

 

25/08/40

Sgt LINARD (5ème)

du III/2

 

25/08/40

Sgt MONRIBOT (5ème)

du III/2

 

03/09/40

S/lt SAUVAGE (5ème)

du III/9

 

03/09/40

Adj KUNTZEL(5ème)

du III/9 -

 

04/09/40

Sgt MEQUET (5ème)

du I/9

 

04/09/40

Sgt MARGERIT (5ème)

du I/9

 

09/09/40

Sgt GHESQUIÈRE (6ème)

du III/3

 

09/09/40

Sgt MICHAUX (6ème)

du I/9

 

10/09/40

Sgt COISNEAU (5ème)

du II/4

 

18/09/40

S/lt GUILLOU (6ème)

du II/4

21/09/40

 

Sgt LINARD (5ème)

Jeunesse et Montagne

04/10/40

 

S/lt SAUVAGE (5ème)

congés d’armistice

15/10/40

 

Cdt STEHLIN

État-major DARLAN à Vichy

18/10/40

 

Adj GOUJON

S.C.L.A.

22/10/40

 

Adj DIAZ

Indochine

23/10/40

 

Lt LEGRAND

congés d’armistice

25/10/40

 

Adj KUNTZEL(5ème)

démobilisation

??/09/40

 

Lt BOIRIES (6ème)

du III/10

22/11/40

 

Cne RICHARD (État-major)

du I/9

01/12/40

 

Lt de ROUFFIGNAC

Jeunesse et Montagne

01/12/40

 

S/lt MENNEGLIER

Jeunesse et Montagne

01/12/40

 

Sgt GAUTHIER

Jeunesse et Montagne

 

27/12/40

S/lt RIVORY (6ème)

du I/55

01/04/41

 

Sgt GROSDEMANCHE

retour III/6 - grièvement blessé le 20/09/1939

21/04/41

 

Sgt GABARD

libération

22/04/41

 

Sgt HARDOUIN

libération

23/04/41

 

S/c LE GUENNEC

vers centre de Chasse de Blida

23/04/41

 

S/c CHAMBON

vers centre de Chasse de Blida

23/04/41

 

S/c MARGERIE

vers II/3

24/01/41

 

Lt LEGRAND

retour III/6

 

24/04/41

Adj BRODEAUX

??

 

28/04/41

Sgt GAUTHIER

retour III/6

03/05/41

 

Cne GUERRIER

État-major Air A.F.N.

 

06/05/41

S/c CHAMBON

retour III/6

 

22/05/41

S/c RAVILY

du III/23 via le I/3

 

22/05/41

S/c ELMLINGER

du III/2 via le I/3

 

23/05/41

Sgt SAVINEL

du I/9

 

23/05/41

Sgt MORALES

du I/9

 

Concernant le marquage des avions, il faut savoir que dès le 9 juillet la note 3456/3-S stipule que tous les avions doivent porter sur leurs flancs une bande blanche d’une largeur de 10 cm avec un liseré de 5 cm autour de la cocarde ; sa longueur n’est pas précisée. Cette bande blanche a une origine tragique : le 21 juin 1940, le s/lt Robert d’HARCOURT du GC II/3, fils du général Bernard d’HARCOURT, inspecteur Général de la Chasse, pilotant le D.520 n°112, a confondu le Potez 631 de l'ECN 4/13 détaché à la 1/13 avec un Messerschmitt 110 et est passé à l’attaque, criblant d’obus l’aile du Potez. Le mitrailleur arrière de l’avion de reconnaissance français, à la 3ème passe, s’estimant en légitime défense, a riposté et le D.520 et son pilote se sont écrasés à coté de Senlis. En toute urgence le Général PINSARD, par sa circulaire n°2379/Gr.21/ES du 26 mai 1940, a demandé alors à ce qu’une bande blanche soit peinte sur tous les Potez 63. Par extension, après Mers el-Kébir, la note du 9 juillet généralise cette marque à tous les avions d’A.F.N. au contact avec les Britanniques. Il faudra plusieurs mois pour que tous les avions de l’armistice portent cette bande blanche, mais ce sera fait rapidement au GC III/6, ce qui permet de dater sans trop d’erreur les photographies.

Par exemple : sur la photographie non datée de droite ci-dessous on reconnaît de gauche à droite ; adj Guy JAPIOT, adj Auguste KUNTZEL, sgt Raymond GABARD, adj Jean DIAZ, devant le D.520 n°197 « Le Sachem » de GABARD qui ne porte pas encore la bande blanche alors qu’elle est visible sur les photographies faites le 22 juillet 1940 lors de sa destruction (voir plus bas). Or l’adj KUNTZEL n’a été affecté au III/6 que début septembre venant du GC III/3, et on sait par son petit carnet de guerre personnel qu’avant cela il n’a été présent à Maison Blanche que du 23 au 25 juin 1940 (le GC III/3 a traversé la Méditerranée le 20 juin, pour se poser à Bône, puis partir pour Relizane via Alger le 22 - sans doute y a-t-il eu quelques retardataires dont l’adj KUNTZEL ? - et s’installer finalement le 12 juillet à Fès au Maroc avant d’être dissous en août). D’autre part nous possédons une photo faite au CIC de Montpellier au printemps 1940 alors que l’adj KUNTZEL était de moniteur du sgt GABARD. En conclusion cette photo a sans doute été faite le 24 juin à Maison Blanche, peut-être au moment du départ de la 6ème Escadrille du III/6 pour Morsott, quand l’ancien moniteur est venu saluer son ancien élève pendant que l’adj JAPIOT étudiait la carte d’Algérie pour localiser cette localité et préparer son vol...

 

C.I.C. de Montpellier - Printemps 1940 : X, adj KUNTZEL et MILLET, moniteurs, sgt GABARD en formation devant le MS.406 n°1027

Alger Maison Blanche – 24 juin 1940 (par déduction) : adj JAPIOT, adj KUNTZEL, sgt GABARD, adj DIAZ, devant le D.520 n°197 « Le Sachem » de GABARD

Photographies Auguste Kuntzel – Droits réservés – Merci à Lionel Persyn pour l’identification du Morane

 

Autre exemple : cette photographie de la collection de Raymond PIMONT, alors sgt à la 6ème Escadrille du III/6 sans légende. On peut identifier un Potez 63-11, un Dewoitine 520 sans bande blanche, mais ses marques montrent qu’il appartient à la 5ème Escadrille du GC III/3, le trimoteur Marcel Bloch MB 120 F-AMSZ qui assurait en juin 1940 la ligne régulière pour Air Afrique et le Savoia Marchetti SM-83 « OO-AUE » de la SABENA n°20.07.38 446, appareil initialement réquisitionné par Vichy à Alger, remis à l’École de Pilotage Militaire Belge réfugiée en A.F.N., mais finalement remis aux italiens le 30 août 1940. Cette photo pourrait donc avoir été prise début juillet 1940.

 

Alger maison blanche – Sans doute le 24 juin 1940 – Potez 63-11, D.520 du GC III/3, MB 120, Savoia Marchetti SM-83

Collection Raymond Pimont via Rémy Denizot

 

Juillet 1940 : L'activité aérienne est officiellement réduite à 4 heures de vol par mois et par pilote. Seule, une fraude bien organisée, permet à certains de voler un peu plus.

Un accident qui aurait pu avoir des conséquences terribles a lieu sur l’aérodrome de Maison-Blanche le 22 juillet 1940, sans doute dû au manque d’heures de vol d’entraînement. À 14h 10 le s/c Paul DE HAUT prend le départ sur le D.520 n°199 en vue de convoyer cet avion à Constantine sans savoir que le D.520 n°197 du sgt Raymond GABARD, de la 6ème Escadrille comme lui, avait dû atterrir 2h 00 plus tôt en vol plané, hélice calée suite à une panne de moteur à 2 000 mètres d’altitude au-dessus de la mer, qu’il n’avait pas été déplacé et qu’il se trouvait encore sur le terrain dont les bords étaient d’ailleurs toujours encombrés par de nombreux appareils convoyés à Alger avant l’armistice. Aveuglé par l’immense capot moteur du D.520, il n’aperçoit l’obstacle que trop tard et étant déjà à grande vitesse, il tente de décoller mais ne peut éviter une collision brutale. Le pilote s’en sort miraculeusement avec trois semaines d’hôpital mais les deux avions dont détruits.

 

Alger Maison Blanche – 22 juillet 1940 - Les débris des Dewoitine 520 n°199 du s/c DE HAUT et n°197 « Le Sachem » du sgt GABARD, tous deux de la 6ème Escadrille, après l’atterrissage mal maîtrisé du premier cité

Sur la photographie de gauche on aperçoit entre les deux carcasses un trimoteur MB.120 en phase d’atterrissage

Collection Raymond Gabard via Lionel Persyn – Droits réservés

 

Le s/c de HAUT avait été affecté d’office au III/6 parce qu’il avait demandé à effectuer la traversée de la Méditerranée avec ce Groupe le 20 juin. Cela n’avait sans doute pas plu à son Commandant qui, après une enquête rapide, estime dans son rapport au Commandant de la B.A. de Maison-Blanche (n°443/G.C.3/6) que le pilote aurait dû passer soit à droite, soit à gauche !!! … et qu’il porte donc l’entière responsabilité de l’accident. En conséquence et comme à son habitude, il veut une sanction et demande sa radiation immédiate du personnel navigant ; rien de moins ! Paul Louis Marie JACOBÉ de HAUT de SIGY (1906-1995), un des 5 enfants de Pierre Marie Henri JACOBÉ de HAUT, marquis de SIGY, homme politique et grand industriel français, est tout simplement démobilisé le 17 août !

C’est seulement le 16 septembre qu’un nouvel appareil, le n°311 (33), pourra être affecté au sgt GABARD.

 

 Le GC III/6 à Alger – Maison -Blanche en juillet / août 1940 

 

Dewoitine D.520 du GC III/6 à Maison Blanche – Au centre le n°368 « 12 » et le fameux n°277 « 6 » du s/t LE GLOAN (5ème Escadrille) et dehors les n°346 (27), n° 174 (28) et 138 (29) (6ème Escadrille)

D.520 n°358 « 26 - Quo Vadis » du s/lt MENNEGLIER (6ème)

Avion école Caproni Ca 164 acheté à l’Italie - D.520 n°48 « II » du GC I/3 (*)

Breguet 693 – Groupe indéterminé

Photographies Jean Menneglier – Droits réservés

(*) Le Dewoitine 520 n°48 est un des trois avions utilisés pour les essais d'endurance en avril 1940 (n°47 à 49) qui étaient codés de la sorte de I à III. Affecté ensuite au GC I/3, il est resté à Alger le 10 juin 1940 lors du transfert de ce Groupe de Perpignan à KalaaDjerda en Tunisie via Oran, Alger, Tunis et Oudna entre les 17 et 21 juin 1940. Récupéré par la 5ème Escadrille du III/6, il porte encore ici les marques du GC I/3. Il sera codé « 5 » et fera le déplacement de Casablanca, voir une photographie plus bas. Accidenté le 24 janvier 1940 à Oran où il restera indisponible une bonne partie du début de l'année 1941, il rejoindra Alger avant le départ du III/6 pour le Levant en mai 1941, mais il sera échangé avec le n°146 du II/7 au passage du Groupe à Tunis le24 mai 1941.

C’est en janvier 1940 que la France a commandé en Italie 100 Caproni Ca.164 pour ses écoles d’aviation pensant ainsi montrer à Mussolini sa bonne volonté politique et calmer ses ardeurs belliqueuses. La production s’est poursuivait jusqu'en lai et environ 70 avions ont été livrés en France. L’Italie a ensuite récupéré 16 avions après son occupation du sud de la France en 1943.

 

   

Profil des Dewoitine n°277 « 6 » de la 5ème (LE GLOAN) et n°358 « 26 Quo Vadis » de la 6ème Escadrille (MENNEGLIER) - Avant et après le marquage des avions de l’armistice

 

D.520 n°48 « 5 », n°284 « 8 », n°329 « 9 » de la 5ème Escadrille,

n°331 « A » (STEHLIN) et n°314 « S » (CHAINAT)

S/lt SATGÉ et adj DIAZ de la 6ème Escadrille

Cne STEHLIN et sgt PMONT de la 6ème Escadrille

Photographies Jean Menneglier et Collection Raymond Pimont via Rémy Denizot – Droits réservés

 

                

Dewoitine n°331 « A » du cne STEHLIN, commandant du Groupe III/6

Photographie à gauche Auguste Kuntzel – Droits réservés

        

Profil du Dewoitine n°313 « 21 » du capitaine GUERRIER, commandant la 6ème Escadrille et du capitaine SAUTIER n° 369 codé « X » affecté à l’État-major du III/6

 

Août 1940 : La nouvelle organisation des Forces Aériennes de l’armistice en A.F.N. est définie le 9 août 1940. Le Groupe de Chasse GC III/6 à Maison-Blanche (D.520), le GC I/3 à Oran (D.520), le GC II/3 à Maison-Blanche (D.520) sont rattachés au « Groupement de Chasse 26 » de Maison-Blanche qui doit opérer en coopération avec le « Groupement 3 » constitué des GB I/11 à Oran (LeO 451), I/19 à Sétif (DB-7) et II/61 à Blida (DB-7) (Bombardement), ainsi qu’avec les GR I/52 (?) et II/52 à Oran (Bloch 175) et I/36 à Sétif (Potez 63.11) (Reconnaissance).

Trois pilotes sont démobilisés et un piloté libéré.

 

L’État-major du III/6 : lt BRAUDEAU (officier mécanicien), cne CHAINAT, cne STEHLIN,

cne ASSOLLANT, cne de RIVALS-MAZÈRES, s/lt Armand LOTTI (renfort services administratifs)

LOTTI, de RIVALS-MAZÈRES, BRAUDEAU, CHAINAT, STEHLIN et ASSOLLANT

Dewoitine 520 n°314 du capitaine CHAINAT orné de la bande des « As » et de la cigogne de la SPA 3

16 août 1940 – Avant le départ des capitaines André CHAINAT et Jean ASSOLLANT qui sont démobilisés

Collection et photographies Georges GAUTHIER – Droits réservés

 

La page du capitaine Chainat     La page du capitaine Assollant

 

Après le départ du capitaine Chainat, la bande des « As » et la cigogne de la SPA 3 ont été masquées par un camouflage provisoire sur le Dewoitine n°314

Cet avion sera utilisé principalement par le capitaine SAUTIER et il recevra finalement le code « 12 » ; voir la photographie à Casablanca plus bas

 

 L’arrivée de Julienne BIBERT à Alger 

19 août 1940 

Joseph BIBERT obtient enfin une information sur le sort de son épouse Julienne le 20 juillet via Edmond CHÉDEVILLE, un cousin de celle-ci qui est facteur à Philippeville et à qui elle a écrit.

Celle-ci a été évacuée le 12 juin de Chartres sur Bordeaux avec le personnel militaire et civil du Parc 1/122 où elle travaillait comme secrétaire comptable. Lors de l’armistice les personnels civils sont licenciés et laissés totalement en plan. Ils doivent se débrouiller tout seuls, tandis que les militaires se déplacent d’une manière anarchique de la Gironde au Périgord en convoi en attendant d’être fixés sur leur sort. Julienne s’est décidée avec obstination et courage à les suivre à distance avec sa bicyclette qu’elle avait réussi à placer dans un des camions du convoi, jusqu’à ce que le 6 juillet 1940, elle obtienne enfin le renseignement précieux qu’elle attendait. Elle écrit dans son carnet :

Samedi 6 juillet 1940 :     « Départ de Melle Saintif à la Réole pour Mautauban. Je vais au château du Mirail (**) pour essayer d’avoir des nouvelles de Dolph (*). Sans résultat.

Vu lieutenant Sautheron dans la soirée : le 3/6 est en Afrique.

Cafard et désespoir. »

(*) « Dolph » diminutif de Adolphe, second prénom de Joseph, usuel en Alsace,

(**) à 10 km de Bazas en Gironde où elle avait trouvé un gîte, château où s’étaient installés les militaires du parc 1/22

Rien de plus comme information : à partir de là, sa décision est prise, elle partira au plus vite en Algérie le rejoindre. Elle écrit immédiatement à son cousin Edmond pour obtenir plus de renseignements. Celui-ci reçoit son courrier 10 jours plus tard et finit par trouver un moyen, malgré la censure, de localiser le III/6 et de faire transmettre par un officier qu’il peut joindre au téléphone le 20 juillet l’adresse que Julienne lui a donnée : « Parc 1/122 - Savignac - Gironde » et il lui écrit une lettre pour lui fournir des recommandations afin de pouvoir s’embarquer à Marseille, mais la missive n’arrivera pas à destination et lui sera retournée (enveloppe ci-dessous). Elle reçoit seulement un télégramme le lendemain 21 juillet : le contact entre Julienne et Joseph est rétabli après plus de 7 semaines d’incertitude !

Enveloppe de la lettre d’Edmond CHEDEVILLE à Julienne CHEDEVILLE du 20 juillet, non parvenue, retournée à l’envoyeur

 

Elle apprend dans le même temps que sa mère et d’autres membres de sa famille partis en exode, ont échoué à Vodable, petit village perdu dans le Puy-de-Dôme à 50 km au sud de Clermont-Ferrand, à près de 400 km de Savignac où elle se trouve... Qu’à cela ne tienne !

Sur sa bicyclette, elle fera donc par étapes la route pour rejoindre Vodable à travers les monts du Massif Central ; elle y embrassera sa mère le 31 juillet. Il lui faudra deux semaines pour préparer son voyage vers l’Algérie et obtenir les papiers nécessaires pour cela. Elle prend le train le 16 juillet à 16h 00 à Issoire, emmenant avec elle sa précieuse bicyclette, arrive à Marseille le lendemain matin, samedi 17 août à 8h10.... Dans son carnet :

Samedi 17 août 1940 :        « Cie Transatlantique. Bagages.

Départ de France à 11h (*). Marseille disparaît dans la brume et dans la fumée. Je vais vers toi Dolph chéri et je suis heureuse. La mer est belle. Je t’aime.

Après le dîner je rêve longuement sur le pont.

Le clair de lune fait sur la mer une coulée d’or vivant. Nous apercevons au loin les côtes d’Espagne. Je rentre à regret dans la cabine à 23h30. Deux nuits seulement me séparent de toi que j’aime mon mari chéri et cela fait battre mon cœur délicieusement.

(*) Paquebot Gouverneur Général GUEYDON

        

 

Dimanche 18 août 1940 :   « Levée tôt je m’installe sur le pont où il fait frais et bon et je t’adresse Dolph chéri mes pensées les plus tendres.

La terre d’Afrique apparaît.

Après déjeuner et la sieste sur le pont, visite des machines du bateau et de la cale. Apéritif avec le Commandant Jourdain et l’Officier Mécanicien.

Lundi 19 août 1940 :            « Journée d’impatience et de fièvre. Une angoisse m’étreint quand je découvre Alger. Dolph sera-t-il là ? Alger la blanche se précise, belle imposante. Sera-t-il là ?

 

Le jeune couple va donc pouvoir profiter un temps d’une vie calme, même si les conditions matérielles sont précaires, sans connaître les grandes difficultés de celles et ceux eux de leurs familles qui essayent tant bien que mal de retrouver un sens à leur existence incertaine, à Chartres malgré l’occupant, où en Alsace de nouveau allemande car immédiatement annexée par le Grand Reich.

Après un séjour de jeunes mariés à l’Hôtel de l’Oasis, ils peuvent emménager à Fort-de-l’Eau au n°71 de l’avenue Gueirouard, dans une petite mais agréable maisonnette située à quelques centaines de mètre de la mer, louée... à un facteur !

 

Fort de l’eau avant-guerre – L’avenue GUEIROUARD est la troisième à partir du bord de mer dans « La Station » construite à la fin du XIXème siècle

Lire :  L’incroyable vie de Gabriel GUEIROUARD

 

 

 NOUVEAU 

En 2023, après de patientes recherches, j’ai pu retrouver la trace et prendre contact avec un habitant de Fort-de-l’Eau, M. Jean Pierre LIVI, né en 1934 et ayant habité avenue Gueirouard jusqu’en 1954. Après des études supérieures en métropole et son diplôme d’ingénieur à « sup-aéro », il a fait une brillante carrière dans la propulsion des fusées des programmes français et européens. Je le remercie de m’avoir permis de publier ses quelques lignes de souvenirs de sa jeunesse en Algérie :

Témoignage de Jean-Pierre LIVI, de Fort-de-l’Eau

« C'est avec grand intérêt que j'ai lu vos documents en particulier celui sur le sieur Gueirouard D'après le plan de situation d'époque notre domicile était situé sur la ligne jouxtant les exploitations maraichères et pas loin de celle de vos parents (n°71), puisque notre maison était au n°84.

Certaines villas avaient dû être modifiée depuis leur construction car on y trouvait des salles de bain, des véranda vitrées, des garages, aménagements non présents dans les plans initiaux.

J'ai noté les remarques concernant les villas du bord de mer « de style anglo-normand » que confirme cette carte postale datant vraisemblablement de 1910. Les souvenirs que j'en ai sont différents : seules quelques-unes avaient conservé ce style mais pour l'essentiel elles avaient été « modernisées » pour satisfaire aux exigences des propriétaires dans les années 30 . Ceux-ci, pour l'essentiel, étaient des colons de la Mitidja (région de Blida).

   

J'ai aussi dévoré l'histoire du groupe de chasse GC III/6 où était basé votre père pendant la guerre. Lorsqu’il a été affecté temporairement au SCLA et qu’il travaillait dans les ateliers de l’A.I.A. à Maison-Blanche, il a très probablement rencontré mon père qui était alors responsable de l'atelier de révision des moteurs.

Autre aspect intéressant de votre texte, l'arrivée des anglo-américains le 8 novembre 1942 et les états d'âme de certains que l'on peut comprendre au début, compte tenu des coups tordus de nos « alliés (1) » anglais, à Mers-el-Kébir par exemple.

(1) Alliés car la France n'était plus belligérante mais n'avait pas à ma connaissance dénoncé les traités avec la GB.

L'évocation des montagnes de matériel US me rappelle l'étonnement de mon père qui galérait pour avoir du matériel de rechange (en « caviardant » l'absent sur des moteurs hors-d'usage) alors que son homologue américain ne cherchait même pas à réparer la défaillance, allant chercher un ensemble neuf en magasin ! Il s'en suivait une poubellisation démente de composants, en particulier des roulements à billes dont nous gamins étions friands pour fabriquer des « chariots » (à l'époque nous fabriquions nos jouets pour l'essentiel).

Avec mes copains plus âgés nous allions de Fort de l'Eau à Maison Blanche à vélos où les gardes nous laissaient nous servir et parfois, en plus, nous donnaient « chocolate, chewing‑gum".

Ma fréquentation de l'aérodrome avait commencé bien plus tôt, en 1936, date de mon baptême de l'air à l'âge de 2 ans sur un Caudron (différent de celui de la photographie ci-dessus) pour me soulager d'un problème médical à la gorge (amygdales ou végétations ?) : il se disait alors que la décompression par l'altitude était bénéfique pour soigner rapidement ces inflammations ! Je ne me souviens plus si cette petite excursion dans les airs eut un résultat positif sur le plan médical, mais peut-être contribua-t-il à ma passion pour les choses de l'air et puis plus tard de l'espace… »

 

Cependant les communications avec leur famille sont provisoirement impossibles. Quelques lettres pourront passer grâce à l’intermédiaire d’un « porteur » occasionnel ; à partir de septembre, il ne reste plus officiellement que les invraisemblables « cartes interzones » à 13 lignes « à biffer ou à compléter » avec seulement deux lignes libres. Il faudra attendre juin 1941 pour pouvoir correspondre un peu plus facilement sur des cartes non illustrées avec un recto vierge, mais censure oblige, il faut rester prudent ! Après le débarquement des Alliés du 8 novembre 1942 en A.F.N. le lien sera coupé jusqu’à septembre 1944, après le débarquement de Provence.

Joseph apprendra malgré tout que son village natal de Marckolsheim en Alsace a été détruit en juin 1940 et de que la maison de sa famille, heureusement saine et sauve, est trop endommagée pour être habitable.

 

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus ou ci- dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

Alger Maison Blanche – Août 1940 – Le capitaine STEHLIN et son Dewoitine n°321 codé « A » -Masque sévère (5ème) et rieur (6ème)

Collection Jean Emery- Droits réservés

 

Le sous-lieutenant LE GLOAN est devenu la gloire du Groupe le 15 mai 1940 et même s’il n’a pas volé ce jour là sur cet appareil mythique, le n°277 codé « 6 », son Dewoitine habituel, ses mécaniciens l’ont fièrement décoré de la bande des « As » et ont posé avec le pilote pour cette photographie restée célèbre car souvent publiée sous diverses formes dont des cartes de collection en diverses langues... Mais eux, sont restés les grands anonymes de l’Histoire ! Profitons de cette page pour leur rendre l’hommage qu’ils méritent !

De gauche à droite :

·   l’adj René COLIN, chef de Hangar de la 5ème Escadrille, dit « le père Co» originaire de Châteauroux,

·   le 2ème classe GUILLUMETTE

·   Le sgt COLIN, dit « le fils Co » originaire de Pont à Mousson.

Collection Joseph Bibert – Droits réservés

 

20 août 1940 : Un Potez 650 dans le « bled » :

 

Mémoires de Jean MENNEGLIER

« ...Je logeai avec plusieurs officiers dans un hôtel réquisitionné, le Family Hôtel, situé dans une rue parallèle à la rue Bab-Azoun, à deux pas du Square Bresson et du port. La popote fut établie dans un hôtel qui donnait sur la place du Gouvernement près de la Poste principale. Et le traintrain d'une vie qui n'était pas tout à fait celle d'une garnison commença. On montait au terrain tous les matins avec un car et on en redescendait le soir. Il devait y avoir un service d'alerte pour lequel quelques pilotes et mécaniciens montaient au terrain avant le lever du jour. Il y avait quelques vols d'entraînement. On nous utilisa même pour convoyer des avions. J'allai à Oran avec un Potez 25 TOE, modèle spécial pour les vols outre-mer, qui devait être passablement déréglé car je n'arrivais pas à tenir un cap correct avec...

... Un jour je partis avec quelques pilotes pour aller rechercher des Dewoitine laissés à Constantine. Nous partîmes avec un Potez 650 qui était une version transport de passagers du bombardier Potez 540. Un des moteurs se mit à cafouiller. Le pilote se posa dans un grand champ à Bouïra (Kabylie). Pendant que le mécanicien recherchait et réparait la panne nous fumes entourés par une foule d'autochtones venus voir de près l'avion et ses passagers... »

 

On en sait un peu plus grâce aux 3 photographies que Jean MENNEGLIER a faites ce jour-là et à son carnet de vol. JAPIOT, LE GLOAN et MARTIN, au moins, sont de l’expédition ; voir JAPIOT et LE GLOAN dans le Potez, MARTIN et LE GLOAN à l’ombre sous son aile. Jean MENNEGLIER, revient le lendemain à Alger avec le D.520 n°383 (notation dans son carnet de vol, mais rien sur le L.O. de la 6ème). On sait par ailleurs par le LO de la 5ème que 9 D.520 ont été convoyés à Constantine les 22 et 23 juillet : les n°48, 57, 195, 200, 310, 329, 344, 382 et justement le 383. Reste encore à déterminer les raisons de ces déplacements d’avions de provenance diverse dont aucun n’est affecté au III/6 à cette date...

 

  

 

Le Potez 650 transportant des pilotes du GC II/6 à Constantine en panne dans le « Bled » à Bouïra (50 km sud-est d’Alger) le lt MARTIN et le s/lt LE GLOAN de la 5ème Escadrille

Photographies Jean Menneglier- Droits réservés

 

Alger Maison Blanche – 28 août 1940 – Le Dewoitine n°365 du s/lt STEUNOU (*) dont le train d’atterrissage a cédé

Sur le carnet de vol du pilote sont seulement indiqués ce jour-là 2 vols d’entraînement de 30 et 35 minutes sans mention de l’accident

Photographies Jean Menneglier- Droits réservés

 

(*) Carnet de vol du s/lt STEUNOU : 4 vols sur le n°370 et 1 vol sur le n°138 en septembre, 7 vols sur le n°370 en octobre jusqu’au 18, puis il utilise les n°358 (appareil de Jean MENNEGLIER qui a quitté le Groupe) et 357 (3 vols) mais il part à Casablanca sur le n°326 qui était un des avions de la patrouille polonaise. Au Maroc il vole sur les n°330 ; n°358 et n°145 avant de reprendre le manche du n°370 le 28 novembre qu’il ramènera à Alger le 20 janvier 1941. Par contre, après une intervention des mécaniciens sur l’appareil, il fait les essais du n°358 les 14 et 15 décembre qui se termine par un nouvel accident. Cet appareil ne volera plus au III/6 après cela.

 

 D’août à octobre 1940 à Alger – Maison Blanche : la longue liste des « incidents » 

Le rédacteur du journal de la 6ème Escadrille écrit : « Les vols de routine continuent au ralenti ; s’ils entretiennent les pilotes, ils ne font pas de même avec les avions, qui ont de plus en plus un grand Amour pour le plat-ventre … A quand la quintonine (**) pour les trains Messier ? »

(**) La quintonine élixir à base de quinquina, réputé pour ses prétendues vertus contre le traitement de la fatigue et de l'asthénie était l’arme suprême des Armées françaises en 1940 !

·        Le 17 août au décollage le train d’atterrissage du D.520 n°295 (30) le s/c Le GUENNEC (6ème) se replie sans raison apparente au cours du roulage. Le pilote récupère le 16 septembre l’ancien appareil du cne Assollant, le n°302, qui sera codé « 30 »,

·        Le 19 août à l’atterrissage, le lt MARTIN (5ème) ne peut maîtriser son D.520 n°301 (2) qui part en cheval de bois. La contrainte imposée au train est telle qu’il se casse net, l’avion termine sa course sur le ventre,

·        Les dégâts sur les deux appareils sont trop importants pour être pris en charge par les mécaniciens du groupe. Ils sont tous deux reversés à l’ARAA d’Alger,

·        Le 28 août le train du n°356 (25) du s/lt STEUNOU (*) cède à l’atterrissage, l’appareil part également à l’ARAA d’Alger. Il est remplacé le 2 septembre par le n°370 (futur « 25 »),

·        Le 2 septembre, c’est celui du n°360 (10) piloté par le sgt HARDOIN qui se plie ; appareil réformé,

·        Le 4 septembre, c’est au tour du Sgt LINARD à bord du n°195 (4) de subir la même mésaventure ; dégâts mineurs,

·        Le 6 septembre, celui du cne JACOBI, le n°229 (1) ; dégâts mineurs,

·        Le 7 octobre, celui du cne SAUTIER, le n°369 (X) ; train cassé,

·        Le 7 octobre, celui du s/c MERTZISEN, le n°368 (12). Il pourra être réparé au sein de l’A.I.A. « où le Groupe a désormais un abonnement ! »,

Plus de trace de rapports tonitruants du Commandant du Groupe et de demandes de sanctions. Il y en aurait peut-être trop, ce qui ferait désordre, et peut-être sait-il déjà qu’il va être appelé à de plus hautes fonctions à Vichy le 15 octobre ?

·        Le 18 octobre, le s/lt STEUNOU (*) endommage son tout nouveau n°370 (25) en lui faisant faire un demi-tour se terminant par un arrêt brutal ; un mois d’indisponibilité pour l’avion,

·        Le 22 octobre, l’adj JAPIOT effectue un désormais traditionnel atterrissage sur le ventre à bord du n°138 (29) de l’adj DIAZ qui n’est pas encore parti pour l’Indochine, sa nouvelle affectation.

 

 Le SERVICE CIVIL DES LIAISONS AERIENNES – S.C.L.A. 

 

L’affectation de Joseph BIBERT change le 31 août 1940 comme le montre une mention sur le Journal de Marche de la 6ème Escadrille :

 

« Le s/c Bibert est affecté au MGT »

 

Rien de pareil n’apparaît sur son livret militaire ; en fait il fait partie de ceux qui n’apparaîtront plus dans les effectifs du Groupe pour répondre à la volonté de la commission d’armistice de les réduire. Certains rejoignent donc le S.C.L.A., « Service Civil des Liaisons Aériennes », placé sous la tutelle officielle « d’Air France », permettant ainsi à de nombreux appareils militaires d’être soustraits aux inventaires officiels et de pouvoir circuler à travers l’Empire, moyen rudimentaire de contourner les clauses de l’armistice. Joseph n’est plus « Chef de hangar » de la 6ème Escadrille, mais « Employé aux Moyens Généraux » du S.C.L.A.F.N. (F.N. pour Afrique du nord) avec un travail quasi-identique, s’occupant d’avions différents, mais travaillant en civil dans un hangar peu éloigné de celui du III/6 ! Quand nous avons essayé de faire parler sa veuve de cette époque, elle disait : « Quand votre père travaillait à « Air France » : elle n’en savait pas plus ! Dans l’année 1941, sans mention particulière dans les livres de son « retour », Joseph sera de nouveau en escadrille !

 

    

Deux appareils du S.C.L.A. à Alger à l’automne 1940

Lockheed 18 F-ARTZ utilisé par Air France sur son réseau africain et Caudron 445 Goéland du S.C.L.A.F.N.

Merci à Bernard Palmieri pour cette illustration

 

Le Service Civil des Liaisons Aériennes

L'armée de l'air de Vichy fut autorisée par les Commissions d'armistice à transformer la 15ème Escadre de bombardement en groupement de transport 15 avec deux groupes basés en A.F.N., le GT 1/15 et le GT 2/15, auxquels viendront ultérieurement s'ajouter les GT 3/15 et 4/15. Ces groupes, équipés de Farman 221, 223, 224 et de Potez 540 et 650, effectueront de nombreuses missions de liaisons et de transport vers la métropole (par exemple, en 1941 le « rapatriement » de l'or belge qui sera saisi par les Allemands) ou vers nos colonies en Afrique, au Levant (campagne de 1941), dans l'Océan indien et en Indochine.

Le S.C.L.A. est créé par le gouvernement de Vichy parallèlement à ce GT 15, (note EMAA 3754-1/1 du 16 août 1940) pour assurer officiellement les liaisons intérieures indispensables, probablement aussi pour camoufler une partie du matériel et fournir un entraînement aérien aux équipages militaires dont la démobilisation a été exigée par l'occupant. Les tâches dévolues aux S.C.L.A. sont précisés ultérieurement comme suit :

1) Les S.C.L.A. et d'aviation sanitaire ont pour objet d'effectuer, sur la demande des autorités accréditées à cet effet, dans les conditions qui seront précisées ci-après, des voyages entre leurs bases de stationnement et des aérodromes ou terrains désignés dans les instructions particulières de ces services.

2) La gestion des S.C.L.A pour l’administration des personnels, la gestion et l’entretien, du matériel, le fonctionnement des lignes sont confiés à Air France. Le personnel est recruté parmi le personnel d'Air France complété par du personnel (pilotes, radio-navigants, mécaniciens), théoriquement « volontaire » pour faire partie du S.C.L.A. à titre civil.

Le service est organisé par région suivant les besoins de liaisons :

·         Territoire de la France non occupée : S.C.L.A.M. avec quatre groupes à Vichy/Clermont-Ferrand (groupe I), Lyon (groupe II), Toulouse (groupe III) et Marseille (groupe IV). Le groupe de Vichy ou section d'avions ministériels (S.A.M.) a pour mission officielle d'effectuer quotidiennement la liaison Vichy-Bourges de la délégation française auprès de la commission allemande d'armistice. À Marseille Marignane, la section de liaisons lointaines (S.L.L.) est chargée avec cinq Amiot 354, 356 et 370 d'assurer les liaisons avec le Levant, Djibouti et Madagascar.

·         Afrique du Nord - Algérie. Tunisie, Maroc : S.C.L.A.F.N., également à quatre groupes à Alger (groupe XI), Oran (groupe XII), Rabat (groupe XIII) et Tunis (groupe XIV). Le groupe de liaisons aériennes d'Alger Maison Blanche, essentiellement équipé de Goéland, donnera plus tard naissance au GLAM.

·         Afrique Occidentale Française : S.C.L.A.O.F., créé en mars 1941, n’a pas de groupes organisés, les personnels sont détachés aux points de stationnement des appareils; il est chargé d'effectuer les liaisons internes à la colonie, les liaisons avec l'A.F.N. étant à la charge du groupement 15 ou du S.C.L.A.F.N.

L'effort principal porte sur ta métropole, dotée de 50 avions, l'Afrique du Nord (50 avions), la Syrie (10 avions). L'aviation sanitaire perçoit 25 avions à répartir en divers territoires. L'État-major de l'Armée de l'Air (EMAA) a prévu pour l'AOF 12 avions de liaison de type Goéland et Simoun et 10 appareils sanitaires allant du bimoteur Potez 540 aux monomoteurs Potez 29 et Caudron 510.

S.C.L.A.F.N. (M. Gonin (*)) – 30 septembre 1941

Alger (M. Ostres) - 11 équipages

Oran (...) - 2 équipages

Rabat/Casablanca (M. Caralp) - 8 équipages

Tunis (M. de Philip) - 5 équipages

27 Goéland dont I sanitaire

3 Simoun

5 Potez540

4 Potez 29 sanitaires

6 Goéland dont 1 sanitaire

1 Simoun

12 Goéland dont 1 sanitaire

1 Simoun

1 Potez 540

2 Potez 29 sanitaires détachés à Agadir

4 Goéland

2 Simoun

2 Potez 29

D’après Vital Ferry et Bernard Thévenet

 

(*) Claude GONIN avait été l’équipier de Georges PELLETIER d’OISY, avec Henri CAROL, en mail 1928 lors d’un un raid Parais-Tokyo sur Potez 28, raid interrompu en Birmanie quand l’avion s’était brisé lors d’un atterrissage de fortune dans une rizière en Birmanie. Gonin et Carol avaient étaient légèrement blessés.

Le capitaine STEHLIN est nommé commandant le 3 septembre 1940 et un « pot » est organisé. Joseph, bien qu’affecté au S.C.L.A., y participe, tout comme ses camarades mécaniciens Jean EMERY, qui était élève mécanicien avec lui à Bordeaux en 1933, et Jules PIESVAUX qui ont fait quelques photographies de ce moment de détente dans le hangar du III/6 à proximité de quelques Dewoitine.

 

3 septembre 1940 - Le Commandant STEHLIN

Cdt STEHLIN, s/lt BRONDEL, cne RICHARD

Hangar du GC III/6

Debout : MIRAND, GOUJON, BORREYE, X, LE GLOAN, Y, STEHLIN, SAUTIER, RICHARD, BOIRIES, GUERRIER, STEUNOU, BRONDEL, SATGÉ

Accroupis : PIMONT ?, LE GUENNEC, MERTZISEN, Z

Photographies Jean Emery et Jules Piesvaux – Droits réservés

Le 9 octobre 1940 une prise d’Armes a lieu à Maison-Blanche à l’issue de l’arrivée à Alger du Général WEYGAND qui a été nommé le 5 septembre « Délégué Général en Afrique Française ». Celui-ci inspectera quelques semaines plus tard l’escadrille de reconnaissance GR 1/36 du commandant VEYSSIÈRE à Aïn Arnat (Sétif).

 

Octobre 1940 - Sétif – Aérodrome de Aïn Arnat – Le général WEYGAND inspecte le GR 1/36 équipé de Potez 63.11, qui doit agir en coopération avec le GC III/6 et d’autres unités basées tout autour d’Alger

Collection François-Xavier Bibert

 

Le 15 octobre le commandant STEHLIN est appelé auprès de l’Amiral DARLAN à Vichy. Il va y reprendre des activités plus politiques, comme celles qu’il avait déjà exercées avant la guerre à Berlin, du fait qu’il parle parfaitement l’allemand. Portant la grande tenue blanche d’Afrique, il pose à cette occasion pour des photographies avec des pilotes du Groupe.

Le capitaine Guillaume de RIVALS-MAZÈRES (*) qui est rentré de convalescence en septembre lui succède provisoirement.

(*) Le comte Guillaume Élie Marie Bertrand DE RIVALS-MAZÈRES (1908/2001), est issu d’une vieille famille aristocrate de Fiac dans le Tarn. Sa mère est une Toulouse-Lautrec, cousine éloignée du célèbre peintre Henri. Diplômé de l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr (1928-30), il s’est marié en premières noces en 1937 avec Geneviève PELLEY du MANOIR, descendante d’une famille noble famille d’armateurs et de corsaires de Granville. Il sera Général de corps aérien et Commandant de l'École de l'Air, Grand-Officier de la Légion d'honneur. Son épouse est décédée à Toulouse en septembre 1940 quelques jours après la naissance de son second fils (il aura trois autres enfants issus d’un second mariage en 1945). Il est donc compréhensible que dans les archives du III/6 on parle d’un « retour de convalescence » plutôt que des évènements familiaux qui l’ont conduit à se rendre à Toulouse en septembre.

 

  

Le commandant STEHLIN devant son D.520 n°331 codé « A » et à droite avec les sgt PIMONT, lt BOIRIES et lt LE GLOAN

Alger-Maison Blanche – 15 octobre 1940 - Départ pour Vichy du commandant STEHLIN

De gauche à droite : Sgt PIMONT, s/lt SATGÉ, lt LEGRAND, cne SAUTIER, cne JACOBI, s/lt BRONDEL, cdt STEHLIN, lt BOIRIES, s/lt LE GLOAN,

s/c MERTZISEN, s/c CHARDONNET, s/c LE GUENNEC, adj GOUJON

 

Voir une photo à Maison Blanche du Lockheed 18 « Lodestar » F-ARTG du Général VUILLEMIN, Inspecteur Général de l’Air

 

 Du 30 octobre 1940 au 2 janvier 1941 à Casablanca 

 

Le GC III/6 reçoit l’ordre le 28 octobre de quitter Maison-Blanche (Algérie) pour Casablanca – Camp Cazes (Maroc) afin de prendre la place du GC II/5 envoyé avec ses Curtiss à Dakar (A.O.F.) dont la défense du port doit être renforcée. La 6ème Escadrille accomplit le déplacement d’une seule traite le 29 octobre. Ceux de la 5ème Escadrille font deux étapes, la première de 1h 15, ce qui leur permet de passer une la soirée avec les pilotes du GC I/3 à La Sénia (Oran). Ils arrivent à Casablanca le lendemain après 2h 00 de vol.

Joseph BIBERT, toujours au S.C.A.C. ne participe pas à ce déplacement à Casablanca, tout comme l’adjudant GOUJON qui l’a rejoint le 18 octobre.

Dans les semaines qui vont suivre, des photographies des appareils du GC III/6 en vol ont été faites au- dessus de Casablanca. Quelques-unes sont rassemblées ci-dessous, sans doute avec d’autres qui peuvent être avoir été prises dans l’Algérois avant ou après Casablanca, mais en tout cas avant la campagne du levant de mai 1941.

 

D.520 n°48 codé « 5 » - Ancien appareil « II » du GC I/3 – Robert MARTIN

D.520 n°277 codé « 6 » - Pierre LE GLOAN

D.520 n°284 codé « 8 » - Maurice CHARDONNET

D.520 n°329 codé « 9 » - François BRONDEL

D.520 n°367 codé « 11» - Roger HARDOUIN

Appareil ramené d’Alger le 23/11/1940 par le cne JACOBI après réparation (aile brisée)

D.520 n°314 codé « 12 »- Ancien appareil du cne CHAINAT – Cne SAUTIER

Voir la photographie plus haut dans cette page quand le code n’était pas encore peint

D.520 n°370 codé « 25» - Marcel STEUNOU

D.520 n°302 (1) Alain LE GUENNEC - Ancien appareil du cne ASSOLLANT

Le code « 30 » effacé par un carré de peinture sombre a remplacé le code « S »

D.520 n°321 codé « 31 » - Roger PIMONT

L’aile du D.520 du n°358 de Jean MENNEGLIER et deux appareils de la 6ème Escadrille

 

(1) Le D.520 n°302 aura un destin particulier. Pendant la campagne du Levant, le 7 juillet 1941, le capitaine de RIVALS MAZÈRES est contraint de poser cet appareil dans le désert.

Voir son profil un peu plus bas - Récupéré par les Français Libres, il est remis en état à Rayack pour le Groupe « Normandie » et piloté par Albert LITTOLF

 

Le Groupe est affecté temporairement au Groupement de Chasse 23, qui comprend également de GC I/5 de Rabat. Comme signalé dans le tableau plus haut quelques mouvements de personnels auront lieu à Casablanca avec le départ de trois pilotes ; lt de ROUFFIGNAC (5ème), lt MENNEGLIER (6ème) et sgt GAUTHIER (6ème) vers des camps de Jeunesse et Montagne en France, compensé par l’arrivée du Commandant GEILLE et du capitaine RICHARD à l’État-major et d’un nouveau pilote à la 6ème, le lt RIVORY ancien du GC I/55 dissous lors de l’armistice.

 

         

Nouvelles têtes au GC III/6 : commandant GEILLE le 20/12/1940 (E.M.) - sgt GHESQUIÈRE dit « Achille » le 9/09/1940 et lt RIVORY le 27/12/1940 (6ème)

 

Le Maroc échappe encore aux investigations de la commission d’armistice et en partie aux restrictions d’essence. Les pilotes essayent de rattraper le temps d’entraînement perdu et ils volent beaucoup plus qu’à Alger.

Le 6 novembre 1940, avant que les Curtiss H-75A du GC II/5 ne soient partis pour l’A.O.F., le s/lt LE GLOAN et le s/c Gabriel MARGERIT (5ème), le cne GUERRIER et le sgt MICHAUX (6ème) veulent confronter l’appareil américain avec le Dewoitine D.520 (voir extrait du carnet de vol de MICHAUX ci-dessous). En conclusion, il faut aux deux appareils un temps équivalent pour atteindre2 000 mètres, mais avec un angle supérieur pour le chasseur américain, et à cette altitude les vitesses sont identiques, même en piqué. Mais une fois parvenu à 4 000 m. le D.520 prend l’avantage. En combat tournoyant le Curtiss vire très sec, beaucoup plus que le Dewoitine, ce que les pilotes allemands ont d’ailleurs appris à leur détriment pendant la Campagne de France.

 

13 novembre 1940 – Après deux semaines de cohabitation sur l’aérodrome de Casablanca avec les Dewoitine du GC III/6,

les Curtiss H-75A du GC II/5 se préparent à partir pour le Sénégal (Dakar-Ouakam) aux ordres du commandant ARCHAIMBAULT

Photographie Jean Emery – Droit réservés

 

On avait beaucoup parlé pendant la « drôle de guerre » et la « campagne de France » du Groupe II/5, dès le 7 septembre 1939 dans « Paris Match », et encore dans le numéro du 23 novembre 1939 du même hebdomadaire, suite au légendaire « Combat des neuf contre 27 » du 6 novembre. Ce groupe « vedette » fit donc l’objet dans le journal local « La Vigie Marocaine » d’un article en deux parties (5 et 9 octobre 1940). Cet article est intéressant, car il permet de se rendre compte que le presse d’A.F.N. pouvait encore à cette époque, après la défaite, « malgré » ou « pour » le régime en place, écrire quelques lignes à la gloire de l’Aviation française de 1939/1940 !

 

Beaucoup de pilotes et de mécaniciens ne connaissent pas encore le Maroc et ils ont le loisir de découvrir la ville et la côte de l’Atlantique. Ils en ont ramené quelques photographies :

 

Casablanca fin 1940 – La place Lyautey, maintenant place Mohamed V, avec la statue du Maréchal aujourd’hui déplacée, le Palais de Justice (en bas au centre) et la Résidence devenue consulat de France (en bas à droite)

Photographies Jean Emery – Droits réservés

 

Jean EMERY et Alain LE GUENNEC

Le bus assurant la liaison de « L’Oasis » à « L’Aviation »

Avec les casquettes : PIESVAUX – MEYER - ROBERT – DANET - BRIÈRE

MEISSONNIER et Jules PIESVAUX

Photographies Jean Emery et Jules Piesvaux – Droits réservés

 

Le 28 novembre le lt BOIRIES tord l’hélice du n°357 (22) sur la pompe à eau du terrain. L’appareil pourra être réparé par les mécaniciens du Groupe.

Le 30 novembre le sgt MICHAUX subit une panne moteur et se voit contraint de poser sans incident le D.520 n°313 (21) de son commandant d’escadrille à Bouskoura, à une dizaine de kilomètres au Sud de Casablanca (voir extrait de son carnet de vol ci-dessous) ; une équipe de trois mécaniciens dont fait partie le sergent Lucien ROBERT sera dépêchée sur place avec des aides marocains pour changer le moteur.

 

1er décembre 1940 – Bouskoura – Le sgt ROBERT, casquette, avec deux autres mécaniciens de la 6ème et trois aides marocains changent le moteur du D.520 n°313

Photographies Lucien Robert – Droits réservés

 

Le 2 décembre une délégation du III/6 participe à une prise d’armes à Port-Lyautey en l’honneur du Général WEYGAND, Délégué général en Afrique française depuis septembre, à l’issue de sa tournée d’inspection au Maroc.

Le 20 décembre 1940 le Commandant Frédéric GEILLE arrive à Casablanca pour prendre le commandement du Groupe :

Incorporé en 1914 au 41ème Régiment d'Infanterie comme soldat il est sous-lieutenant en 1917 quand il intègre l'aéronautique militaire. À la fin de la guerre, il continue sa carrière dans l'aviation en se passionnant pour le développement du parachute. Il est capitaine en 1927 et commandant en 1937. Il obtient le premier brevet français de « moniteur parachutiste » en février 1939 après un stage en Union Soviétique. À la déclaration de guerre il est depuis quelques mois Commandant du GC III/2 sur la BA 122 de Chartres. D’abord à Cambrai, le III/2 se déplace ensuite sur de nombreux terrains de campagne différents au fur et à mesure de l’avance allemande. Il obtient 2 victoires, mais il est abattu en flammes le 13 juin. Grièvement brûlé, il sauve sa vie en sautant en parachute in extremis. Il ne reprend du service à peine rétabli qu’en décembre 1940 au III/6.

Une prise d’Armes a lieu le 23 suivit d’un « pot » ; de nombreuses photographies sont faites à cette occasion. Joseph BIBERT, qui n’est pas présent puisqu’à Alger, en a cependant récupéré une série retrouvée par la suite dans la collection familiale.

 

Cne RICHARD, cdt GEILLE, cne de RIVALS MAZÈRES (à ½ caché), lt BOIRIES

Sgt GHESQUIÉRE dit « Achille », cne RICHARD, cdt GEILLE, cne de RIVALS MAZÈRES

Collection Joseph Bibert – Droits réservés

Commandant GEILLE

Lieutenant LEGRAND et sous-lieutenant STAGÉ

Capitaine RICHARD

 

Sur le terrain de Casablanca - Camp Cazes, l’avion, du commandant de la 6ème Escadrille

Le mécanicien Lucien ROBERT dans le poste de pilotage du D.520 n°313 codé « 21 »

Toujours à Casablanca, le nouvel appareil du sergent GABARD suite à la destruction de son n°197 le 22 juillet

C’est le D.520 n°311 qui lui a été affecté le 16 septembre et qu’il a baptisé comme le premier « LeSachem »

Photographies Lucien Robert et Raymond Gabard – Droits réservés

GHESQUIÈRE et GABARD au retour d'un vol d'entraînement

LE GUENNEC, STEUNOU, GABARD et JAPIOT

Pilotes et mécaniciens de la 6ème : ÉMERY (mécanicien), LE GUENNEC (pilote), PIMONT (pilote) et 1 mécano, DIAZ et GABARD (pilotes), CAPDEVIOLLE (pilote) et JAPIOT (pilote) en combinaison de vol, et 1 mécanicien – Janvier 1941 à Casablanca

Visite de Jean DIAZ qui a quitté le groupe à Alger fin octobre, de passage à Casablanca avant son prochain départ pour l’Indochine

Photographies Raymond Gabard – Droits réservés

Groupe de mécaniciens à Casablanca

LE GUENNEC, STEUNOU, GABARD et JAPIOT

6ème Escadrille du GC III/6 - 9 pilotes et 9 mécaniciens : de gauche à droite et de haut en bas

SATGÉ, CAPDEVIOLLE, GUERRIER, STEUNOU, PESIN, RIVORY, HOULÈS, GODEFROY, BERTHIER, POUGEAUD

GABARD, LEVÊQUE, ROBERT, GHESQUIÈRE, PIMONT, LE GUENNEC, GUILLAUMIN, UMBERT

Devant LE GUENNEC, la timbale offerte par l’Escadrille à l’occasion de la naissance de son fils...

 

 

 De novembre 1940 à mai 1941 à Alger en famille : photographies de l’album n° 6 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau photographies 10/1940 à 05/1941 à Alger

Lockheed 18 Lodestar du général Vuillemin – Le chien « Taffy » - Cartes Interzone - Julienne Bibert tricote une layette – Dewoitine 520, Potez 650 et Farman 222 vers le Levant

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

 

 Début 1941 à Alger avant la campagne du Levant 

 

   

A droite, calendrier publicitaire de la droguerie Georges CHÉDEVILLE à Rambouillet, le frère de Julienne BIBERT

 

Le Groupe retrouve Maison-Blanche le 21 janvier 1941 après une escale et une nuit à Oran ; cet aérodrome a été dévasté par une violente tempête du 3 janvier 1941 ; des photographies de l’impressionnant empilement des avions détruits sont prises. Pour on ne sait quelles raisons, l’une d’entre elle sera retrouvée dans le portefeuille de Joseph à sa mort en 2001 ! Quelques pilotes retardataires sont encore à Casablanca, et deux autres sont en panne à Oran où le D.520 n°48 codé « 5 » a été accidenté à l’atterrissage. Ces pilotes et leurs machines rejoindront Alger dans les jours qui suivent, sauf le n°48 qui sera réparé sur place et ne retrouvera sa place au III/6 que trois mois plus tard.

 

Passage du GC III/6 à Oran le 20janvier – 1941 – L’amoncellement des appareils détruis par la tempête qui a frappé la région le 3 janvier 1941

Collection Joseph Bibert via un de ses camarades du III/6

 

A Maison-Blanche, le train-train du troisième trimestre de 1940 reprend. Avec 4 heures de vol autorisées par pilote et par mois, seulement quelques de tirs sur manche sont organisés et de rares exercices assez symboliques avec les DB-7 du GB II/61 de Blida. La commission d’Armistice a même interdit tous les vols pendant 3 semaines à partir de la mi-février, mais de toute façon, il n’y a plus d’essence dans les soutes...

Le 2 mars 1941 le s/c BIBERT reprend du service à la 6ème Escadrille après 7 mois passés au S.C.L.A. ; information dans le J.D.M. (Journal de Marche) de la 6ème Escadrille, confirmée par une très longue lettre datée du 1er avril que Julienne a pu faire passer à sa famille à Chartes : « Pour notre situation il y a du nouveau, nous devons rester ici. Nous en sommes bien heureux mais nous n’osons pas trop nous réjouir, cela change souvent. Dolph a repris la tenue bleue depuis le 3 mars. Il se plait beaucoup mieux à son travail ». Le même jour l’adj mécanicien Charles ILTIS, un ancien de la BA.122, est affecté au Groupe. Son épouse qui n’avait pas pu quitter Chartres avant janvier 1941 pour passer en A.F.N. avait trouvé auparavant aide et réconfort auprès de la famille de Julienne. C’est un Alsacien comme Joseph, qui a 12 ans de plus que lui : il a déjà 3 enfants et une solide amitié va naître entre les deux familles BIBERT et ILTIS à Alger. Elles se retrouveront régulièrement tout au long de leur vie jusqu’au décès de Catherine et de Charles en 1992, tous deux âgés de 90 ans. C’est le beau-père de leur fils Georges, Marius BINDREIFF, directeur d’une des usines de la T.R.T. en banlieue rouennaise, qui procurera un emploi à Joseph quand il prendra sa retraite militaire en 1956. La T.R.T. était alors une importante filiale de Philips, travaillant surtout pour l’Armée, qui fabriquait entre en-autres des postes émetteurs-récepteurs.

Il existe une photographie du S.H.A.A., mainte fois publiée, d’un groupe du III/6 faisant de l’exercice où l’on reconnaît parfaitement le capitaine GUERRIER et le s/c BIBERT ; elle a donc été prise avant le départ du cne GUERRIER à une époque où le s/c BIBERT était toujours « caché » au S.C.L.A ; cela prouve bien que la perméabilité entre les escadrilles et le S.C.L.A. était grande !

 

Culture physique devant les hangars de Maison Blanche - On reconnaît : 1. Le cne GUERRIER et 2. le s/c BIBERT

S.H.A.A.

 

Le 3 mars, le capitaine RICHARD, adjoint du commandant GEILLE depuis 3 mois, remplace à la tête de la sixième Escadrille le capitaine GUERRIER muté à l’État-major du général Lucien GIRIER, Commandant Supérieur de l’Air en Afrique du Nord.

Le lendemain le GC II/6 est inspecté par le Général ODIC, commandant de la 5ème Région Aérienne.

 

Alger Maison Blanche – Le Dewoitine 520 n°357 codé « 22 » du lt LEGRAND de la 6ème Escadrille – Appareil perdu pendant la campagne du Levant

Photo de gauche : groupe de mécaniciens, lt LEGRAND, peut-être les pilotes LE GUENNEC et MICHAUX en tenue bleue - Photo de droite : le sgt mécanicien Lucien ROBERT et le lt LEGRAND

Photographies Lucien Robert – Droits réservés

 

Sgt MICHAUX, s/c LE GUENNEC, lt STEUNOU, lt BOIRIES, s/lt LE GLOAN

Avril 1941 - Pilotes de la 6ème Escadrille du GC III/6 devant la tour du terrain d’Alger Maison Blanche

De gauche à droite : sgt MICHAUX, cne RICHARD, s/lt RIVORY, sgt GHESQUIÈRE, s/c LE GUENNEC, lt CAPDEVIOLLE

Photographie Georges Rivory – Droits réservés.

Printemps 1941 - Alger Maison Blanche - Dewoitine du GC III/6 à gauche

Caudron C 445 Goéland - Dewoitine 338 - Potez 65 du S.C.L.A (Air France)

Collection Pierre Wartelle via Pierre Jarrige – Droits réservés

 

Le 1er avril 1941, le sergent GROSDEMANCHE, premier pilote du III/6 en guerre grièvement blessé, accidenté le 30 septembre à Bouillancy (voir les photographies de son Morane faites par Joseph Bibert) est de retour au Groupe après 18 mois d’une douloureuse convalescence, mais il ne reprendra pas les commandes d’un Dewoitine.

Le 21 avril, pour leur passage du brevet de Chef de Patrouille, deux pilotes endommagent sérieusement leur appareil. Les Dewoitine n°340 codé « 7 » et n°195 codé « 4 » (à vérifier) partent à l’A.I.A. d’Alger...

Le 28 avril le général GIRIER, Commandant Supérieur de l’Air en Afrique du Nord, visite le Groupe.

Ce même jour le sgt GAUTHIER est de retour à la 6ème après son séjour de 5 mois à « Jeunesse et Montagne ». Le reprise de l’entraînement doit être un peu difficile, puisque de 5 mai 1941 il endommage à Blida le train du D.520 n°311 codé « 33 » lors d’un atterrissage à trop faible vitesse se terminent par un décrochage et un cheval de bois. Cet appareil part également à l’A.I.A. d’Alger et, comme les deux autres, il ne volera plus au III/6...

 

 La campagne du Levant : 24 mai 1941 au 15 juillet 1941 

 

Le 20 mai 1941 le Groupe III/6 reçoit l’ordre de se préparer à faire mouvement vers le Levant où les Britanniques, avec le soutien de la France Libre, sont sur le point de s’en prendre à la Syrie et au Liban, sous protectorat français. Le général GIRIER remet solennellement le 21 mai, au cours d’une prise d’armes, le drapeau de la 3ème Escadre au GC III/6, seule unité survivante depuis le démantèlement du GC I/6 et GC II/6. Le général ODIC passe l’inspection du Groupe le 23 mai et prononce une allocution pour expliquer à ceux qui vont partir en campagne les motifs de leur mission. Ceux-ci s’envolent vers l’Orient le 24 mai 1941. Ils portent la robe spécifique qui a été décidée par la note 20532/EM : « En raison des ressemblances entre les cocardes anglaises et françaises, afin d'éviter tout accrochage entre les avions allemands et français et suivant le désir personnel exprimé par le Maréchal du Reich Goering, il est demandé que les avions français engagés en Syrie aient l'empennage et le moteur jusqu'à l'aplomb du bord d'attaque peints en jaune. » En fait, il s'agit de mettre les avions français en transit pour la Syrie en conformité avec les dispositions adoptées par la Luftwaffe lors de l'opération « Marita » (l'invasion des Balkans), déclenchée le 6 avril 1941.

Marquage spécifique des avions de la campagne du Levant – Ici le D.520 n°302 codé « 30 » de la 6ème Escadrille

C’est cet appareil qui sera récupéré par les F.A.F.L. (voir plus haut)

 

Joseph BIBERT ne part pas en campagne : nous avons toujours entendu dire qu’il avait été très déçu de rester à Alger parce que son Commandant d’Escadrille, le capitaine RICHARD, sachant son épouse enceinte l’avait dissuadé de faire partie de l’équipe réduite de mécaniciens désignés pour le Levant.

La campagne du Levant n’est pas traitée ici car une page spécifique lui est consacrée avec de nombreuses annexes par ailleurs. On peut aussi consulter les livres de marche des deux Escadrilles et certaines biographies de pilotes.

Bandeau vers Campahne du Levant

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Rappelons simplement qu’au mois de mai 1941, le Groupe III/6 part renforcer les forces aériennes de SYRIE. Les 26 DEWOITINE remis à neuf, accompagnés de 6 avions de transport, font route vers RAYACK sous les ordres du Commandant GEILLE. Stationné tour à tour à RAYACK, ALEP et MOUSLIMIYÉ, le III/6 prend une part des plus actives aux opérations des Forces aériennes de l'Armée du Levant contre les Anglais et les Français Libres, remportant 24 victoires dont 21 sûres, mais perdant 8 pilotes : 5 tués, 3 prisonniers. Il quitte la SYRIE le 9 juillet, complètement défait. Ce qui reste de l'échelon volant rentre à ALGER le 15 après des escales comme à l’aller à ATHÈNES, BRINDISI (accueilli et ravitaillé par les Allemands puis les Italiens...) et TUNIS, en ordre assez dispersé. De nombreux mécaniciens sont faits prisonniers.

Après la libération de la France, l’Armée tira un voile pudique sur l’année 1941 et la campagne du Levant (*), la campagne de Madagascar de l’été 1942 (Ironclad) et les tristes et cruels combats contre les Anglo-Américains lors de leur débarquement en A.F.N du 8 novembre 1942 « Torch ». Ce sont ces épisodes qui ont rendu difficile par la suite la reconstruction de l’Armée de l’Air française, car refaire travailler ensemble ceux de la « France de Vichy » et ceux de la « France du Général de Gaulle » ne fut pas une partie de plaisir ; les cicatrices dues à leur méfiance réciproque et aux rancunes induites par des progressions de carrière non parallèles ne se refermèrent que très progressivement, certaines seulement à a la mort des protagonistes un demi-siècle plus tard  (**) ! Les archives concernant ces épisodes méconnus de notre Histoire ne furent plus accessibles pendant longtemps. Des pages de certains documents (livres de marche) ont d’ailleurs été arrachées puis réécrites.

(*) Dans les archives du III/6 au Service Historique de la Défense (S.H.D.) on peut encore trouver cette note, même si elle et devenue aujourd’hui sans objet :

Campagne de Syrie

Cette partie sera momentanément séparée de l’historique du groupe jusqu'à ce que les renseignements qui s'y trouvent ne puissent plus être exploités à des fins que purement historiques.

La décision d’utiliser le groupe en Syrie, les conditions dans lesquelles il a exécuté ses missions, les noms de ceux qui ont participé aux opérations risqueraient en effet, actuellement encore (avril 1952), d'être utilisé contre certains des anciens exécutants et contre les divers échelons du commandement de cette époque.

Cette partie de l’historique est donc considérée jusqu’à nouvel ordre comme confidentielle et ne devra pas être diffusée. 

 

(**) Témoignage de Jane ROBERT

« ...mon mari a été envoyé faire la guerre en Syrie en 1941 contre les anglais avec son escadrille et une fois la partie perdue, quand les Gaullistes ont demandé à tous ceux qui avaient été faits prisonniers de les rallier, une toute petite poignée l’a fait, car il faut bien comprendre que beaucoup avaient des femmes, des enfants et une vie modeste, ce qui ne pouvait pas les inciter à l’aventure. Une fois intégrés aux forces de la France Combattante sous contrôle américain après le débarquement de novembre 1942 en AFN, ils ont été assez mal vus par ceux qui avaient rallié la France Libre plus tôt... »

 

C’est la publication du remarquable ouvrage de référence en deux tomes, « L’Aviation de Vichy au combat » de Christian Jacques Ehrengardt et de Christopher Shores aux Éditions Lavauzelle en 1985 qui contribua à sortir de l’oubli ces peu glorieux épisodes de notre Histoire.

La campagne du Levant du GC III/6 - 24 mai au 16 juillet 1941

Livre de Marche de la 5ème Escadrille

Livre de Marche de la 6ème Escadrille – Partie Campagne du Levant

La page de Pierre Le Gloan   La page de Léon Richard   La page de Gabriel Mertzisen

 

 

 Juillet 1941 à Alger en famille : photographies de l’album n° 6 Joseph BIBERT 

 

Bandeau vers photographies Juillet 1941à Alger

Communion solennelle de Georges ILTIS – Julienne et Joseph BIBERT, rue Gueirouard à Fort-de-l’Eau – Avec la famille KUNTZEL – Mécaniciens de la 6ème Escadrille – STEPHAN, GOUJON, LE GLOAN

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 Août et octobre 1941 à Alger en famille : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des phoographies Août et Octobre 1941 à Alger

Naissance Marie-Thérèse BIBERT – Carte interzone de sa Grand-mère de Chartres – Baptême avec Xavier BIBERT, cousin germain de Joseph

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 D’août 1941 à novembre 1942 à Alger : avant le débarquement des Alliés en A.F.N. 

 

La campagne du Levant a été un vrai traumatisme pour le GC III/6, comme pour toutes les forces engagées, quel que soit le côté dans lequel elles se sont battues. Les pertes cruelles (5 pilotes tués (*) pour le III/6) ont été causées par un conflit fratricide entre des compagnons d’armes de la Campagne de France, juste un an plus tôt. Pour la 5ème Escadrille, aucun des appareils ayant quitté Alger en mai n’est revenu à Alger en juillet ! La prise d’armes du 27 juillet à Alger avec le Général WEYGAND, des médailles et des citations sont distribués aux pilotes dont certains vont être promus dans les semaines qui suivent ce qui conduit à une certaine amertume pour les mécaniciens, qui comme d’habitude ont beaucoup donné dans l’ombre, et doivent accepter avec stoïcisme de n’être pas mis dans la lumière. Trois pilotes et de nombreux mécaniciens sont encore prisonniers.

(*) Dans l’ordre chronologique : s/c RAVILY, cne JACOBI, lt BOIRIES, sgt SAVINEL, lt STEUNOU.

La 5ème Escadrille qui a perdu le 12 juin 1941 son Commandant, le capitaine JACOBI lors d’une attaque au sol d’une colonne anglaise est commandé depuis cette date par le capitaine Jacques SAUTIER, qui conservera ce commandement jusqu’en novembre 1942. Emile Louis Roger JACOBI, né le 29 juillet 1907 à Wasselonne (Bas-Rhin), mort à El Taebah (Saïda), repose toujours de nos jours au cimetière militaire de Rayack, section III, tombe 66).

Le personnel et les quelques machines dont dispose le groupe ont besoin d’un grand repos et de beaucoup d’attention. Ceux qui n’étaient pas du déplacement au Levant ne vont pas compter leurs heures de travail pour réviser à fond les machines revenus et les autres auront droit à des permissions de longue durée.

Le 24 août 1941 Joseph BIBERT est père pour la première fois : une petite Marie-Thérèse est née ce jour-là à la clinique des orangers à d’Alger. Il est en permission une dizaine de jours à partir du 30 août (voir les photographies plus haut à partir du bandeau ci-dessus).

Mi(septembre, une mission est organisée pour aller récupérer des Dewoitine neufs à Toulouse. Cinq pilotes et quelques mécaniciens s’y rendent par bateau et chemin de fer ; au retour un gros Farman 224 chargé de pièces de rechange, escorté par les D.520 n°45, n°148, n°153, n°469 et n°472, ramène les mécaniciens et son précieux chargement à Alger, via Istres, Ajaccio, Sidi Ahmed. Le sgt Lucien ROBERT a conservé quelques rares photographies de ce transfert sur l’aérodrome d’Ajaccio.

 

20 septembre 1941 – Terrain d’aviation d’Ajaccio – Le Farman F.222 (et non 224) du GT 1/15 qui transporte les mécaniciens et le matériel et l’alignement des Dewoitine 520 récupérés à l’usine de Toulouse

Lucien ROBERT au centre sur les deux photographies

Photographies Lucien Robert – Droits réservés

  

Détail des vols du sgt mécanicien Lucien ROBERT au retour de la mission de septembre 1941 à Toulouse pour récupérer des D.520 neufs

A Ajaccio devant la statue de l’empereur Napoléon et de ses frères

 

Comme on peut le voir les Dewoitine portent maintenant la robe imposée par l'instruction n° 418-C/DAT du 24 juin 1941 :

·         cocardes de voilure : 80 cm de diamètre

·         cocardes de fuselage : 60 cm de diamètre

·         liseré blanc aux cocardes de fuselage : 5 cm

·         bande blanche latérale de 10 cm de large et s'étendant au minimum de 150 cm de part et d'autre de la cocarde de flanc

·         bandes alternées rouges et jaunes de 20 à 25 cm de large sur l'empennage entier (sauf le gouvernail de direction conservé tricolore) et sur la partie avant des fuseaux-moteur et, éventuellement, sur la partie comprise entre l'arrière du moteur et l'aplomb du bord d'attaque, suivant le type d'aéronef.

Malheureusement les photographies des appareils du III/6 à cette époque sont rares.

Nouveau marquage des avions de Vichy après juillet 1941 – Ici le D.520 n°300 codé « 5 » de la 5ème Escadrille

C’est le nouvel appareil du lt Pierre LE GLOAN

Voir une Photographie de Pierre LE GLOAN en septembre 1941 lors de sa nomination au grade de Lieutenant

 

Le s/t Pierre LE GLOAN est promu lieutenant le 9 septembre 1941 et le commandant GEILLE lieutenant-colonel, devient le 16 septembre ; il part commander la base de Ouakam (*) en A.O.F. Le capitaine de RIVALS-MAZÉRES assure provisoirement le commandement du Groupe, pour le confier 6 semaines plus tard au capitaine NAUDY.

(*) De nos jour la base aérienne 160 de l'Armée de l'Air à Dakar-Ouakam porte le nom de « Base Colonel Frédéric Geille »

Le 16 septembre, le D.520 n°398 codé « 7 » du lieutenant GUILLOU capote au décollage suite à l’éclatement d’un pneu. L’appareil ne sera remis sur pied qu’en février 1942, pour terminer un vol le 19 mai 1942 par un... cheval de bois aux mains du s/c SCHENK (voir plus bas).

Le 27 septembre le lt MARTIN, le s/lt RIVORY et le sgt PIMONT, les 3 pilotes prisonniers au Levant, qui ont été libérés après une captivité assez douce, sont de retour au Groupe, comme petit à petit une partie les mécaniciens ; personne au III/6 n’a voulu se rallier aux Forces Françaises Libres, le traumatisme des pertes étant trop grand. Le rapatriement des prisonniers s’est fait, conformément à l’armistice de Saint-Jean d’Acre, sur des bateaux français, dont les paquebots « Maréchal Lyautey », « Florida » et « Providence » qui atteignent Marseille à partir du 31 août 1941. Les aviateurs sont regroupés d’abord à Nîmes « Courbessac » avant d’être redirigés vers leurs unités d’origine.

Le lieutenant Jean SAUVAGE qui a déjà passé le mois de septembre 1940 au III/6 avant d’être placé en congé d’armistice, y est affecté de nouveau (ne pas confondre Jean SAUVAGE (1917/2014), avec Roger SAUVAGE (1917/1977), tous deux au Normandie-Niemen par la suite, mais c’est Roger SAUVAGE qui est l’auteur de « Un du Normandie Niémen »)

Le 9 octobre 1941 le sergent PIMONT est victime d’un grave accident. Il a mis par erreur son hélice au grand pas au moment du décollage et a capoté en fin de piste. Le Dewoitine D520 n°423 codé « 22 » baptisé « Ouah-Ouah » est détruit et le pilote, mâchoire brisée, ne reprendra son service que 2 mois plus tard.

 

9 octobre 1941 – Alger Maison Blanche – Accident du sgt Roger PIMONT - Dewoitine D520 n°423 codé « 22 » baptisé « Ouah-Ouah 1er décembre 1940

Collection Roger Pimont via Rémy Denizot – Droits réservés

 

D.520 du GC III/6 en vol au-dessus de Maison Blanche

Le Dewoitine 520 n°210 de l’a/c BALMER qui a repris le code « 25 » du lt STENOU (+)

Sans doute sgt GHESQUIÉRE et un lieutenant non identifié

Il semble que les bandes rouges ne soient pas encore peintes sur le nez de l’appareil

Dewoitine 520 n°153 codé « Y » du Capitaine NAUDY

Commandant en second du Groupe

 

Le 15 novembre 1941 le commandement du Groupe est confié au Capitaine André NAUDY (*) (1904/1946 - MSAC), ancien Commandant de la 3ème Escadrille du GC II/3, 4 victoires homologuées dans la Campagne de France.

(*) Arrivés en renfort pendant la campagne du Levant.

D’après un document officiel au SHAA, écrit après la guerre, le 27 novembre 1941, l’a/c BALMER aurait ramené de Meknès un Messerschmitt 108, appareil de commandement multiplace (plus tard, sa version francisée sera produite en France occupée par l’usine SNCAN des Mureaux sous le nom de « Nord 1000 Pingouin »). C’est une erreur, en fait c’est le 6 novembre que l’a/c BALMER et le sgt mécanicien UMBERT reviennent de Meknès avec un North American NAA 57, biplace d'entraînement qui sera utilisé à partir de cette date comme appareil de liaison par le Groupe. Entre « NORD » et « NORTH », les historiens officiels de l’.AA se sont trompés, comme quoi il faut toujours rester vigilent et critique avec les archives, quelles qu’elles soient...

 

   

Messerschmitt 108 (Nord 1000 « Pingouin ») et North American NAA-57

 

En décembre, nouvelle arrivée de deux anciens pilotes du III/6 : le s/lt SALAÜN, disparu le 21 mai 1940, gravement blessé aux jambes, fait prisonnier et évadé d’Allemagne avec de faux papiers, affecté à la 5ème et le s/lt CAVAROZ blessé le même jour en combat aérien, affecté à l’État-major du Groupe.

 

 

   

Dans les archives familiales, la collection des calendriers de la poste commencée en 1939 est complète (jusqu’en 2015 !)

Celui de 1942 porte deux notes au crayon de Joseph BIBERT : 20/5 départ de la 51 au 20/09 CHM

Effectivement, le 20 mai 1941 la 5ème Escadrille a été détachée à SFAX (voir plus bas) et du 1er au 20 septembre 1942 il a participé à un stage « Montagne » dans le massif du Djurjura

 

Dans le cadre d’une nouvelle organisation plus régionale de l’Armée de l’Air d’A.F.N. en date du 1er janvier 1942, le Groupement de Chasse 26 devient « Groupement mixte n°26 », englobant maintenant les Groupes de Bombardement et de Reconnaissance qui constituaient le Groupement 3 cité plus haut, ainsi que le Centre d’Instruction d’Aviation n°1 à Maison-Blanche.

Le commandant Raymond DESTAILLAC (1905/1972), ancien commandant de la SPA 124 « Lafayette » avant-guerre, 1ère Escadrille du GC II/5, et adjoint du Commandant de ce Groupe pendant la campagne de France avec 2 victoires homologuées, prend le commandement du III/6 le même jour avec pour mission la défense aérienne d'Alger. Il était affecté jusque-là à l’État-major de l’Air Algérie et il vient de se marier le 14 novembre à Alger avec Marie CAFFIN (1903/1995), la veuve du commandant CASTANIER. Une prise d’armes a lieu le 14 janvier.

 

Pilotes du GC III/6 au 1er janvier 1942

État-major

5ème escadrille

6ème escadrille

Cdt Raymond Destaillac

Cne André Naudy

Lt Jean Cavaroz

Section administrative

Lt Marc Boyer (*)

Compagnie de base

Lt François Brondel

Lt Rabusson

Cne Jacques Sautier

Lt Robert Martin

Lt Pierre Le Gloan

Lt Jean Sauvage

Lt Jean Salaün

Adj Maurice Chardonnet

Adj Pierre Chambon

Adj Gabriel Mertzisen

S:C Pierre Monribot

Sgt Honorat (**)

S/c Schenk

Sgt Louis Coisneau

Sgt Jean Mequet

Cne Léon Richard

Lt Marie-Henri Satgé

Lt Georges Rivory

Lt Georges Legrand

Lt André Capdeviolle

Adj Albert Balmer

S/c Jean Macia

S/c Toussaint Loï

S/c Marcel Farriol

S/C Henri Ghesquière

S/c Roger Pimont

Sgt Gabriel Michaux

 

Raymond DESTAILLAC alors capitaine – La dérive de son D.520 n°301 en 1942

(*) Il quittera le III/6 pour la base de Maison-Blanche, juste avant le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942. Entre 1951 et 1955 le commandant Marc BOYER sera en poste à Lahr (Allemagne) en même temps que l’adj/c Joseph BIBERT, et les familles se fréquenteront puis correspondront plus tard régulièrement. En prévision de sa retraite, le commandant Boyer fit construire en 1965 une villa sur la côte d’azur à La Nartelle, près de Sainte-Maxime, dans laquelle la famille BIBERT fut accueillie pour ses vacances d’été à plusieurs reprises.

(**) Affecté au III/6 en Syrie le 23 mai 1941

Peu de faits marquants en 1942 : le lt SATGÉ et l’adj MERZISEN convoient à Thiès (A.O.F) deux D.520 le 27 janvier, deux pilotes sous-officiers de chaque escadrille sont envoyés en février en stage au centre de perfectionnement de Fès (Maroc), une bonne expérience qui perdurera pendant quelques mois, un premier échange de pilotes en février entre le lt RIVORY du III/6 et le lieutenant de vaisseau DU MERLE de l’aéronautique navale (1AC et 2AC) à Tafaraoui (plus tard BAN de Lartigue à Oran) pour comparer les méthodes d’entraînement sur D.520 ; ces échanges continueront jusqu’en avril.

Par les courriers familiaux ou apprend qu’au cours du mois de mars 1942 M. et Mme. Omer BORREYE, (lui est mécanicien au III/6 depuis 1939), ont pu partir en permission à Chartres, où ils habitaient avant la guerre, avec leur fils Jean (3 ans). Ils ont apporté des photographies récentes de la petite Marie-Thérèse BIBERT à la famille de Julienne. Celle-ci a fait des pieds et des mains, heureusement sans résultat, pour pouvoir faire le même voyage, malgré le coût exorbitant d’un tel périple et le risque de franchir la ligne de démarcation pour un sous-officier alsacien (*) ! Omer BORREYE est rentré seul en A.F.N., mais devant les difficultés de la vie à Chartres, son épouse est repartie le rejoindre 3 mois plus tard !

(*) Le Général d’Armée PRIOUX, Major Général des forces terrestres et aériennes d’Afrique du Nord signera d’ailleurs le 3/1/1943 la note n°7/E.M.G. 1/0 concernant les Alsaciens-Lorrains : « Des renseignements reçus il ressort que le commandement allemand considère les Alsaciens-Lorrains prisonniers comme des déserteurs de l’armée allemande. En conséquence, les Alsaciens-Lorrains actuellement sous les drapeaux seront prévenus à ce sujet, et seuls les volontaires seront maintenus ou envoyé aux armées… ». Cette note sera amplifiée par le Général de Corps Aérien MENDIGAL commandant l’Aviation Française d’Afrique le 18/4/1943.

Concernant ces aviateurs d’A.F.N. qui peuvent avoir des permissions, Georges CHÉDEVILLE, le frère de Julienne, qui ne cache pas beaucoup son hostilité au régime de Vichy, écrit à sa sœur au verso d’une « carte », dont le timbre imprimé est d’ailleurs un portrait du Maréchal ! : « … j’ai vu ici un sous-officier d’Oran (aviateur), son état d’esprit a bien changé au cours de son congé, nous avons pu juger de quelle immonde propagande vous êtes abreuvée. Courage et patience, mes chers, vous n’avez pas la plus mauvaise part, sachez l’estimer… »

Le III/6 enregistre toujours quelques mouvements de personnels ; départ de l’adj CHARDONNET de la 5ème le 18 février pour l’État-major de l’Air Algérie, arrivée de l’adj VEYRUNES, un ancien du GC II/8 avec 1 victoire homologuée pendant la campagne de France, départ du sgt COISNEAU de la 5ème pour Blida et en compensation le sgt GAUTHIER de la 6ème passe à la 5ème. Plus tard, ce dernier réussira les E.O.A. et quittera définitivement le Groupe en mars 1943.

En avril le Général JANNEKEYN (1892/1971), alors secrétaire d’état à l’aviation, qui fût le Commandant de l’Air au Levant en 1941, de passage à Alger vient passer sans protocole quelques moments avec les pilotes qui ont combattu en Syrie sous ses ordres 10 mois plus tôt.

 

Alger Maison Blanche – Pilotes et mécaniciens du GC III/6 – A gauche : sgt GHESQUIÉRE ? et a/c BALMER – A Droite : avion du Commandant , sgt ROBERT et s/c BIBERT tout à droite

Collection Balmer via Lionel Brunet à gauche et photographie Joseph Bibert à droite – Droits réservés

 

Avril 1942 – Alger Maison Blanche Escadrille – L’adjudant Pierre CHAMBON de la 5ème Escadrille

Ancien du GC III/2 blessé et fait prisonnier le 13/06/1940

Arrivé au III/6 en avril 1941, via le centre de Chasse de Blida, il n’a pas participé à la campagne du Levant

Photographies communiquées par M. le Général Gilles Lemoine – Epreuves jamais récupérées, trouvées à Nice chez un photographe en 1997

 

 

 Printemps 1942 à Alger en famille : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des photographies printemps 1942 à Alger

Fort-de-l’Eau - Le chien Youky – Promenade à bicyclette – Famille Kuntzel

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Les mois d’avril à mai 1942 sont un vrai tournant de la guerre 1939/1945. Sur le sol d’Afrique, rendu possible par sa maîtrise de l’air, l’Afrika-Korps du Général ROMMEL a bousculé à partir de la Cyrénaïque les forces britanniques du Général AUCHINLECK et menace l’Egypte à moins de 100 kilomètres du canal de Suez ; heureusement arrêté à El-Alamein et manquant de carburant Rommel doit rester sur cette position ; les Britanniques en profitent pour reconstituer leurs forces et l’Afrika-Korps sera victime de la contre-offensive du Général Montgomery lors de la seconde grande batille d’El-Alamein d’octobre/novembre 1942 qui entraînera le reflux définitif des Allemands vers la Tunisie d’où ils seront définitivement chassés en mai 1943 après le débarquement allié en A.F.N. du 8 novembre 1942.

Dans leurs traques des navires et des avions de ravitaillement allemands, la Royal-Navy et la R.A.F. pénètrent souvent dans les eaux territoriales de la France et les ordres de Vichy sont de s’y opposer. La faible aviation française de Vichy en A.F.N. essaye de faire face, mais les quelques décollages sur alerte des D.520 du III/6 sont pour le moment totalement infructueux.

Dans les premiers jours de mai c’est l’attaque britannique contre Madagascar. La presse algéroise se déchaîne contre les Anglais ; la une de « L’écho d’Alger » du 6 mai » titre « Toute la France, tout l’empire sont de cœur avec vous ». Bientôt, ceux du III/6 apprennent que le 10 mai le capitaine Jean ASSOLLANT a été porté disparu ; le « Père Jean », leur vieux compagnon de la campagne de France, premier français à avoir traversé l’Atlantique, directeur de l’aviation civile à Madagascar, qui s’est remis courageusement aux commandes d’un Morane 406 pour faire face à l’envahisseur ! Le 12 mai, le quotidien algérois place cette triste nouvelle en première page et en gros titre :

Jean ASSOLANT doit être un exemple pour nos jeunes

« Vichy — Les journaux de la Métropole publient la photographie et la nouvelle de la disparition glorieuse d'Assolant dans le ciel de Madagascar. Certains les accompagnent de longs commentaires, en général sous la plume d'anciens camarades du vaillant disparu.

Jean Assolant doit être un exemple pour nos jeunes », écrit notamment M. Peyronnet de Terres. Il ajoute : Assolant devait se conduire en héros, en grand héros dans le ciel de Madagascar qu'il avait conquis, asservi, oserai-je dire, pour établir une liaison intérieure entre Tananarive et les villes les plus importantes.

A Madagascar, Assolant était civil, ainsi que tous les autres coloniaux. Il pouvait continuer sa tâche de pilote de ligne ou demeurer prés de sa femme et au milieu de ses chevaux et de ses chiens. Assolant abandonne son « Goéland » sur lequel il survolait la mer de Madagascar à la Réunion, endosse son uniforme de capitaine de l'armée de l'air et s'élance dans le ciel, dans son ciel, dans son domaine envahi par l'assaillant. En protégeant la terre et les hommes qu'il aimait avec passion »

 

Après Mers el-Kébir, la campagne du Levant, la conquête de Madagascar et la mort d’ASSOLLANT, le régime de Vichy va maintenant se déchaîner contre les Anglais via une presse totalement contrôlée et il faut comprendre, sans jugement trop hâtif, que dans leur très grande majorité, ceux du III/6, les autres militaires, les fonctionnaires et les pieds-noirs soient prêts à « défendre l’Empire » coûte que coûte ! L’éventualité d’une action militaire contre l’Afrique du Nord commence à être un sujet de discussion ; mais s’y prépare-t-on vraiment ?

Pour faire en sorte que le moral de s’effondre pas, et pour garder les hommes en forme avec un minimum d’entraînement sportif avec si peu d’activité aérienne, le capitaine RICHARD met du cœur à innover : ce sont les sorties baptisées « Reconnaissance », sortes de sorties « camping » (voir plus bas un extrait des mémoires du Général André Hartemann) où toute son escadrille part entre « hommes » et en groupe, à pied, à plusieurs kilomètres de Maison-Blanche, passer deux jours sous la tente. Signalées dans quelques archives du Groupe, elles sont confirmées par au moins deux séries de photographies rares que Joseph BIBERT en a faites, une sur la plage ouest du Cap Matifou, et une autre dans les rochers de la localité un peu plus au nord nommée « Jean Bart » à l’époque, maintenant El-Marsa

 

Bandeau photographies sorties GC III/6 Cap Matifou et Jean-Bart

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Photographies Joseph Bibert – Reproduction interdite

 

Il faut parler aussi du « C.P.S.O » (Centre de Perfectionnement des Sous-Officiers) de Fès. Le sergent Jules PIESVAUX, mécanicien à la 5ème Escadrille, qui a fait partie de ceux du III/6 qui ont été désignés pour y effectuer un stage, en a heureusement ramené deux rares photographies d’avril 1942 (voir ci-dessous) ; mais ce n’est que par quelques rares témoignages que les objectifs de ce centre sont connus. Une curieuse idée circulait en effet dans les hautes sphères : la « débâcle » de 1940 et les « mauvais résultats » de la campagne du Levant ne seraient-ils pas imputables aux carences des « petits » personnels, pilotes et mécaniciens de l’Armée de l’Air ? Le but du C.P.S.O. a donc été de redonner du tonus à tous les militaires. On leur faisait mener une activité genre « commando » : lever de nuit, creusement de piscine, départ sac au dos, arme à la bretelle, pour des marches de parfois 30 kilomètres, traversées d'oueds à la nage, sauts par-dessus une tranchée, pas très large certes, mais garnie en son centre de baïonnettes pointées vers le haut... Ce pénible entraînement pouvait se concevoir pour des personnes jeunes mais les stagiaires n'étaient pas tous des sportifs. Les mécaniciens, comme Jules PIESVAUX par exemple, n’avaient pas trop de temps pour courir en espadrilles autour des avions car il fallait bien les entretenir pour qu’ils puissent voler ! De plus, c’était l’époque où tout était bon pour diminuer les effectifs et les « stagiaires » avaient grand peur d'être mis d’office en congé d'armistice en fin de stage. Les patrons de ce centre ont été :

·        Commandant : commandant MURTIN (1904/1966) (ancien commandant du GC I/5, Groupe de Chasse prestigieux, qui termina sa carrière comme Général de Corps Aérien)

·        Adjoints : capitaine Jules ROY (1907/2000) (aviateur, écrivain et pétainiste convaincu à cette époque…) et capitaine Emmanuel BRIHAYE (1913/2004) (centralien, engagé par la suite au « Normandie-Niemen » puis pilote d’essai à la SNECMA après la guerre)

·        Première compagnie : lieutenant Guy DAUBRESSE (1914/1987) (au GC II/2 en 1940, blessé par accident le 4 mai)

·        Seconde compagnie : lieutenant Urbain MONTAGNE

On doit à M. Philippe FINCK d’avoir mis en ligne, outre la biographie de Guy Finck, sergent-chef mécanicien mort en Service Aérien Commandé au Groupe 1/25 en 1943, son cahier de stage au C.P.S.O. et sa  transcription numérique au mot à mot. Ce stage a été effectué par son grand-père fin 1942 au moment du débarquement anglo-américain en A.F.N. (voir les liens en bleu vif soulignés)

 

Guillaume de FONTANGES dans « Les Ailes te portent » (1981)

« ...après étude approfondie, l'état-major de l'Armée de l'Air cherche les causes de la défaite. On en arrive à la conclusion que les sous-officiers ont perdu la guerre. Il importe donc de nous reprendre en main, de nous redresser ; d'où la création des fameux C.P.S.O., les Stages de Perfectionnement des Sous-Officiers. Celui d'Afrique du Nord est installé à Fès....

... on pourrait dire beaucoup de choses sur ce C.P.S.O. Ce n'est pas à proprement parler un stage, plutôt une série de brimades physiques et morales ; nous sommes obligés de les accepter en silence sous peine d'être fichus à la porte de cette nouvelle armée qui se veut dure et pure.

Tout pourrait se passer à peu près normalement pendant ces trois mois de reprise en main si nous n'avions affaire à deux chefs surprenants : le grand patron, le commandant Murtin, paix à sa petite âme ! Ensuite, son brillant second, le capitaine Jules Roy. Sacré Jules ! on rigolera plus tard en feuilletant ses bouquins, mais à Fès, le capitaine Roy ne nous fera jamais rire. Je préfère glisser ; je respecte l'Armée : une brebis galeuse, voire deux, ne font pas le troupeau... »

 

 

15 avril 1942 – Sidi Arazem – Sources chaudes à 15 km de Fès

MONTIGNIER (?) – LORILLON – JOURDAN – PÉTREMONT - RUFFIO (?) – FOGIAROLLI – LE MARELLEC

CAROLLA (?) – GUIGUE – PIESVAUX – Lt DELEUZE

(?) Transcription incertaine

15 avril 1942 – Avant le retour à Fès

PRÉVOST – CALOU – MARTIGNONI – GUIGUE – PÉTREMONT – FRIOCOURT (?) - LE MARELLEC

LAILLIER (?)Lt TRAMORY – JOURDAN – PIESVAUX – CASAMAYER - FOGIAROLLI - RUFFIO (?)

CAROLLA (?) -- ROIG

Avril 1942 – Fès – C.P.S.O. -Centre de Perfectionnement des Sous-Officiers

Photographies Jules Piesvaux – Droits réservés

 

Mémoires du Général André HARTEMANN

alors Commandant au 3ème bureau de l’État-major à Alger

SKI – MONTAGNE – CAMPING – C.P.S.O... et moral du personnel !

... Pendant cette période d'activité réduite, j'ai pensé nécessaire de maintenir et même de remonter le moral du personnel ; j'estimais qu'on pourrait avoir bientôt besoin de cadres solides et décidés, au caractère bien trempé. Un excellent moyen d'y arriver me parut être la pratique de la montagne et j’ai lancé fin 1941 un Centre de ski dans le Djurdjura. Je ne le considérais pas comme destiné à la simple pratique d'un sport, et je me rapprochais là de la conception qu'en avait le Club Alpin Français. Je pensais trouver dans les organisations de jeunesse un esprit nouveau, une flamme qui pourrait se communiquer à notre personnel, des méthodes inédites de raidissement moral et d'éducation du caractère...

... j'ai eu heureusement l'appui du Club alpin français grâce à mon ami Pierre Lung, son secrétaire général à Alger. Nous nous sommes parfaitement entendus et avons réussi à faire travailler ensemble en montagne et en bonne harmonie, civils du Club alpin français et militaires de l’Armée de l'Air !...

... de janvier à mai 1942, se sont succédé des stages d'une cinquantaine d'officiers et sous-officiers, dirigés par le lieutenant Cuffaut (du Groupe de Chasse II/3), assisté d'excellents moniteurs comme j’adjudant Chaix. La finalité de ce Centre de montagne était finalement la même que celle du Centre de Perfectionnement des Sous-officiers(C.P.S.O), d'abord installé à Relizane, puis à Fès, où on cherchait aussi à élever le moral de nos cadres en durcissant les corps. D'autre part, dans les unités on commençait à sortir les gens de leur moule bourgeois en leur imposant des « sorties –camping »...

...beaucoup de gens ne suivaient pas, ne voyant partout que des difficultés en ne cherchant en fait qu'une vie facile dans un chemin tout tracé, et les esprits et les opinions s'étaient divisés ; quelques-uns penchaient vers la France Libre, d’autres prônaient une collaboration très poussée avec l'Axe. On parlait beaucoup de « Révolution Nationale », mais on ne voyait aucune révolution : bien des gens restaient en place qui avaient pris une large part dans notre défaite de 1940...

... on se sentait dans un tunnel très sombre dont on ne voyait pas le bout, nous n'avions plus de lumière vers laquelle marcher et pas de chefs capables de nous montrer le chemin à suivre. Tout flottait, chacun essayant dans son coin de se fabriquer un idéal, plus ou moins haut ! Nous, nous avions au moins un but à poursuivre, cette préparation de la défense africaine...

 

Le 18 mai une patrouille double du III/6 fait un exercice en début de matinée quand elle est informée qu’un hydravion anglais survole la mer à l’ouest d’Alger. Effectivement le Consolidated PBY « Catalina » AJ 158 du sqn 202 qui a déjà été pris à partie par des avions du GC II/3 a dû amerrir. Selon la version officielle de l’Armée de l’Air, le cne RICHARD donne l’ordre au sgt MICHAUX dit « Papichou » (6ème) de patrouiller autour de l’hydravion en attendant l’arrivée d’un torpilleur qui doit venir l’arraisonner ; celui-ci est relevé au bout de 1 ½ h. par le s/c SCHENK (5ème) (*) ; lui-même par le lt SALAÜN (5ème) (**). D’après les archives britanniques, via Christian Jacques Ehrengardt, deux Fairey « Fulmar » du sqn 807 ont décollé du porte-avions Argus et l’un deux a surpris le pilote français qui pilotait le D.520 n°361 codé « 10 » et l’a abattu : « Le lieutenant SALAÜN du GC III/6 orbite au-dessus de l'hydravion lorsque le Fulmar du sous-lieutenant P.E. Palmer apparait. Il est 14h15 quand Palmer ouvre le feu, SALAÜN n'a pas vu venir son agresseur ; la première rafale est la bonne. Des pièces se détachent du fuselage du D.520 et de la fumée enveloppe le dessous de l'appareil. Il passe sur le dos puis bascule dans un piqué et percute dans l'eau » (C.J.E. – « l'Aviation de vichy au combat », tome 1, p. 107). Une patrouille du III/6, cne RICHARD, lt SATGÉ, s/c FARRIOL, qui revient sur place, ignorant le sort du lt SALAÜN, ne retrouvera pas le Catalina, coulé sans doute par un navire britannique (HMS « Iris ») après avoir récupéré les trois hommes d’équipage. Elle vengera néanmoins le lt SALAÜN en abattant un « Fulmar » (le second ?) au nord de Guyotville (ouest d’Alger).

En fin de journée, deux D.520 attaquent un Short Sunderland australien mais il peut s’échapper. Mauvaise journée pour le III/6. Comme on ignore tout de son sort, le lt SALAÜN est simplement porté disparu.

(*) Le lendemain 19 mai, ce pilote fait un cheval de bois à l’atterrissage et brise son Dewoitine n°398. Poursuivant sur sa lancée il casse un second appareil le 4 juin à Sfax ; D.520 n 403 (Photographie)

(**) Jean Nicolas SALAÜN, abattu sur MS.406 en mai 1940, prisonnier, évadé, de retour au Groupe depuis 4 mois a en fait très peu volé sur D.520 ; la raison de sa présence dans cet épisode assez confus reste un peu mystérieuse…

 

Carnet du sergent Robert ROHR – Mécanicien à la 5ème Escadrille

... À 9h, 2 avions D.520 du GC II/3 décollent de Maison Blanche, sur alerte, un hydravion anglais « Consolidated Catalina » étant signalé au large d'Alger. Ils le rencontrent et après plusieurs passes l'obligent à amerrir à 30 km au large de Guyotville. L'équipage composé de 3 hommes évacue l'avion à bord d'une bouée de caoutchouc. Une protection est assurée par le GC III/6. À 12h15 le lt Salaün (5ème) part. On attend vainement son retour. Sans doute a-t-il été mouché par des bateaux de guerre ou alors cravaté par un avion arrivant d'un porte-avions. À 14h 15 une patrouille composée du cpt Richard, lt Satgé et s/c Farriol, décolle. Ils tombent sur un « Fairay Fulmar », avion anglais qu'ils descendent. Ils sont de retour à 15h 30. Peu d'espoir de retrouver le lt Salaün...

 

CITATION du lieutenant Jean Nicolas SALAÜN

« SALAUN (Jean), lieutenant, groupe de chasse 3/6: jeune officier ayant toujours manifesté une ardeur inébranlable dans l'accomplissement de son devoir et sa foi profonde dans les destinées de la patrie. Magnifique officier dont le courage et l'abnégation doivent servir d'exemple aux promotions futures, engagé dès le début des hostilités, a été abattu en combat aérien, le 21 mai 1940. Blessé et fait prisonnier, s'est évadé à la septième tentative après dix-huit mois de captivité. Le 18 mai 1942, chargé d'assurer le contact d'un hydravion adverse abattu au large d'Alger, a disparu en mer au cours de cette action. »

Déjà cité en 1940 après sa victoire du mai.

 

A partir de cette date la protection des convois français ravitaillant l’A.F.N. doit être renforcée et les incidents deviennent plus fréquents.

Dans ce cadre, du 20 mai au 25 juin la 5ème Escadrille du III/6 est détachée à Sfax, terrain d’El Maou, avec le Commandant du Groupe, pour relever une escadrille du GC II/3, mise en alerte précédemment le long des côtes tunisiennes.

 

4 juin 1942 – Sfax El Maou - Le s/c SCHENK de la 5ème, décollant trop rapidement, va s'avachir en bout de piste

Son Dewoitine n°403 codé « 11 » « Le Piège » est hors d'usage mais le pilote s'en tire avec le nez coupé et une forte douleur au bras

 

   

Juin 1942 – A Sfax El Maou, un seul merlon semi enterré de protection semble exister : les D..520 du III/6 de la 5ème y passent à tour de rôle !

A gauche le D.520 n°148 codé « 1 » du Capitaine SAUTIER et à droite de n°365 codé « 8 » du sgt GAUTHIER qu’il a baptisé bien entendu « Mektoub ! V »

Photographies Robert ROHR – Droits réservés

 

 

Juin 1942 – La 5ème Escadrille à Sfax El Maou en Tunisie – Jules PIESVAUX

Photographies Jules Piesvaux – Droits réservées

 

 

Du 6 juin au 22 juin 1942, Joseph BIBERT est en Permission de Longue Durée (P.L.D) ; pour lui, son épouse et sa petite fille, la guerre est très loin, la mer est belle, la plage est chaude…

 

 Second semestre 1942 à Alger en famille : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des photographies second semeste 1942 à Alger

Joseph Bibert nommé adjudant - Plage de Fort-de-l’Eau – Avenue Gueirouard

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… et le premier juillet 1942, Joseph BIBERT, engagé depuis 11 ans dans l’Armée de l’Air française, est nommé adjudant.

 

 

 Polémique autour d’une photographie ! 

Une photographie commercialisée par le SHAA (Service Historique de l’Armée de l’Air) mainte fois publiée dans la presse aéronautique, datée de 1943, représenterait (généralement sans cornes !!!) le capitaine Gabriel GAUTHIER, commandant la 4ème Escadrille du GC II/7 alors en Tunisie, dit « Gégé », qui finira sa carrière « Chef d’État-major particulier du Président de la République » (Général de Gaulle), puis à la plus haute marche « Chef d’État-major de l’Armée de l’Air » ! On voit ci‑dessous cette photo dans une publication consacrée au Général Gabriel GAUTHIER et les recto et verso de la photographie originale de la collection personnelle de Joseph BIBERT, parfaitement légendée de sa main, représentant un groupe de pilotes et de mécaniciens de la 6ème Escadrille du GC III/6 au début de 1942 à Maison Blanche, entourant leur camarade, le sergent Georges GAUTHIER (qui passe en mars de la 6ème à la 5ème Escadrille) !!! Cette photographie fait partie d’une série, présentée plus bas, dont beaucoup d’Anciens du III/6 possèdent des tirages, où figure en outre le s/c Georges KILLY du GC II/3 (le père de Jean Claude, le célèbre champion de ski des années 1960). Nous avons eu beau avertir de cette coquille, et le SHAA, et certains rédacteurs, cette image circule toujours avec une légende erronée, ce qui confirme qu’il faut rester critique sur la provenance des documents et multiplier les contrôles et les recoupements !

 

 

  

SATGÉ – LOÏ – GAUTHIER – LIMEUIIL – GODEFROY – BIBERT - BALMER - MACIA

A/c Albert BALMER

Sgt GAUTHIER – s/c LOÏ - s/c Georges KILLY du GC II/3 – a/c BALMER – s/c MACIA

A/c Albert BALMER et sgt Georges GAUTHIER

Sgt Georges GAUTHIER

SATGÉ (pipe) – BALMER - GAUTIERR

Début 1942 – Alger Maison Blanche – Une série de photographies de la sixième Escadrille – Remarquer en haut à droite le nez d’un D.520 à bandes rouge et jaune

Photographies provenant de plusieurs collections d’Anciens du GC III/6

 

Eté 1942 – Dans un hangar d’Alger Maison-Blanche

Au fond, un Farman 222 du GT I/15 et devant, quatre D.520 du GC II/3 dont le n°471 codé « 28 » jaune de l’adj Marcel JEANNAUD »

 

En août 1942, deux prises d’armes ont lieu pour les visites du Colonel BEAUNE, commandant de « l’Air Algérie » (le 1er) et du Général JANNEKEYN, secrétaire d’état à l’Aviation (le 8).

Le 31 août le lt CAPDEVIOLLE endommage le Dewoitine n°469 codé « 30 ».

Du 31 août au 23 septembre 1942 le « nouvel » adjudant Joseph BIBERT a le grand plaisir de participer à un stage « montagne » à Tiz n’Kouilal (à 12 km de la station de ski de Tikjda) dans le massif du Djurjura (*), où il remplace le s/c Farriol qui a inauguré cette nouvelle activité pour la 6ème escadrille. Il en a ramené de nombreuses photographies ! Dans ce centre du Club Alpin Français, pendant l’hiver, certains pilotes du III/6 avaient déjà participé deux par deux à des séjours de ski (voir plus haut un extrait des mémoires du Général André Hartemann).

 

 Septembre 1942 - Stage montagne dans le massif du Djurjura : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau photographies stage montagne dans le massif du Djurjura

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(*) Joseph BIBET gardera de ces trois semaines un intérêt immense pour la montagne et l’alpinisme et, sans le pratiquer, il dévorera au cours de sa vie des dizaines de livres sur le sujet. Il n’y avait pas de « fête des pères » sans livre de montagne offert ! Il transmit cette passion seulement livresque à son fils qui a bien complété la collection depuis, et qui connaît par cœur des dizaines de « voies » sans jamais avoir fait la moindre ascension !

 

L’activité à Maison-Blanche ne doit pas être élevée, puisqu’à peine de retour de ses « vacances » à la montagne il bénéficie d’une nouvelle P.L.D. le 26 septembre 1942 ; durée non connue

Mi-septembre le lt LEGRAND est promu capitaine et le lt LABUSSIÈRE, dit « Tatave » arrive à la 5ème. Le 29 septembre 1942, celui-ci fête son arrivée par un magnifique cheval de bois à l’atterrissage et endommage le D.520 n°399.

Le cne NAUDY quitte le Groupe et l’A.F.N. ce même jour. Il part commander à Aulnat (Clermont-Ferrand) le GC II/9 qui fait partie des Groupes maintenus dans l'Armée de l'Air de Vichy sur Bloch MB.152, mais cette unité sera dissoute le 28 novembre 1942. Il s’illustrera par la suite dans la résistance, sera nommé lieutenant-colonel en 1944 à l’État-major de l’Air, mais il disparaîtra prématurément le 18 avril 1946 alors qu’il accomplissait un vol en service commandé sur Thunderbolt P‑47. La promotion 1968 de l’École de l’Air porte son nom.

Le 19 septembre 1942, le général ORTHLIEB, contrôleur général de l’aviation, le général BEAUNE, commandant de l’Air en Algérie, une délégation du GC III/6, anciens compagnons de Jean ASSOLLANT participent à Alger à un solennel hommage qui lui est rendu à l’initiative de la L.F.C. (Ligue Française des Combattants). Un compte-rendu dithyrambique en est fait dans l’Écho d’Alger : « M. l'aumônier Houdayer, de l'armée de l'air, officiait et dans son sermon a magnifié les qualités de courage, de sacrifice, de dynamisme de ces hommes qui vont à la mort, tombant face au ciel sous la magnifique poussée d'un idéal patriotique issu du glorieux passé de tous ceux qui ont marqué de leur sang les plus belles pages de notre histoire ».

 

 

Pour la petite histoire, il faut citer la permission que Jules PIESVAUX obtient pour aller se marier à Roubaix le 22 septembre 1942. Rappelons - ce que beaucoup ont du mal à comprendre - que la France de Vichy, armistice oblige, n’était plus en guerre contre l’Allemagne depuis fin juin 1940 et que la « Zone Occupée » par les Allemands qui la contrôlaient, la « Zone Libre », l’A.F.N. et les autres parties de son Empire non ralliées à De Gaulle restaient théoriquement sous sa souveraineté. De ce fait, la traversée de la Méditerranée et l’accès en zone occupée pour un militaire Français lors d’une permission restaient du domaine du possible, du moment que les autorisations avaient été données, que tous ses papiers étaient en règle et qu’il avait pu économiser beaucoup pour payer son voyage ! Mais bien évidemment il ne fallait pas être alsaciens, juifs, etc. ! Ce n’est qu’après le débarquement anglo-américain en A.F.N. du 8 novembre 1942 que la France entière fut occupée, et qu’on parla de Zone Nord et de Zone Sud, tandis que la totalité des colonies françaises se sont retrouvées de facto en guerre. À la même époque, Jules PIESVAUX, comme tous les autres participants, à la campagne du Levant, en reçoit la médaille commémorative.

 

Septembre 1942 – Permission de Jules PIESVAUX, mécanicien à la 5ème Escadrille à Roubaix en « Zone Occupée »

Sa mère et son épouse – Mariage le 22 septembre 1942

Photographies Jules Piesvaux – Droits réservées

Médaille commémorative de la campagne du Levant

 

Jules PIESVAUX peut revenir en Algérie avant le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 et ainsi continuer sa carrière militaire au III/6. Par contre le lt SATGÉ a moins de chance. Avec d’autres camarades du III/6, il vivait en colocation à Aïn-Taya, petit village au bord de la mer, pas très éloigné du terrain d’aviation de Maison-Blanche, dans une maison baptisée « la villa des célibataires ». Dans ce cadre balnéaire, sous le chaud soleil méditerranéen, Henri a fait la connaissance d’une jeune fille qui est tombée folle amoureuse de ce beau pilote en uniforme blanc, et même si sa famille et ses amies ont essayé de lui faire comprendre que « les pilotes, c’est comme les oiseaux, ça se posent à un endroit et ça repart », rien n’y fait ; le 9 septembre 1942, Magdeleine Villalonga épouse le lieutenant d’aviation Henri SATGÉ en l’église d’Aïn-Taya. Ils partent un peu plus tard en France pour leur voyage de noces mais s’y retrouvent ainsi bloqués le 7 novembre, 2 jours avant la date prévue pour leur retour à Alger. Ne pouvant retrouver son affectation au GC III/6, le lt SATGÉ est placé en attente à Montpellier au Groupe de Sécurité Aérienne Publique SAP 3/71 avant d’être affecté à la compagnie de guet 32/71 à un poste sans aucun intérêt. Cette péripétie et le fait que son père militaire avait été président de la « légion » à Meknès sonnera le glas de sa carrière dans l’Armée de l’Air ; dans le cadre de la loi sur le dégagement des cadres il sera rayé des contrôles de l’activité le 1er septembre 1946 et, très affecté par ce limogeage, aura du mal à se stabiliser ensuite dans sa nouvelle vie civile...

Pour l’arrivée de l’Amiral DARLAN à Alger, le 28 octobre 1942, ce sont des patrouilles du III/6 qui assurent l’escorte du cortège de ses voitures entre Maison-Blanche et Alger où il passe les troupes en revue. Le lieutenant LE GLOAN, rendu célèbre par son « quintuple » du 15 juin 1940 au-dessus de Saint-Tropez, puis par ses victoires de 1941 au Levant sur l’aviation anglaise, est le porte-drapeau de le 6ème Escadre aérienne. L’Etat Français du Maréchal a toujours besoin de ses « héros » pour servir sa propagande !

Au 1er novembre 1942 le GC III/6 dispose de 24 Dewoitine D.520, mais 3 sont indisponibles et 1 à réformer. Le capitaine RICHARD retourne à l’État-major du Groupe et laisse le commandement de la 6ème Escadrille au lt Émile THIERRY (1915/2000) qui pendant la campagne de France a obtenu 4 (ou 5 ?) victoires homologuées avec la 1ère Escadrille du GC I/3. Le « pot » d’accueil se fait le 7 novembre au soir ; on perçoit au loin des bruits de canonnade…

Le 2 novembre 1942, Lucie LAGRANGE, la ½ sœur de Julienne BIBERT lui expédie de Chartres comme chaque semaine une « carte ». Celle-ci lui reviendra, on comprend pourquoi plus bas, avec deux tampons : « Retour à l’envoyeur - Acheminement impossible » et « Complément de taxe perçu » ! Pour récupérer un courrier non distribué par la force des évènements, il faut payer ! Imperturbablement et sans nuance, l’administration française fonctionne, quoi qu’il arrive !

 

 

Le 8 novembre 1942 au matin, c’est l’opération « Torch » ; les Anglo-Américains débarquent en A.F.N. Des ordres d’intervention ont été donnés, mais les avions du III/6 à Maison-Blanche, contrairement à ceux d’Oran où des pertes seront à déplorer, restent au sol car un épais brouillard couvre le terrain. C’est ensuite un joyeux bazar et les souvenirs de chacun et les archives ne concordent pas vraiment ; toujours est-il que ce sont ceux qui n’étaient pas d’alerte et qui arrivent à la base pour prendre leur service à pied, à bicyclette ou en voiture, qui annoncent la présence d’Américains pas trop belliqueux à proximité du terrain. La plateforme de Maison-Blanche est rapidement occupée avant 8 heures. Personne n’a osé résister ! Le brouillard se lève vers 9h 30 et les Spitfire britanniques arrivant de Gibraltar viennent s’y poser. Quand le général JUIN commandant la Région d’Alger donne l’ordre du cesser toute résistance, ils sont déjà une bonne centaine !

 

Extrait d’un texte de Christian Jacques EHRENGARDT

publié dans « Aéro-Journal » n°13 en 1975

« Au début, les débarquements dans la zone d'Alger se passèrent très bien, les troupes américaines et anglaises ne rencontrant aucune résistance au Cap Sidi Ferruch, à Cap Matifou et à Castiglione ; en effet les forces françaises stationnées sur la côte avaient reçu de leur chef, le Général Mast, l'ordre de ne pas résister…

… Deux destroyers britanniques transportant des soldats américains essayèrent de pénétrer en force dans le port d'Alger mais, accueillis par un feu nourri qui endommagea l'un d'eux, ils durent se replier ; les éléments qu'ils avaient pu débarquer furent sérieusement pris à partie et, après avoir résisté jusqu'à midi, se rendirent.

Pour sa part, le gros des assaillants progressait sans perdre de temps et atteignait Maison-Blanche vers 06h 00. Sur cette base les D.520 des GC II/3 et III/6, ainsi que les Potez 63.11 de l'Esc. 4 BR étaient prêts à décoller depuis quelque temps déjà, mais en avaient été empêchés par un épais brouillard. Les troupes américaines neutralisèrent immédiatement le personnel et les appareils de l'Aéronavale puis s'emparèrent du reste des installations, obtenant le contrôle total de la base avant 9h 00. Le brouillard sauva Maison-Blanche d'une attaque aérienne, mais par la même occasion permit à la Fleet Air Arm d'éviter une confrontation sans merci, car on peut se demander ce qui serait arrivé si les pilotes aguerris des D.520 étaient « tombés » sur les « Bleus » de l'aviation embarquée anglaise…

… les premiers appareils de la R.A.F. qui décolèrent de Gibraltar furent dix-huit Hurricane 2C du Squadron 43, commandés par le WgCdr. Pedley et le SqnLdr. M. Rook, qui effectuèrent la traversée en une heure et se posèrent à Maison-Blanche à 09h 00. Au moment de l'approche finale, une grosse pièce de D.C.A. ouvrit le feu, mais ce fut le seul acte de résistance. Les chasseurs refirent le plein le plus vite possible et restèrent en alerte pour repousser toute attaque aérienne…

…A 11h00 c'était au tour des Spitfire des Squadrons 81 et 242 de quitter Gibraltar, emmenés par le Gp. Capt. Traill et le WgCdr. P.H. Hugo, et ils arrivèrent à Maison-Blanche vers midi. Le terrain commençait à être plutôt encombré car il s'y trouvait également plus de cinquante D.520 des GC II/3 et III/6, soigneusement alignés, et des soldats français armés empêchaient quiconque de s'en approcher ; aussi jugea-t-on préférable pour le moment de ne pas les déranger... Les pilotes des Spitfire découvrirent qu'il n'y avait que très peu d'essence disponible et il leur fallut pour la plupart passer le reste de la journée au sol. Il n'y avait ni nourriture ni possibilité de couchage, et c'est ainsi que commença pour eux une période de difficultés et d'inconfort.

Le soir toute résistance avait cessé, mais au coucher du soleil quinze Ju 88 allemands attaquèrent la Force « H » et sur le pont d'un porte-avions un Seafire eut l'empennage arraché et deux autres furent endommagés par l'explosion d'une bombe. Plusieurs chasseurs britanniques des Squadrons 43 et 81 décollèrent de Maison-Blanche mais seul le WgCdr. Pedley réussit une interception, déclarant avoir endommagé un Ju 88 avant l'enrayage des canons de son Hurricane. Le Ill./KG 26 reconnut la perte de trois Ju 88, dont l'un certainement abattu par la D.C.A., et de son équipage fait prisonnier. L'unité de reconnaissance 2./(F) 122 signala également la perte d'un Ju 88. Le lendemain le personnel des unités de chasse françaises quitta Maison-Blanche pour Oued-Smar, tandis que celui des GB I/19 et II/61 faisait mouvement de Blida sur Rovigo. »

 

L’Opération « Torch » – L’invasion de l’Afrique du Nord – 8 novembre 1942 (*)

(*) par Michael D. Hull : vétéran de l'armée britannique, historien militaire de grand renom qui largement contribué à la rédaction du guide de la Seconde Guerre mondiale du Centre « 'Eisenhower ».

 

8 novembre 1942 – Opération « Torch » - Quelques images du débarquement des Anglo-Américains en Afrique du Nord

 

   

 

 ALGER : de l’opération « TORCH » au 21 janvier 1943 

 

Autre document exceptionnel : le 11 novembre 1942, Joseph BIBERT écrit sur deux petits feuillets d’un carnet à spirales un message qu’il peut faire sortir de Maison-Blanche où il est consigné pour être transmis à son épouse à Alger qui va les conserver. Leur transcription ci-dessous se passe de tout commentaire :

 

 

Message de Joseph BIBERT à son épouse - 11 novembre 1942 – 14h 00

Ma tant chérie,

En rentrant hier avec ma camionnette je trouve ma bicyclette crevée à l’arrière. C’est le bon Dieu qui me sauve car il y a appel. Chambon, qui est aux arrêts, a vendu ses copains parce que, comme lui, ils rentraient chez eux. On est surveillé très sérieusement. J’ai vu Auguste ce matin (Auguste Kuntzel (*)). Il peut rentrer assez facilement. Je lui donne donc ma musette avec du linge sale et affaires inutiles. J’ai réussi à avoir une combinaison P.N. (Personnel Navigant) donc je te rends les autres. Prépare-lui la musette avec lacet pour souliers noirs + lacets cuir pour gros souliers que j’ai ici, 1 chemisette kaki, la petite trousse couture avec nécessaire, 2 ou 3 petites boîtes de sardines, 1 boîte de lait condensé, dentifrice, chaussettes en laine bleu courtes pour les gros souliers, vieux pieds-nus c’est à dite tes vieilles savates, du papier et quelques enveloppes.

A part ça, du calme, chérie. Je pense quand même venir officiellement te voir. Fais attention aux bombardements. Tu as du sang-froid. Fais coucher Mme Coutou chez toi.

Ici on est bien. Surtout aucune inquiétude pour nous. Certainement les nazis vont venir ce soir pour faire une sérénade. Y a-t-il encore beaucoup de bateaux au large de Fort-de-l’Eau ? Maintenant, si tu veux monter, viens entre 13h 00 et 14h 00, je serais en surveillance sur la route. Mais sois surtout prudente. Si tu ne me trouves pas adresse toi carrément au premier type que tu rencontres, de préférence un sous-off.

Economise l’essence je serais sans doute longtemps avant d’en avoir.

On n’est toujours pas fixé sur notre sort.

Fait tuer un lapin par Mme Majelar et mange correctement pour tenir le choc

Donc, à un ce ces jours ma tendre Chérie. Embrasse bien fort ma « Kiki » (leur fille Marie-Thérèse qui a 14 ½ mois). Je suis à toi et je t’aime.

Adolphe.

Si tu as du pain en rab, ajoute un pain.

Mr. Coutou et Vidal (un sgt mécanicien, au Groupe III/6 depuis Chartres) : bien des choses à leurs épouses.

 

(*) Déjà cité plus haut : pilote alsacien, affecté au III/6 en septembre 1940, mis en congés d’armistice en octobre ; congés annulés en juin 1941 et affecté d’abord au GC I/3 à Blida, il est en poste à la C.I.A n°1 (Compagnie d’Infanterie de l’Air à Maison-Blanche) au moment de « Torch ». Les deux familles resteront très liées jusqu’à la fin de leur vie.

 

Dans les heures qui suivent le débarquement, des dizaines de Spitfire anglais arrivent de Gibraltar et prennent possession de Maison Blanche

 

Après le débarquement, les Algérois peuvent assister au départ des Italiens de la commission d’armistice qui ont été fait prisonniers par les Américains

A partir du 10 novembre 1942, les personnels du III/6 se retrouvent donc « parqués » petit à petit au camp d’Oued-Smar, déjà connu de certains puisque l’échelon roulant y avait été mis en cantonnement à son arrivée à Alger en juillet 1940. Rappelons ce qui est écrit plus haut : « Oued-Smar est un vieux camp militaire situé à moins de deux kilomètres à l’ouest de Maison-Blanche le long de la voie ferrée, avec une gare et quelques bâtiments rudimentaires »

L’adj BIBERT est encore consigné à Maison-Blanche comme d’autres le 11 novembre. En fait, le GC III/6 n’a pas été « déplacé » à Oued-Smar du 10/11/1942 au 16/01/1943 comme écrit dans tous les historiques connus. Ceux qui de plus parlent de « l’aérodrome d’Oued-Smar » n’ont pas bien regardé une carte en recopiant l’erreur d’un autre ! Les D.520 sont bien entendu restés stationnés à Maison-Blanche sous contrôle des forces alliées, et seuls les pilotes privés de vol et de leurs installations ont été passés leurs journées à Oued-Smar, cantonnement de l’échelon roulant, en attendant des jours meilleurs !

C’est là qu’ils apprennent l’invasion de la zone Libre par les forces allemandes et italiennes et le révoltant sabordage de la flotte française à Toulon le 27 novembre.

Une des conséquences immédiates pour tous les résidents d’Afrique du Nord est l’arrêt total des communications avec la métropole qui va priver les familles de tout contact entre elles pendant de très longs mois...

Il n’est donc pas nécessaire de raconter ici ce qui s’est passé au III/6 entre l’arrivée des Anglo-Américains et son installation à Aïn Sefra 10 semaines plus tard. D’une part les archives du Groupe sont quasiment vides d’informations, d’autre part ceux qui ont voulu en donner des détails par la suite ont sans doute voulu démontrer que, dès le lendemain de l’arrivée des Alliés, tout le monde en A.F.N. était de cœur avec eux pour reprendre la lutte contre l’Allemagne. En matière de retournements de veste, ce sera d’ailleurs bien pire 20 mois plus tard pour la libération de la France ! En fait, les choses ont été beaucoup plus compliquées ; les blessures ont été longues à cicatriser, des trop-pleins d’amertume ont dû être évacués, des analyses douloureuses de leurs convictions stratégiques et politiques ont dû être conduites par des officiers qui auraient pu entraîner plus tôt leurs hommes sur le chemin de l’honneur. Certains se sentent encore tenus par le serment de fidélité qu’ils ont fait au Maréchal et vont avoir du mal à trouver leur place dans le contexte politique de l’A.F.N., et l’affrontement féroce qui s’annonce entre les généraux GIRAUD et DE GAULLE ne va rien arranger !

Disons seulement qu’en décembre 1942, faute d’activité, beaucoup de permissions sont délivrées. Le cne SAUTIER (5ème) et le lt SATGÉ (6ème) quittent le Groupe ainsi que 7 sous-officiers. Le lt MARTIN prend le commandement de la 5ème Escadrille.

Cependant le général MENDIGAL (note 1), faisant la tournée des groupes de chasse d'Afrique du Nord, a rapidement laissé entendre aux pilotes que l’Armée de l’Air va reprendre la lutte auprès des Alliés, sur du matériel américain ou anglais ; dans les esprits, l’idée que le Groupe va être transformé bientôt sur des avions modernes commence donc à faire sens. Mais personne ne sait exactement de quoi l’avenir sera fait, et l’inquiétude prend le pas sur la notion de « Libération ».

Pour illustrer ce que fut pour ceux d’un Groupe tel que le III/6 la transition brutale de la « France de Vichy » à la « France d’A.F.N. », placée de facto sous la tutelle des Anglo-Américains, certains témoignages tardifs sont édifiants ; celui qui suit est une retranscription condensée d’un enregistrement du Général de RIVALS MAZÉRES en 1980, alors qu’il était âgé de 74 ans. Comme la plupart de ceux qui ont écrit ou parlé après la guerre, le souci de se présenter comme quelqu’un ayant compris très tôt ce que serait « l’Histoire » et donc sans tache... transparaît dans ce texte comme dans l’ouvrage de son ancien Commandant de Groupe, le Général STEHLIN. Il concerne son retour en février 1943 en tant que Commandant en second du III/6 ; il était alors capitaine (voir plus bas). Rappelons qu’il avait quitté le Groupe 15 mois plus tôt, après la campagne de Syrie, pour exercer un commandement en métropole, alors qu’il était devenu veuf et que deux très jeunes enfants y vivaient loin de leur père...

 

Témoignage du Général Guillaume de RIVALS MAZÈRES enregistré en 1980 (transcription condensée)

... en janvier 1943 j’ai été de nouveau affecté au III/6, qui était alors à Aïn Sefra, commandé par Destaillac. J’ai retrouvé là, perdus au fond du désert, tous mes vieux camarades avec qui j’avais fait la Syrie et qui volaient toujours sur leurs vieux Dewoitine 520.  Ils n’avaient absolument pas changé de mentalité depuis la Syrie.... J’en ai été estomaqué et j’ai été reçu comme un chien comme dans un jeu de quilles… Je ne cite pas de nom parce que ce serait gênant... J’ai commencé par leur dire : « Ecoutez, vous vous foutez le doigt dans l’œil, vous avez une optique absolument fausse ! ». Je crois que la totalité du Groupe était resté… je me rappelle même qu’un sous-officier a dit : « Si c’est comme ça, je préfère aller chez les Pointus ! ». Certains n’était pas du tout d’accord pour aller travailler main dans la main avec les Anglais et étaient restés terriblement remontés contre tout ce qui était anglais !

Pour ma part, j’avais complètement changé ma façon de voir les choses. C’est pour cela d’ailleurs qu’on m’avait affecté au III/6, pour essayer de remettre en place le moral de ce Groupe qui tout de même était assez flageolant à cette époque-là (je l’ai su après !). Au début il y eu pas mal de heurts mais ça a fini par aller mieux. Il y a eu encore quelques accrochages quand nous sommes passés sur matériel américain, mais les tensions étaient moins fortes, car de fait, personne n’en voulait vraiment aux Américains et les choses se sont calmées...

 

Triste Noël finalement en cette fin d’année 1942 ; souper suivi d’une messe de minuit célébrée par le père GLASSON à Oued-Smar dans l’angoisse des bombardements Allemands qui ont déjà détruit plusieurs avions anglais et américains et endommagé par ricochet les hangars.

 

 Fin 1942 à Alger en famille – Julienne et Marie-Thérèse seules à Alger en 1943 : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau photographies fin 1942 à Aler

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Pour 1943, pénurie oblige, le traditionnel calendrier des postes à Alger est réduit à sa plus simple expression

 

Il est vrai que les choses vont assez vite ailleurs avec les Américains, par exemple au Maroc (Casablanca) pour le Groupe II/5 et ses Curtiss H-75 ; c’est l’Escadrille des « Sioux », où des aviateurs américains ont combattu en 1918. On est pressé d’envoyer des pilotes français aguerris en Tunisie pour chasser définitivement les Allemands d’Afrique, ce qui est le seul objectif de l’opération « Torch ». Le commandant ROZANOFF, qui a donné avant leur débarquement des gages aux Américains de sa détermination à se battre avec eux, en a pris le commandement. Le Groupe rebaptisé « La Fayette » est quasiment opérationnel sur des Curtiss P-40 F fin décembre.

Il est déplacé à Alger le 8 janvier 1943 où une importante cérémonie de prise en compte et de bénédiction des appareils est faite au cours d’une prise d’armes, en présence du général BERGERET (note 2). Le III/6 y participe, puisque c’est ... Pierre LE GLOAN ! qui porte le drapeau américain. La magnifique série de photographies officielles de cette cérémonie, dont beaucoup en couleurs, est bien connue ; l’une d’entre elles montre ROZANOFF, LE GLOAN, TREMOLET, DESTAILLAC et MARTIN (GC II/5 et GC III/6).

Note 1 et 2 : Les Généraux MENDIGAL et BERGERET furent écartés plus tard de toutes les responsabilités qui leur avait été confiées après « Torch » par le Général GIRAUD eu égard à leur trop grande « proximité » en 1941 et 1942 avec le régime de Vichy et l’occupant ; ils seront arrêtés et jugés par la Haute Cour de justice.

 

 

 

 

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AÏN SEFRA

16/01/1943 – 19/06/1943

 

 

 

Janvier – Février 1943

Le 14 janvier 1943 est une date décisive pour la nouvelle Armée de l’Air française ; c’est le début de la célèbre conférence « d’Anfa » se tenant dans l’hôtel du même nom à Casablanca, conférence décidée par le président des États-Unis, Franklin Roosevelt, qui se terminera le 23 février. Les généraux français Henri GIRAUD et Charles de GAULLE, simples invités, ne prennent aucune part aux discussions d'ordre militaire. Cependant des décisions importantes sont prises pour le réarmement des Forces Françaises ; en ce qui concerne l’aviation, les USA confirment leur engagement à fournir 500 chasseurs, 300 bombardiers et 500 appareils de transport et les Britanniques à céder un certain nombre d’appareils.

En fait, tout ce processus a déjà été engagé mais les choses vont aller doucement pour le III/6. Les premiers Dewoitine en état quittent Maison-Blanche le 15 janvier et dans la foulée les personnels laissent derrière eux le sinistre camp d’Oued-Smar pour s’installer à Aïn Sefra avec tout le Groupement mixte 26 (voir plus haut). Mais la localisation de cette nouvelle base, loin dans l’Atlas algérien à la frontière marocaine, à 520 km à vol d’oiseau d’Alger et à 1 000 km de la Tunisie peut laisser à penser que les Américains n’ont pas encore une confiance absolue en ce Groupement français qui a participé avec fougue à la Campagne du Levant en 1941 !

Peut-être aussi que les premiers contacts avec les lt LE GLOAN et RIVORY, adj MERTZISEN, s/c FARRIOL et de plusieurs sous-officiers spécialistes invités à un stage de 15 jours en décembre 1942 pour faire connaissance avec le matériel américain sur le terrain de Nouvion (80 km à l’ouest d’Oran) n’ont pas été assez constructifs ! Le temps là-bas a été détestable, la piste détrempée et seul le lt LE GLOAN a pu être lâché et voler une fois sur le magnifique bimoteur monoplace Lockheed P-38 « Lightning », le plus coûteux des appareils américains pour la chasse d’accompagnement à grand rayon d’action, tandis que le lt RIVORY a écrasé le sien au décollage.

L’historique du Groupe dit que la première partie de l’échelon roulant a commencé son déplacement dès le 14, conduite par le lt NICOLAS, officier mécanicien, suivie par la seconde le 15 aux ordres du lt KLEIN, officier des transmissions. Mais les Dewoitine n’arriveront que peu à peu, après les travaux d’entretien nécessaires pour qu’ils redeviennent « Bons de vol », et ce n’est que le 12 mars que le dernier arrivé a permis au Groupe d’avoir sa dotation, enfin presque sa dotation, puisque le n°219 codé « 32 » a été « cassé » par le s/c PIMONT en l’essayant à Alger le 11 mars 1943 avant son départ pour Aïn Sefra.

Joseph BIBERT pour sa part n’aurait fait mouvement que le 27 janvier d’après son livret militaire. Il quitte Alger et son domicile de Fort-de-l’Eau au grand désespoir de son épouse qui se retrouve seule avec sa petite fille. Elle en gardera toute sa vie un sentiment « d’abandon », ayant toujours pensé que son mari, comme pour son stage de montagne en septembre, avait été « volontaire » pour ce départ !

 

Extrait du livret militaire de Joseph BIBERT

Mouvements dans le sud-ouest algérien en 1943 – Aïn Sefra – Port Say - Lapasset

 

Ce léger retard de Joseph est sans doute dû au fait que certains des D.520, immobilisés depuis de longues semaines et dispersés à l’extérieur des hangars, n’étaient pas en très bon état et que des pannes diverses ont retardé quelques départs vers Aïn Sefra. Les mécaniciens ont dû faire beaucoup d’efforts pour les faire décoller peu à peu en toute sécurité pour ce vol d’une heure et demie. Le cne LEGRAND de la 6ème, par exemple, ne se posera à Aïn Sefra que le 18 janvier 1943.

Deux hautes montagnes, le Djebel Mekter (2 020 m.) au sud-ouest et le Djebel Aïssa (2 336 m.) au nord-ouest entourent la belle plateforme un peu pierreuse située à 9 km du village qui sert de terrain d’aviation ; ces reliefs sont néanmoins sans danger pour les pilotes, mais il s’agit de ne pas « rater » le terrain car les environs sont absolument impropres à tout atterrissage en campagne. On verra que cela aura de fâcheuses conséquences. L’ensemble du personnel s’installe dans les imposantes casernes de la Légion étrangère construites à l’extérieur du village. Celui-ci n’offre aucune autre ressource qu’une gare. Un train s’y arrête deux fois par semaine ; c’est la seule distraction…

Il était quasiment impossible de trouver encore des pellicules photographiques en A.F.N., on privilégiait d’abord les évènements familiaux et de ce fait il n’existe que peu d’images du GC III/6 à partir de 1943.

 

  

Aïn Sefra - Les casernes de la Légion étrangère – La gare (cartes postales anciennes)

 

Peut-être l’unique photographie d’un Dewoitine 520 du GC III/6 en vol en 1943 à Aïn Sefra

C’est le n°190 codé « 24 » affecté à la 6ème Escadrille du III/6 à son retour de la campagne du Levant pour remplacer le n°330

Il a perdu fin 1942 son marquage de « Vichy », ce qui permet de dater la photographie avec certitude

Les carnets de l’adj BALMER montrent qu’il vole alors sur le n°210 codé « 25 » - Ce n’est donc pas lui qui tient le manche...

Collection Albert Balmer, via Lionel Brunet – Droits réservés

 

Il faut noter que le Groupe de Chasse GC II/3, stationné à Alger Maison Blanche comme le GC III/6 depuis l’armistice et qui a également participé à la campagne du Levant en 1941, a fait également mouvement sur Aïn Sefra en janvier 1943. Il est commandé par le commandant DARTOIS et ses deux Escadrilles ont pour commandant les capitaines JACQUIN et MENU. Il restera à Aïn Sefra jusqu’au 20 juin 1943 avant d’être envoyé sur le terrain d’Amour el-Aïn. Il deviendra le GC II/3 « Dauphiné » et sera équipé de Hurricane IIC. Il sera le premier Groupe français à recevoir en 1944 des P-47 « Thunderbolt ».

Pour revenir au III/6, le capitaine de RIVALS-MAZÈRES, alors en poste en France, a réussi à s’échapper après l’envahissement de la Zone Libre et peut reprendre son poste à État-major du Groupe début février 1943.

Le 16 janvier le Groupe, pourtant incomplet, est inspecté par le Général BEAUNE, commandant de l’Air Algérie.

Mention dans le Livre de Marche de la 6ème le 22 février : « adj. BIBERT arrive d’Alger en voiture », mais pas de mention précédente d’un départ ; première arrivée, mission, permission ? et le 12 février ; « Le cne LEGRAND quitte » ; pour où ? On ne retrouve pas son nom dans l’organigramme du Groupe du 1er mars.

L’activité aérienne du Groupe a été quasi-nulle en janvier, mois consacré à l’approvisionnement de la base et à des révisions approfondies des machines. Ceci fait et les citernes pouvant être remplies régulièrement, l’essence ne manquant plus en A.F.N., les vols peuvent reprendre à une cadence de plus en plus élevée avec les 18 D.520 disponibles en février ; les pilotes du III/6, un peu rouillés, vont progressivement retrouver un niveau d’entraînement acceptable.

Mars – Avril – Mai 1943

Le 1er mars 1943 l’organisation de tous les Groupes d’A.F.N. est alignée sur celle de l’U.S.A.A.F. avec suppression de l’échelon roulant ; de ce fait les principales tâches administrative et techniques sont transférées à des « Compagnies de l’Air » et à des « Sections de dépannages ». Cela a quelques conséquences pour le III/6.

Dans le « Journal de Marche » de la 6ème Escadrille à la date du 1er mars : « Dissolution du GC 3/6, puis formation nouvelle sous le même numéro : la 6ème passe 2ème  esca. du GC 3/6 ». Bien entendu la 5ème Escadrille devient la 1ère.

On lit aussi à la même date : « l’adj. BIBERT passe à l’E.M. du Groupe. Sont affectés ce jour à l’escadrille… » ; suit la liste de 12 nouveaux sous-officiers.

Nous n’avons pas eu accès au Livre de Marche de la 5ème à cette date, mais il existe un organigramme complet au 1er mars 1943 des 91 officiers, sous-officiers et soldats du GC III/6, document très intéressant car jusque-là n’étaient cités que les pilotes ! Le « petit » personnel a maintenant le droit d’exister ! A noter que cet état indique que le cne RICHARD occupe maintenant la fonction « Renseignements et chiffre » à l’E.M puisque le cne RIVALS MAZÈRES a repris sa place de Commandant en second et que le lt THIERRY est toujours à la tête de la 2ème Escadrille ; mais on peut se demander si « de fait » le cne RICHARD ne commandait pas aussi la 2ème Escadrille puisque, après sa mort le 26 mai, on lit par ailleurs : « Le lt THIERRY prend à la date du 27 mai le commandement de la 2ème Escadrille » !

 

 

ÉTAT-MAJOR

 

1ère ESCADRILLE

2ème ESCADRILLE

Commandant du Groupe

Cdt DESTAILLAC

Commandant de l’Escadrille

Lt MARTIN

Lt THIERRY

Commandant en second

Cne DE RIVALS

Officiers pilotes

Lt SAUVAGE

Lt RIVORY

Renseignements et chiffre

Cne RICHARD

 

Lt LABUSSIÈRE

Lt CAPDEVIOLLE

Service technique

Lt NICOLAS

 

Lt LE GLOAN

 

Service de santé

Cne FAVIER

Sous-officiers pilotes

Adj MONRIBOT

A/c BALMER

Mécaniciens avions

Adj BIBERT

 

Adj MERTZISEN

Adj MACIA

 

Sgt UMBERT

 

S/c SCHENK

Adj LOÏ

 

Sgt DOMENECH

 

S/c HONORAT

S/c GHESQUIÉRE

Section de transmission

Adj STAUB

 

S/c GAUTHIER

S/c PIMONT

 

S/c ROUSSET

 

S/c MEQUET

S/c FARRIOL

 

Sgt TESQUET

 

 

S/c MICHAUX

 

Sgt LEVITTE

Mécaniciens avions

S/c ROUSSET

S/c GODEFROY

 

2èmecl LEROUX

 

S/c VIGUIÉ

S/c ROBERT

Service général

Sgt SAFFROY

 

S/c PIESVAUX

S/c STEPHAN

 

Sgt DEBAT

 

S/c LE MAT

S/c BEAUBOIS

Hommes de troupe

Cpl BARDOT

 

Sgt ROHR

Sgt MEISSONNIER

 

2ème cl GARRIGUES

 

Sgt SICHEZ

Sgt GUILLAUMIN

 

2ème cl RENAULT

 

Sgt DE VANSSAY

Sgt COUTOU

 

2ème cl SERET

 

Sgt COLIN

Sgt MORINEAU

 

2ème cl SANIOL

 

Sgt GOYARD

Sgt BRIÈRE

 

2ème cl MASCARO

 

Sgt LAHAYE

Sgt LÉVÊQUE

 

2ème cl SURJUS

 

Sgt ROSSO

Sgt VIMONTOIS

 

2ème cl LEFRANC

 

Sgt SOCQUET

Sgt ANGELI

 

 

 

Sgt POUJAUD

Cpl ARNAUD

 

 

 

 

Cpl PENNACHI

 

 

Mécaniciens électriciens

Sgt DANET

Sgt BORDAS

 

 

 

Sgt COURTY

 

 

 

Mécaniciens radio

Sgt LENTZ

S/c ALBERT

 

 

 

Sgt BRIGAND

Sgt WELTER

 

 

Mécanicien équipement

Sgt VIOLEAU

Sgt LOMBARD

 

 

Mécaniciens armement

Adj BOEDOZ

A/c ROCHER

 

 

 

S/c GIOVANELLI

S/c POISSON

 

 

 

Sgt BOUDAUD

S/c BLESIUS

 

 

 

Sgt LOUSTEAU

Sgt MASSINI

 

 

 

Sgt ROBERT

Sgt ERNEST

 

 

 

 

Sgt LAGUERRE

 

 

Service général

2èmecl VEGEHAN

2èmecl DALLOZ

Total : 91 dont

23

 

33

35

 

Au cours de ce mois de mars l’activité est forte. Comme dans d’autres Groupes, on commence à parler de la création d’une troisième escadrille et de la nomination du lt LE GLOAN à sa tête ; elle hériterait des traditions « SPA 84 » (tête de renard au monocle) de l’ex GC III/1. Des exercices de combat avec les Douglas DB-7 du 1/19 (SAL29 et SPA 78 à Colomb-Béchar, 200 km au sud-ouest) et les LeO 45 du 1/11 (BR29 et BR123 à Béni-Ounif, 100 km au sud-ouest) sont organisés Chasse contre Bombardement.

 

10 mars 1943 - Colomb Bechar – Trois pilotes et trois mécaniciens de la 2me – D.520 n°243 codé « 29 » (*)

S/c MICHAUX, lt RIVORY et a/c BALMER – S/c BEAUBOIS, sgt MEISSONNIER et sgt COUTOU

On voit que le marquage « Vichy » - capot et dérive rouge et jaune, bande blanche latérale - a disparu

10 pilotes de la deuxième Escadrille du III/6

Debout : PIMONT – MICHAUX – ?? – THIERRY ? - GHESQUIÈRE – RIVORY - ??

Assis : MACIA ?- BALMER – LOÏ ?

Sans doute à la même époque (plus de marquage « Vichy »

Collection Albert Balmer, via Lionel Brunet – Droits réservés

(*) Cet appareil a eu un destin particulier, lire : Le Dewoitine D.520 DC n°243 (Double Commande) du capitaine Gisclon à Tours en 1945

 

  

Deux souvenirs de l’époque conservés par la famille d’Albert BALMER

Sacoche US pour larguer le courrier aux troupes et fiches des silhouettes des appareils, amis ou ennemis, permettant de pouvoir (normalement !) les identifier d’un simple coup d’œil

 

Un incident le 12 mars est à signaler : l’adj LOÏ qui revient à Aïn Sefra sur son D.520 suit la mauvaise voie ferrée… et il se retrouve à Oujda au Maroc, à 250 km au nord-est de Aïn Sefra ! Suite à de nombreux problèmes mécaniques nécessitant quelques allers-retours sur des appareils de liaison son appareil ne pourra être récupéré que 12 jours plus tard !

Ce même jour, le lieutenant BRONDEL qui était parti mi-janvier comme moniteur à l’école de Kasba-Tadla (Maroc) est de retour au III/6, mais il change d’escadrille puisqu’il est affecté à la 2ème et le 23 mars, un nouveau pilote, le lieutenant DURAND, rejoint lui la 1ère Escadrille.

L’annonce du prochain remplacement des Dewoitine D.520 par des Bell P-39 « Airacobra » réjouit initialement les pilotes et entraîne le départ d’un premier détachement de pilotes et de mécaniciens, la deuxième quinzaine de mars, pour des formations dans deux des nombreuses bases américaines qui se sont créées avec une rapidité stupéfiante en A.F.N. depuis le début de l’année : Biskra à 400 km au sud-est d’Alger et Berrechid à 20 km au sud de Casablanca (*). De nouveaux détachements suivent en avril, mais petit à petit l’enthousiasme décroît ; les premières impressions sur ces appareils sont en effet mitigées. Plusieurs pilotes se demandent « si le P‑39 est vraiment un avion de chasse » ! Mais tout va vite ; une équipe de mécaniciens part à Alger le 17 avril pour monter les 30 P-39 qui viennent d’y être débarqués en caisses arrivant directement des U.S.A., mais ce sont encore des appareils de la première génération, type « N », alors que les Américains utilisent des types « M » plus modernes.

(*) Pour éviter des confusions trop fréquentes : Le premier terrain d’aviation civil et militaire de Casablanca, le « Camp Cazes », était situé quasiment au bord de l’océan à 1 km du centre-ville, dans la banlieue d’Anfa. Les Américains l’appelèrent « Anfa Airfield » au moment de la conférence du même nom. « Berrechid Airfield », à 20 km au sud de Casablanca et 7 km au nord de la ville qui lui a donné son nom (Berrechid, Bir-Rachid etc.. et Berrchid de nos jours) est une création américaine de 1943 entièrement nouvelle, qui est devenue le vaste aérodrome « Mohamed V », civil et militaire. Le terrain d’Anfa a été de nos jours entièrement « dévoré » par l’extension urbaine de Casablanca et fait toujours en 2020 l’objet d’un vaste plan coordonné (agence Casa Anfa) d’urbanisation et de création d’espaces verts.

 

A gauche, le « Camp Cazes » appelé « Anfa Airfied » en 1943 et « Berrechid Airdied » créé la même année

A droite, localisation précise de la nouvelle zone urbaine d’Anfa créée par l’espace libéré dans les années 1990 par le démantèlement du terrain d’aviation historique de Casablanca

 

L’adj BIBERT ne semble pas en avoir fait partie de ce détachement à Berrechid. Il n’a pas fait de photographies à Aïn Sefra puisqu’il a laissé son appareil à son épouse ; elle a pu faire ainsi en mars quelques clichés de sa fille âgée de 18 mois, transmis à Joseph par un mécanicien rentrant de mission. Ils sont de mauvaise qualité, à cause d’une vieille bobine périmée, et sont donc impubliables ici, mais ils ont dû cependant faire un grand plaisir à celui qui se lamentait dans ses lettres de ne pas voir sa fille grandir ! Pour compenser, Julienne fit faire d’elle et sa fille un bel agrandissement en studio chez un photographe d’Alger. Des exemplaires furent envoyés en France à la famille, mais seulement au second semestre 1944 quand le courrier recommença à pouvoir traverser la Méditerranée.

Fin avril des pluies diluviennes gonflent l’Oued el Breidj qui traverse l’oasis ; il se transforme en torrent dévastateur de plus de 2 mètres de hauteur par endroit. Le terrain d’aviation n’est pas épargné.

Il peut malgré tout recevoir trois P-39 arrivant d’Alger le premier mai. Ce sont les premiers qui volent aux couleurs de la France et 26 appareils sont déjà pris en compte le 17 mai. Cinq nouveaux pilotes sont affectés ; sgt SIMON (1ère), sgt GIOVANANGELLI (2ème), c/c GAILLARD (2ème) dont la formation est insuffisante et adj PAGES (1ère) et sgt SOUDÉ (1ère) suffisamment confirmés pour voler sur P-39. Un sixième arrivera le 30 mai ; s/c BERTHE (2ème).

 

Ecorché du Bell P-39 « Airacobra » avec son moteur Allison derrière de pilote, son train tricycle et son habitacle à verrière panoramique fermé par une portière type « automobile »

 

Les doutes émis par certains sur l’efficacité des « Airacobra » Type « N » ont été entendus par la hiérarchie qui demande au GC III/6 de lui fournir des informations précises sur son comportement en combat.

C’est pour cela que le 26 mai dans la matinée, le cne RICHARD et le lt LE GLOAN (1ère Escadrille), font un exercice de fictif, P-39 contre D.520. Une première séquence se fait à 5 000 mètres avec RICHARD sur un P-39 et LE GLOAN sur le D.520 n°162. À mi-exercice, ils échangent leur machine. LE GLOAN rentre à 10h 50, on attend RICHARD. On retrouve un peu plus tard le Dewoitine sur le ventre, à quelques encablures du terrain, avec le pilote RICHARD mort dans le cockpit. On peut lire sur les deux pages consacrées à ces pilotes sur (liens ci-dessous) des informations complémentaires et une analyse concernant ce très étrange accident...

La page de Pierre Le Gloan   La page de Léon Richard

Les obsèques du capitaine RICHARD, 4 enfants, « As » aux 7 victoires, toutes sur des appareils britanniques, ont lieu le 28 mai à 9h 00 en présence de Madame RICHARD arrivée d’Alger dans le Goéland du Général BEAUNE, commandant de l’Air Algérie. Les généraux GAMA, LECHÉRES (commandant l’Aviation Française) et RIGNOT (commandant le Groupement 26) se sont également déplacés avec de nombreuses délégations venant de différentes bases aériennes d’A.F.N.

Le lendemain, comme dit plus haut, le lt THIERRY est placé « officiellement » à la tête de la 2ème escadrille.

 

Témoignage du Général Guillaume de RIVALS MAZÈRES enregistré en 1980 (transcription condensée)

...Et puis nous avons touché un avion, l’« Airacobra », qui n’avait pas une tellement mauvaise réputation. Il était destiné à des lissions de » Coastal Command », chose assez mystérieuse. On ne savait pas, Dieu merci, encore trop de quoi il s’agissait ! Enfin, nous nous sommes mis à voler ! Aucun problème de carburant ; nous avons volé tant que nous avons pu !

Le grand jeu étant à l’époque de confronter le dit « Airacobra » avec les derniers Dewoitine 520 qui nous restaient. L’« Airacobra » était-il supérieur au Dewoitine ? bien, non !

L’« Airacobra » était une vraie saloperie ! Le Dewoitine avait quand même du bon !

Un aspect tragique de cette question, c’est que ça a coûté la vie à un de nos meilleurs camarades qui était le capitaine Richard qui a voulu pousser l’expérience trop loin – Richard avait une haine profonde de tout ce qui n’était pas français !  Il voulait absolument prouver que le Dewoitine était supérieur à l’« Airacobra ». Il n’a pas regardé sa jauge et après une journée de recherche (*) nous l’avons trouvé à quelques centaines de mètres du terrain. Il n’avait pas rejoint la piste, il s’était cassé la figure dans les rochers. Un des aspects tristes de cette affaire...

Enfin, l’« Airacobra » avait le mérite d’être neuf et nos avions Dewoitine étaient complètement à bout de souffle ; il n’y avait plus de pièces de rechange et petit à petit ils ont été évacués.

(*) Encore un témoignage tardif à écouter avec prudence ; la version « officielle » a pris le pas dans les mémoires sur la réalité des choses (voir page consacrée à Léon Richard ; d’une part son avion est tombé à la vue de tous à moins d’un km du terrain, ce qui est contradictoire avec « une journée de recherche », et il est peu vraisemblable qu’un pilote chevronné comme lui ait pu se trouver à court de carburant pendant un simple exercice !

 

Juin 1943

A la fin du mois le mai les 30 P-39 prévus comme dotation initiales pour le GC III/6 sont en état de vol à Aïn Sefra et les pilotes peuvent avoir deux séances de formation journalières. Il est décidé de rapprocher le Groupe de la région côtière afin qu’il puisse participer aux opérations de surveillance maritimes auquel il a été destiné. C’est le terrain de Martimprey-du-Kiss à 80 km au sud-est de Mascara au Maroc qui est retenu le 2 mai, mais le cne De RIVALS MAZÈRES qui va y faire un état des lieux le juge impraticable. Le commandement revoit sa copie et fait préparer en catastrophe pour le III/6 le terrain de Berkane (situé sur le territoire du protectorat espagnol du Maroc) à 25 km au sud-est de Port Say (Algérie). Ces approximations décisionnelles dues aux conflits d’attribution qui naissent dans l’Armée de l’Air du fait de la dualité de commandement GIRAUD- DE GAULLE et au manque de coordination invraisemblable entre les États-majors français et U.S., qui va d’ailleurs perdurer longtemps, sapent le moral de ceux du III/6. Ils sont quasiment privés de ravitaillements en vivres, matériels et essence, donc de vols, pendant tout le mois de juin et ce n’est que grâce au système « D » que le Groupe peut assurer à minima »sa subsistance !

 

 

 

 

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PORT-SAY (BERKANE)

19/06/1943 – 03/08/1943

 

 

  

Port-Say, bourgade côtière à la frontière marocaine, maintenant Marsa Ben M’Hidi, où résidaient en 1943 ceux du GC III/6, à 25 km du terrain de Berkane, au Maroc

 

Et c’est toujours grâce au système « D » que le commandant DESTAILLAC peut finalement transférer ses P-39 entre le 18 et le 21 juin à Berkane, mais par précaution politique c’est le nom de la localité algérienne de « Port Say », au bord de la mer, 25 km au nord, qui est porté dans les documents officiel du III/6. C’est là que le personnel résidera ou sera cantonné.

Si la région est un petit paradis par rapport au désert d’Aïn Sefra, rien n’a réellement été fait pour l’accueil à Port Say, un vrai « trou » même comparé à Aïn Sefra ; quelques baraques, une douane, un bureau de poste auxiliaire, quelques gendarmes, un hôtel vide (pour le personnel), quelques baraques (pour les officiers).

Le sergent-chef Albert LE BRAS (1919/2010), futur du Normandie-Niemen, et le sergent Gérard COLCOMB (1920/1964) arrivent au Groupe (on reparlera d’eux plus bas). Par contre, l’a/c BALMER, présent au Groupe depuis la campagne de Levant, part comme moniteur à l’Ecole d’Application du Personnel Navigant de Marrakech.

 

Témoignage du s/c Albert LE BRAS

« ...J'ai demandé à être affecté au Groupe de Chasse III/6 « Roussillon », parce que le Lieutenant Le Gloan venait du village de Plouguernével, en Bretagne, à côté de celui de la famille de mon père (Carhaix) et pourrait me former à la chasse et au tir. C'est ce qu'il fit avec minutie sur Airacobra P-39, sur le terrain de Berkane, en Algérie, près de la frontière marocaine. Le III/6 protégeait les convois alliés au large de l'Afrique du Nord. Je commençais sans délai ces missions comme équipier d'un camarade de chambrée à Istres, Gabriel Mertsizen... »

 

L’épouse de Joseph BIBERT n’a gardé aucune des lettres écrites par Joseph de Aïn Sefra au 1er semestre 1943, sans doute « trop personnelles, ou trop enflammées » ; elle les a malheureusement brûlées dans ses vieux jours… Par contre la série des courriers de Port Say a été sauvegardée et elles nous apportent des éléments intéressants.

Lettre de J.B. du samedi 26 juin : « … Le commandant est actuellement à Alger au mariage de Le Gloan qui a eu lieu hier. Pimont également doit se marier bientôt et Robert (*) est follement amoureux d’une jeune fille d’Oran... »

(*) Lucien ROBERT, mécanicien : il s’est effectivement marié le 15 avril 1944 à Oran avec Jane X. Jane et Lucien sont restés amis toute leur vie avec Julienne et Joseph BIBERT. Nous avons pu recueillir les confidences de Jane ROBERT en 2011 ; les extraits les plus intéressants sont cités plusieurs fois dans cette page.

Effectivement, on peut lire dans l’écho d’Alger que le Lieutenant Pierre LE GLOAN a convolé en justes noces le vendredi 25 juin 1943 à Alger avec Madame Mireille Antoinette Louise FISCHER, divorcée, née IZERN, travaillant pour le cinéma à la commercialisation de films en Afrique.

Cela confirme que contrairement à ce qui a pu être écrit par ailleurs dans des documents officiels ou non, la troisième Escadrille n’a jamais été réellement créée et que le lt Pierre LE GLOAN n’a donc jamais réellement exercé le commandant de cette escadrille embryonnaire, même s’il y a eu nomination le 26 juin 1943. Il est mort 2 ½ mois après son mariage le 11 septembre aux commandes de son P-39 de la 1ère Escadrille du III/6 « Roussillon ».

La « Compagnie de l’Air » et la « Section de Dépannage » attachées au III/6, création de mars 1943 (voir plus haut), semblent donc avoir vécues. On trouve peu de références à elles dans les archives officielles ; elles étaient rattachées à la « Formation de Servitude » (T.O.16, dissoute officiellement le 1er août) mais on ne sait pas exactement comment cette formation était coordonnée avec le Groupe.

Toujours dans cette même lettre de fin juin : « … de toute façon je te verrai avant le grand coup, c.à.d. le baroud, ceci est sûr. D’ailleurs je ne suis pas si sûr que ça qu’on y participe tout de suite….

A cette date, on est à environ un an du débarquement de Provence ; mais manifestement l’expression « le grand coup, c.à.d. le baroud » évoque le moment où le Groupe sera appelé à se battre en France pour en chasser les Allemands. Mais ce qu’écrit Joseph BIBERT peut faire penser que le « petit personnel » estime que le III/6 est loin d’être prêt pour cela !

Il est vrai que rien ne va plus au III/6 ; pas de moyens de transport au sol avant le 8 juillet alors que cantonnement et terrain sont distants de 25 km, pas de transmissions, pas de remorqueurs pour l’entraînement au tir sur manche… et de plus les armes des P-39 n’ont pas pu être réglées faute du matériel approprié, et cerise sur le gâteau, l’instruction des nouveaux pilotes sur P-39 est entièrement à faire.

En dehors de ces informations « militaires » on peut lire dans cette lettre de Joseph BIBERT comment il organise un « voyage » pour son épouse Julienne et sa fille d’Alger à Port Say pour qu’elles puissent venir passer un moment avec lui, après plusieurs mois d’une séparation qu’ils ne supportent plus. Cette « expédition » interdite, préparée en partie en langage codé, mérite d’être racontée pour s’imprégner de ce qu’étaient les difficultés de la vie et l’état d’esprit des « petits sous-officiers » d’aviation d’A.F.N. en 1943. Julienne BIBERT arrivera incognito le mardi 13 juillet à Port Say en visite chez une « tante » fictive pour quelques jours. Elle sera finalement hébergée chez M. et Mme. VALLIER - lui est le douanier du lieu - qui s’attacheront beaucoup à la petite Marie-Thérèse (bientôt 2 ans) Après cette « expédition » les courriers de Joseph retrouvés ne reprennent que seulement un mois plus tard ; télégramme pour l’anniversaire de son épouse le 14 août, puis lettre le jeudi 26 Août… mais comme on le verra plus loin, il aura trouvé entre-temps une occasion de faire un passage à Alger !

 

 Juillet 1943 – L’Expédition de Julienne BIBERT à Port-Say » et septembre 1943 en famille à Alger : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des photographies de "l'Expédition de Julienne BIBERT à Port-Say "en juillet 1943 et permission de Joseph BIBERT à Alger en septembre

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Le 30 juin le lt MARTIN, commandant de la 5ème Escadrille, « Masques sévères » est nommé capitaine.

Après avoir déjà passé le mois d’avril en détachement comme instructeur à l’Escadron d’entraînement de Marrakech, l’a/c BALMER, est revenu au III/6 en mai et juin 1943 où il a pu prendre en main le Bell P-39 « Airacobra » (22h 30 de vol en 21 sorties). Il nous a laissé quelques notes très intéressantes sur le pilotage de cet avion. L’a/c BALMER est définitivement affecté au C.I.C. de Marrakech le 1er juillet 1943, où il gagnera ses galons de sous-lieutenant et commandera l’Escadrille C5. ; né à Marmoutiers dans le, Bas-Rhin le 8 mars 1908, brevet de mécanicien n°4 944 le 1/09/1928, brevet de pilote militaire n°23 860 le 2/09/1932, brevet de commandant d’avion n°137 le 26 avril 1939, 3 citations, 3 222 heures de vol, il est tué le 10 octobre1946 en « Service « Aérien Commandé » après une belle carrière dans l’Armée de l’Air.

 

Mai 1943 – Aïn Sefra – Pilotes et mécaniciens de la 2me Escadrille du III/6 « Roussillon » devant un Bell P-39 « Airacobra »

Sont identifiés : A : PIMONT – : s/c GHESQUIÉRE – F : lt THIERRY – G : lt CAPDEVIOLLE – : s/c MICHAUX – : lt NICOLAS (Mécanicien) ?

: adj LOÏ - M : lt RIVORY – : a/c BALMER – : s/c MACIA

Collection Albert Balmer, via Lionel Brunet – Droits réservés

 

A la mémoire d’Albert BALMER

Poème de Christian MAZO qui avait été son élève en 1936 à Étampes

« Plein tube », l'Hispano chantait à deux, trois milles,

Puis passant sur le dos et vrillant vers le sol,

Il taisait son vacarme et comme l'astre file,

Argenté, descendait en spirales folles.

 

Les "mécanos", debout, les yeux vers le soleil

Regardaient sans parler leur machine si belle.

Le ciel était profond et d'un bleu sans pareil.

Les cocardes là-haut faisaient des étincelles.

 

Je l'ai vu toucher terre et venir avec grâce

Rouler, très lentement, sur le gazon tout vert.

J'ai demandé le nom de cet oiseau de chasse,

Et l'on m'a répondu : « Ce pilote est Balmer ».

 

 

Juillet 1943

Lettre de Joseph du dimanche 2 juillet : « ... il se passe ici beaucoup de changement, mais personne au juste ne sait quoi. Toujours est-il que la troisième escadrille qui devait être formée est de nouveau dissoute et que le Groupe doit être affecté avec une formation américaine et ceci dans les 15 jours On quitte donc définitivement la Compagnie de l’Air et la Section de Dépannage et on sera complètement américanisé. Donc changement de terrain, mais où ? On est en train de percevoir paquetage complet américain et véhicules. Ces derniers doivent être perçu à Oran... »

Nouvelle confirmation que la troisième Escadrille du III/6 n’a jamais existé que sur le papier !

 « ... le pacha lui-même commence à faire des allusions à son départ probable. J’ai appris également que le commandant Dumarcet, celui de Chartres, s’est évadé de France par l’Espagne et est arrivé à Oran... ».

«    ici la routine est prise. Travail de 6h 00 à midi, bain, déjeuner, sieste, re-bain, dîner, petite promenade, rêverie à la plage et coucher. La nourriture à présent est améliorée mais par nos propres moyens, c.à.d. on achète et on fait la cuisine nous-même... ». 

Lettre de Joseph du dimanche 4 juillet : « … toujours pas de lumière et si tu trouves des bougies elles seront les bienvenues… »

Des « jeeps » supplémentaires arrivent enfin (voir lettre du 2 juillet).

Le GC III/6 est donc maintenant « américanisé ». Il comprend deux escadrilles pourvues de 12 appareils, plus celui du commandant du Groupe qui est pris en compte à la 1ère Escadrille, et ses services comprennent :

·         un commandement,

·         une section administrative

·         une section approvisionnement et récupération

·         une section entretien et réparation

·         une section transport, sécurité incendie et éclairage

·        un service de santé

Au sol, le Groupe dispose de 23 voitures dont 14 « Jeeps », 34 remorques et 2 tracteurs sur chenilles.

Lettre de J.B. du mercredi 7 juillet : « … notre popote se transforme, le grand patron s’en va prochainement, son remplaçant dont on ne connaît que le nom nous est inconnu et il vaut mieux… »

A partir de mi-juillet les choses s’améliorent un peu. Les sous-officiers pilotes et mécaniciens sont installés trois par trois assez confortablement sous des tentes « Marabout » américaines montées à proximité du terrain (*). Un local technique américain est monté pour les pilotes avec casiers à parachutes, supports d’inhalateurs et d’écouteurs, portemanteaux circulaires rotatifs pour combinaison de vol et aussi un bar pour leur détente…

(*) mais toujours sans éclairage…

Comme prévu, le commandant DESTAILLAC est remplacé par le commandant VIGUIER, et reçoit l’ordre le 15 juillet du Chef d’État-major de l’Armée de l’Air (par délégation, le Général GÉRARDOT) de faire mouvement sur le terrain de Tafaraoui (20 km au sud-ouest d’Oran) dès que sa préparation sera terminée (1er août espéré).

Le 27 juillet le Groupe perd à nouveau un de ses « As ». En patrouille avec le sgt GIOVANANGELLI, l’adj Toussaint LOÏ, cinq victoires, fait un exercice de tir réel à El Aïoun (30 km sud-ouest de Berkane) dans une zone réservée à ce type d’entraînement. Les deux pilotes se séparent ensuite pour faire quelques acrobaties. Un moment plus tard, l’adj LOÏ part en vrille, saute mais son parachute s’accroche au mât d’antenne et se déchire. L’avion et le pilote tombent séparément au sol à proximité de Martimprey-du-Kiss (25km à l’est de Berkane). Ses obsèques sont célébrées le 29 à Oudjda.

Ce même jour le Groupe reçoit la visite du colonel américain COVINGTON, chef d’État-major des Forces Aériennes de Défense Côtière d’Afrique du Nord (N.A.C.A.F. ; North America Costal Air Command).

 

 

 

 

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LAPASSET - « COASTAL COMMAND »

03/08/1943 – 25/04/1944

 

 

  

Lapasset – Comme toute les bourgades d’A.F.N. : une mairie et une église !

Août 1943

C’est à partir du 1er août 1943 que le Groupe est dorénavant employé en « Coastal Command » et qu’il devient le « Roussillon » (La date de ce baptême est généralement fausse dans la plupart des publications.)

Par contre sa destination est modifiée ; ce sera Lapasset, sur la côte à 25 km au nord-est Mostagadem, où le Groupe d’Artillerie de l’Air 52 sera également affecté.

Les P-39 se posent sur le terrain le 3 août, rejoints par tout le reste du Groupe le lendemain, mais les conditions matérielles ne sont pas encore brillantes pour lui.

Une piste en tôles de fer de 45 x 1 600 mètre a été construite, miracle du gigantisme des moyens U.S. Tout le reste est à faire. Des engins de terrassement « monstrueux » encore inconnus en A.F.N. et une compagnie coloniale s’affairent. Dans les premiers jours le cantonnement est détestable et le ravitaillement en vivres sur le pays impossible ; on vit chichement sur les rations militaires. Avec l’efficacité américaine, les choses vont bien évidemment s’améliorer peu à peu…

Le Groupe est donc rattaché au N.A.C.A.C.F (Vice Marshall anglais Sir HUGH PEW LLOYD), organisation qui dépend elle-même du M.A.C.A.F. » (*) (Mediterranan Allied Coastal Air Force).

(1) Il existe de la même façon :

·         Mediterranean Allied Strategic Air Force (MASAF) : Major General Nathan Twining

·         Mediterranean Allied Tactical Air Force (MATAF) : Major General John K. Cannon.

Ses missions, comme celles des autres Groupes de Chasse français d’A.F.N. sont :

·         Protection de convois navals,

·         Couverture à priori ou sur alerte des points sensibles de la côte,

·         Mission d’Air Sea Rescue » : reconnaissance en mer en vue de rechercher des équipages perdus ou protection des hydravions sauveteurs.

Si d’un point de vue organisationnel (personnel, matériel, effectifs) et disciplinaire il dépend de l’Etat-major Général de l’Air français (relevant du Général BOUSCAT, commandant l’Aviation Française) celui-ci ne fait que retransmettre des ordres de missions reçus du commandement britannique.

La Tunisie est libérée depuis la mi-mai, les Alliés sont en Sicile depuis le 10 juillet (elle sera conquise entièrement le 17 août) et se préparent à débarquer sur la botte de l’Italie en septembre. On craint donc des attaques sur les importants convois de ravitaillement naviguant en Méditerranée par les bombardiers allemands à grand rayon d’action ; non seulement des He 111, Do 217, He 177 mais aussi des quadrimoteurs Focke-Wulf 200 « Condor » capables d’une coordination efficace avec des sous-marins.

Pour les « chasseurs » français, qui ont été formés surtout à la « chasse pure », c’est-à-dire aux combats individuels, la doctrine était finalement de détruire d’abord les chasseurs d’accompagnement des bombardiers réputés mal armés et de s’en prendre à ces derniers ensuite. L’analyse de leurs résultats lors des dernières campagnes de France et du Levant n’avait pas vraiment été faite et leur état d’esprit était globalement toujours le même.

Les longues (plus de 2 heures), monotones et ingrates missions qui leurs sont commandées au-dessus de la Méditerranée, sans même apercevoir un intrus pendant des semaines et sans tirer une seule rafale, finissent par devenir un véritable calvaire pour eux ; d’autant plus qu’elles ne sont pas sans danger. On risque de percuter la mer lors des missions à basse altitude par mauvais temps si l’avion a la moindre défaillance, on rentre souvent à la nuit tombée, on craint l’endormissement et on est harnaché dans un équipement tellement abondant qu’on ressemble à un vrai « bibendum ». On porte un gilet de sauvetage « mae-west », pouvant être gonflé avec une petite bouteille d’air comprimé, de couleur jaune pour être bien visible, mais s’extraire rapidement d’un avion tombé à l’eau ne serait pas chose facile.

Pour l’Histoire, c’est la patrouille double légère cne MARTIN, adj MERTZISEN et lt LE GLOAN et sgt SIMON qui effectue la première mission de « Coastal Command » française sur P-39, le 4 août 1943, entre l’embouchure du Chélif et le cap Ténès.

Rapidement un problème majeur apparaît lorsque les missions sont communes avec les pilotes américains de Warnier (Ouled Fares, 50 km au nord-est d’Oran) et de Tafaraoui (déjà cité). La discipline en vol des pilotes français n’est pas aussi rigoureuse que celle des Américains et ils ont du mal à se plier à leurs procédures de commandement. Les vols sont suspendus, le temps de remettre les pendules à l’heure…

Suite à l’inspection du 13 août du général GIRAUD, Commandant en chef des troupes d’A.F.N., après que sa rivalité politique avec le général De GAULLE ait tourné à l’avantage de ce dernier, accompagné du général CLARK, commandant la Vème Armée américaine en formation, il est demandé au commandement français de relancer l’idée de créer la fameuse 3ème Escadrille. Celui-ci refuse, et un nouveau remaniement des deux escadrilles a lieu. Seul l’organigramme de la 2ème Escadrille est connu ; on constate que l’adj BIBERT n’y figure plus.

Ce même jour la 1ère Escadrille (cne MARTIN), est déplacée à Tafaraoui pour renforcer celles de l’U.S.A.F. fortement sollicitées pour la protection du port d’Oran. Dans la seconde moitié du mois les missions de guerre, aussi bien à Lapasset qu’à Tafaraoui, seront très soutenues. Celles-ci se poursuivant très tard, on procède en catastrophe à un entraînement complémentaire des pilotes aux vols de nuits sur des multiplaces North-American avec l’adj CASANOVA du II/61 comme instructeur.

Le 15 août le Groupe est inspecté par le lieutenant-colonel MURTIN, Inspecteur de la Chasse, qui était le commandant du GC I/5 en 39/40 (1 victoire). Il en profite pour faire un vol sur P‑39 pour se rendre compte par lui-même de ce que vaut cet appareil.

Le 22 août, le général De GAULLE qui inspecte la Division de Lapasset, visite la base aérienne et se fait présenter les pilotes du III/6. On ne dispose malheureusement pas de photographies de cet événement important.

Plusieurs fois, à partir du 23 août, faute de suffisamment d’avions disponibles à Tafaraoui, quelques avions de la 2ème doivent venir épauler ceux de la 1ère.

Le 24 août les avions de la 2ème Escadrille patrouillent pendant 39h 20, record battu ! Ce même jour le lt BRONDEL casse le second Caudron « Simoun » du Groupe. Son premier ayant été accidenté précédemment, il va se trouver sans avion de liaison pendant de longues semaines, d’où des difficultés d’approvisionnement et surtout des délais pour le courrier, ce qui n’enchante pas le personnel…

Le 29 août le lieutenant THIERRY, commandant la 2ème Escadrille, est remplacé par le capitaine Raymond BOILLOT (ex III/2, ne pas confondre avec le s/c Pierre BOILLOT, as aux 7 victoires du GC II/7 en 39/40).

En seulement 20 jours, au cours de ce premier mois où il a repris les missions de guerre avec ses P-39, le III/6 a effectué 318 sorties (493h 15 de vol), malgré de grandes difficultés opérationnelles et d’entretien des avions américains, que le commandant VIGUIER va pointer dans un rapport au vitriol. On ne lui pardonnera pas.

Joseph BIBERT ne devait pas être à Lapasset lors de la visite du Général De GAULLE, car ses courriers laissent à penser qu’il a effectué une mission de liaison par la route à Alger vers le 20 août et qu’il a pu ainsi passer quelques bons moments avec son épouse et sa fille… et qu’il espère en faire rapidement une seconde ! De retour à Lapasset, il voit passer au large des « convois formidables », ceux qui préparent le débarquement en Italie continentale. Le sait-il ?

Les informations de ces courriers, pour « l’Histoire » sont finalement aussi intéressantes que les archives militaires, et certainement plus authentiques !

Lettre de Joseph du jeudi 26 août : « … à mon retour ici, encore du changement. Je ne suis plus au technique, cette place étant complètement supprimé. Pour le moment je suis chômeur. Sans doute on me trouvera une place quelconque à l’atelier, c.à.d. à la section de dépannage. Mon voyage sans incident particulier, je suis passé par Ténès (route de la côte) pour changer de route. Il était temps d’arriver, le camion a besoin d’une bonne vérification, tous les boulons du châssis et surtout de la direction desserrée. J’ai rendu compte de ma mission et du matériel qui restait à prendre… je compte toujours comme la comptabilité n’est pas liquidée d’y être convoyé… je reste imprégné de ta présence, il était si doux et si bon de te revoir dans notre maison…

… pour le moment d’ailleurs je ne vois aucun changement pour le Groupe mais pourtant je crois qu’on ne moisira pas ici. Il passe en ce moment des convois formidables vers l’est et nos pilotes sont en l’air du matin au soir pour la protection…

… je te fais envoyer par Bequet le sac avec diverses affaires… du savon… on a touché également un lot d’articles américains, je te mets ce qui ne sert pas… il t’emmène aussi deux bidons d’essence, tu en videras un, l’autre tu le garderas. Pour ouvrir tu tapes avec un marteau sur le bouchon et après ça se dévisse tout seul…

… la nourriture n’est encore guère améliorée mais on nous promet du mieux » »

Lettre de J.B d’un dimanche d’août, sans doute le 29 (d’après le papier à lettre utilisé et l’information sur une messe dite en la mémoire de LOÏ – sans doute un mois après son décès) :

… sous la guitoune…seul…un en mission… l’autre jamais là…

… bonne nouvelle, les perms sont rétablies. 8 jours tous les 4 mois. Ça commencera début septembre…

… je n’ai toujours aucune affectation précise. Je m’occupe principalement de réorganiser l’atelier et il y a beaucoup à faire. C’est un travail ingrat mais une fois entraîné ça ira mieux…

… j’ai appris qu’il y avait eu un bombardement à Alger ces jours-ci. Comment ça s’est passé à Fort-de-l’Eau ?

 

Les photographies des Bell P-39 « Airacobra » français sont très rares

Les profils qui en ont été faits pour le GC III/6 restent hypothétiques et peuvent concerner une époque postérieure à l’A.F.N.

En tout cas aucun ne peut correspondre à celui de l’appareil avec lequel le Lieutenant Pierre LE GLOAN s’est tué le 11 septembre 1943 puisqu’il portait le n°429.421

 

Septembre 1943

Les choses ne s’arrangent pas aussi bien à Tafaraoui qu’à Lapasset où les pannes sur les moteurs Allison se multiplient. Moins de 6 appareils sur 10 sont en état de vol malgré un travail harassant des mécaniciens pour y faire face. De nombreux moteurs sont en révision des 25 heures ou des 100 heures mais la pénurie de pièces de rechange ne permet pas de les remonter rapidement.

L’intendance militaire française n’est pas capable d’assurer un ravitaillement en vivres suffisant, l’état de santé des personnels est lamentable.

La 1ère Escadrille, relevée officiellement à Tafaraoui par le GC I/5 le 3 septembre, jour du débarquement des Alliés en Calabre, doit finalement rester sur place plus d’une semaine, sans doute avec des éléments de la 2ème (*) pour former et épauler les nouveaux arrivés qui viennent juste de toucher leur P-39.

(*) Bizarrement, dans la lettre de remerciement du colonel ISRAEL, commandant du secteur américain, que recevra le commandant du III/6 à la fin du détachement, c’est « l’escadrille » (sans précision) et le cne BOILLOT, seulement présent au Groupe depuis le début du mois, qui est citée ; peut-être que le cne MARTIN, commandant de la 1ère Escadrille n’était pas présent à Tafaraoui

Le 10 septembre à Lapasset, gros pataquès à la 2ème Escadrille. Les lt RIVORY et BRONDEL, l’adj MACIA et le s/c MICHAUX vont atterrir en retour d’une mission d’entraînement, alors que le terrain commence à s’embrumer. L’adj MACIA brise son P-39 qui reste immobilisé au milieu de la piste où convergent camions, tracteurs et ambulance ; grosse frayeur pour les trois autres pilotes qui ne peuvent plus attendre pour se poser, réservoirs presque vides, malgré l’encombrement du terrain.

Ce même jour, Joseph, pour sa part, semble être parvenu à ses fins pour partir en mission ou obtenir une permission. En tout cas il télégraphie à son épouse « vers toi prochainement, tout va bien ».

 11 septembre 1943 – La Mort du lieutenant LE GLOAN 

Drame le lendemain ; la disparition du lt LE GLOAN a été mainte fois racontée. Ce qui a été écrit dans le livre de marche de la première Escadrille « Masque sévère » est repris ci-dessous :

« Le lieutenant LE GLOAN décolle dans la matinée, vers 7h 30 pour exécuter une mission de protection en mer avec un équipier, le sgt COLCOMB. À peine la patrouille légère a-t-elle franchi la côte que le sgt COLCOMB voit le moteur de son chef dégager une fumée noire ; il l’avertit également par radio. Le lieutenant LE GLOAN fait demi-tour pour rentrer au terrain. Arrivée aux environs de Ouilllis, entre Mostaganem et Lapasset, son moteur tombe sans doute en panne brutale ; il va être contraint d’atterrir dans une région très accidentée, mais il paraît sûr de lui. Par radio ; il prévient son équipier qu’il va se poser « sur le ventre ». Aucun des deux pilotes se songe au danger que fait courir, pour un pareil atterrissage, la présence du « belly-tank » (réservoir supplémentaire) qui n’a pas été largué. Au moment où l’avion touche le sol, le réservoir explose. L’appareil rebondit parmi les petits arbres et prend feu ; LE GLOAN est carbonisé ».

Rapport officiel de l’accident de Pierre Le GLOAN

Ce 11 septembre, ce n’est pas moins de six moteurs qui grillent au GC III/6 ! Les P-39 sont équipés d’un filtre anti-sable prévu pour les zones désertiques, mais les pilotes français ont estimé que la réduction de la vitesse de 50 km/h qui en résulte était trop importante et ils ne l’utilisent pas. Est-ce la seule cause des pannes à répétition de ces moteurs ? Sans doute que non, mais malheureusement certains ne voudront pas voir plus loin que le bout de leur nez, comme on le verra plus loin.

Les obsèques de l’As français aux 18 victoires homologuées, rendu célèbre par son « quintuple » du 15 juin 1940, sont célébrées le 13 septembre en l’église Saint-Charles de l’Agha de Mostaganem en présence de nombreuses autorités militaires et civiles. Inhumé à Mostagadem, la dépouille de l’As français sera rapatriée en Bretagne en 1950 à la demande de la famille pour être placée dans le caveau familial de Plouguernével, mais les autorités civiles et militaires se feront discrètes lors de la cérémonie du 7 septembre 1950, car à cette date en 1950 en France, la déchirure était immense entre ceux qui n’avaient pas combattu pour la même France entre Mers el-Kébir et l’opération « Torch » et perdurera encore longtemps. D’ailleurs la famille de Pierre LE GLOAN, dont ses neveux encore en vie en 2020, pense toujours que « l’accident » du pilote a arrangé bien du monde en 1943 et que peut-être...

Voir la page consacrée à Pierre Le GLOAN et ses nombreuses annexes sur ce site

 

Bien que ces deux photographies proviennent de deux collections différentes d’anciens du GC III/6, rien ne prouve qu’elles représentent des Bell P-39 « Airacobra » de ce Groupe

 

Après le décès de LE GLOAN l’organigramme modifié des deux escadrilles est le suivant pour les pilotes à la date du 14 septembre 1943 :

 

1ÈRE ESCADRILLE

Masques sévères

2ÈME ESCADRILLE

Masques rieurs

Cne MARTIN

Cne BOILLOT

Lt SAUVAGE (*)

Lt GOUJON (adjoint)

Lt LABUSSIÈRE

Lt RIVORY

Adj MERTZISEN

Lt BRONDEL

Adj MONRIBOT

Lt GATARD

Adj HONORAT

Adj MACIA

S/c ROUSSET

Adj SCHENK

S/c LE BRAS

S/c FARRIOL

S/C SIMON

S/c GHESQUIÈRE

Sgt DANET

S/c PIMONT

Sgt SOUDÉ

S/c KNITTEL

 

Sgt GIOVANANGELI

 

Sgt LEDUC

 

(*) Non cité dans le tableau « officiel » qui ne cite pas « d’adjoint », mais le lt SAUVAGE semble remplacer le cne MARTIN lors de sa permission prise entre le 17 et le 28 septembre (voir courriers de J.B)

Des mouvements importants également chez les mécaniciens. L’adj Joseph BIBERT, plus ou moins sans affectation depuis près d’un mois, retrouve enfin ses fonctions de « chef de hangar » qu’il avait exercées à la fin de la campagne de France et en. A.F.N. jusqu’à son affectation transitoire au S.C.L.A. de fin août 1940.

Il peut écrire à son épouse le 15 et lui annoncer une bonne et une mauvaise nouvelle !

§  La mauvaise : « …encore grand changement, ce qui m’enlève mon tour de perm. J’ai le cœur gros, je suis en rage… je pense partir au tour suivant… ».

§  La bonne : « … je suis affecté depuis hier midi comme chef de hangar à la 1ère Escadrille avec le cne Martin – Ce n’est pas une sinécure et je ne rigole pas pour le moment. Après période de veine succède une période de déveine (Borreye est à la 2ème avec Goujon qui succède à Le Gloan) ».

Le 17 septembre 1943, une semaine tout juste après l’accident de Pierre LE GLOAN, c’est exactement le même scénario pour un ses équipiers, le jeune sgt LEDUC, qui avec un moteur récalcitrant tente de rentrer guidé par son chef de patrouille, le lt RIVORY. Il largue bien son « belly-tank » en vue du terrain, sort son train, mais l’avion touche le sol 100 mètres avant la piste et explose contre une butte de terre.

Le sergent LEDUC meurt carbonisé.

On décide enfin de se préoccuper sérieusement du problème des moteurs Allison. Les vols sont suspendus. Le lieutenant américain WHITE de la section de défense côtière n°2689 arrive à Lapasset pour enquêter avec autorité sur les autorisations de vol.

Lettre de Joseph du vendredi 17 septembre : « …tous ces changements d’un seul coup me jettent en pleine acticité, et de l’activité il y en a ; je pense sous peu de temps avoir repris ma forme c.à.d. avoir dans mes nouvelles fonctions la même position que dans mes anciennes (lorsqu’il était Chef de Hangar de la 6ème avant son passage au S.C.L.A. en 1940) … Le cne Martin (son nouveau commandant d’escadrille) est parti en permission ce matin et j’ai affaire en ce moment au lt Sauvage qui est très gentil ce qui me permet de prendre contact plus facilement avec mes anciennes nouvelles fonctions… certainement ce ne sera pas rose tous les jours avec le cne Martin (« l’ours »). Une fois bien au courant je tâcherai de tâter le terrain pour la permission…

Dimanche 15h 00 : …vendredi, je ne te l’ai pas dit un jeune pilote s’est encore tué sur Airacobra – Même cause et panne analogue, donc grand émoi au Groupe et surtout enquête et contre-enquête. Je ne crois pas que tu le connaisses, il s’appelle Leduc, jeune père de famille depuis 15 jours, il habitait Oran. Il a été enterré hier à Lapasset…. Ici aussi il fait mauvais temps. Il fallait voir nos tentes ! Beaucoup de types ont pris des bains forcés et se sont trouvés sans abris… Je crois que Méquet doit partir incessamment se marier, je vais le chercher pour lui confier cette lettre… »

Lettre de Joseph du lundi 20 septembre : « … pour le moment, interdiction de vol par suite des accidents consécutifs à plusieurs pannes, enquêtes etc… cela me laisse le temps d’organiser mon nouveau travail…

… pour notre bien ici toujours aucun changement, on mange toujours aussi bien !!! et le commandant à l’air d’être une vraie lavette et perds surtout très vite la tête (Joseph parle du cdt Viguier)… il faut que j’attende le retour de Rousset pour partir en perm, ce qui porte mon départ à environ 15 jours, c.à.d. vers le 5 du mois prochain… »

C’est d’abord la qualité de l’huile qui est incriminée puis finalement on en revient à la seule accumulation de sable dans les moteurs Allison, sans vouloir remettre en cause leur fiabilité, ce qui permet un peu facilement de cibler le travail des mécaniciens français et tend énormément leurs rapports avec leurs collègues américains. Ceux-ci n’acceptent aucun reproche sur le niveau des vérifications faites avant la livraison des avions.

Le moral est vraiment en berne, surtout chez les mécaniciens, mais aussi chez les pilotes qui ne volent pas. On multiplie les permissions de détentes et les entraînements au vol de nuit pour compenser.

On décide finalement de remplacer tous les moteurs anciens par des moteurs neufs et de renforcer l’entretien préventif et les procédures de contrôle et le 23 septembre le commandement autorise la reprise des vols.

Ce jour-là, un nouveau pilote est affecté à la 1ère Escadrille ; le lieutenant Louis DE PINSUM, dit « Mérovée », « un viking imperturbable et nonchalant qui avait compris que la forme supérieure de l'intelligence était le silence, même quand il aurait dû parler » dira de lui un de ses camarades…

Lettre de Joseph du samedi 25 septembre : « …j’apprends à l’instant que Monribot doit partir vers Fort-de-l’Eau…. Je suis littéralement débordé par le travail… je me trouve en bonne condition, nourriture nettement améliorée et ça contribue beaucoup. Les vols ont repris et j’ai encore quelques jours de calme avant la rentrée du « Cador »… »

Mais dès le 27 septembre le s/c COLCOMB qui volait avec LE GLOAN le 11 le jour de sa mort a des ennuis de moteur. Echaudé par les tragiques accidents récents, il abandonne son avion et saute en mer au-dessus d’un convoi navigant vers l’est qu’il survolait. Recueilli, il est débarqué à Gibraltar et peut revenir à Lapasset le 1er octobre.

Lettre de Joseph du dimanche 26 septembre : « …j’étais à la messe de bonne heure comme tous les dimanches… ici rien de particulier, travail aérien au ralenti, par contre on ne fait que déménager d’un coin à l’autre. Ça manque maintenant d’organisation et les décisions prises par le Commandant du Groupe sont lamentables. La nourriture continue à s’améliorer et je récupère peu à peu. Le « Cador » (cne Martin) est rentré ce matin mais je n’ai pas eu affaire à lui. Fini la tranquillité. J’ai lu sur le Journal Officiel que Iltis est muté au Parc de Blida…

…j’ai eu vent qu’on demande l’ancien comptable du GC 3/6 à Blida pour liquidation et peut-être aurait-on recours à moi à ce moment (sans doute un espoir de venir en mission à Alger ?)

… pour les perms, il y a du nouveau : elles sont portées à 15 jours par an contre 24 jours actuellement, ceci à partir du 1er octobre ! Je suis donc encore une fois dans la mauvaise passe, par contre on dit qu’on peut prendre les 15 jours d’un seul coup, vu qu’on ne sait pas du tout ce qui nous est réservé pour l’année prochaine…

…mon travail s’organise et ma troupe de mécaniciens commence à prendre le bon pli. J’ai à présent ainsi que Borreye une Jeep, chacun la sienne, le lt Sauvage (le patron actuel) est très bon pour moi et me promets de me soutenir ; Il constate beaucoup de changements et compte que le « Cador » pourrait être content… »

Autre accident le 29 septembre : en nettoyant son revolver (*) le cne MARTIN, le « Cador » dont parle J.B. se tire une balle dans le pied et doit être hospitalisé à Mostaganem. Le lt LABUSSIÈRE en permission est rappelé d’urgence pour assurer l’intérim à la tête de la 1ère Escadrille (**)...

(*) Information J.B. la version officielle « censure » ce détail !

(**) Pas d’explication : Joseph BIBERT dit clairement dans ses courriers qu’avant le retour du cne Martin, c’était le lt SAUVAGE qui remplissait cette fonction : il est peut-être parti en permission…

Lettre de Joseph du mercredi 29 septembre : « …J’ai reçu hier soir ta longue lettre par Roussel ainsi que le petit colis. Les beignets Chérie sont excellents, et je n’en offre à personne, d’ailleurs la boîte en a pris un vieux coup. Je te félicite surtout pour la quantité…

…les pages de tes lettres sont des images vivantes… je les lis, et les relis, à travers s’expriment tes sentiments, ta joie, souvent tes tristesses, et me permettent de voir grandir « kiki »de jour en jour…

…le « Cador est rentré hier matin mais ce matin un malheureux hasard, en nettoyant son pistolet, il s’est tiré une balle dans son pied, donc nous en voilà débarrassés encore pour quelques temps… »

Octobre à décembre 1943

La ration « américaine » que tout le monde appréciait est remplacée par une « ration française » insipide… et la prime d’alimentation américaine par une prime française largement inférieure… Parfait pour le moral des troupes !!!

Le 5 octobre 1943 Joseph BIBERT rédige un télégramme pour son épouse à Alger. Les « transmissions » sont difficiles et elle ne le reçoit que deux jours plus tard, deux jours après leur 4ème anniversaire de mariage qui eut lieu à la fin du premier mois de la guerre, le 5 octobre 1939, lors d’une permission de 24 heures de son « promis » alors sur le terrain de campagne de Bouillancy…

Bien sûr, une fois installée en A.F.N. en septembre 1940, le jeune couple a pu avoir une vie presque « normale » jusqu’au début de 1943. Mais il ne faut pas minimiser leur déracinement et les difficultés de ravitaillement et de communication avec leurs familles en France occupée (*). Il faut comprendre que lorsqu’ils se retrouveront en métropole en mars 1945, ils compteront plus de 3 années de séparation. Et il y aura eu beaucoup plus malheureux et moins chanceux qu’eux !

(*) A titre d’exemple, voir le message « Croix-Rouge » de son frère Georges CHEDEVILLE, expédié de Chartres le 8 avril 1943 : au recto « anxieux, sans nouvelles de vous trois… », au dos, 6 mois plus tard, le 30 octobre Julienne répond : « Sans inquiétude pour nous trois. Dolph venu en octobre… ». Et si ce message a eu la chance de revenir à son émetteur, nous n’en connaissons pas la date... Seul échange de toute l’année 1943 !

Mais ce jour-là il y a des raisons de penser à autre chose au GC III/6 : en effet, la veille (le 4 octobre), à la nuit tombante six P-39 de la 1ère Escadrille, lt SAUVAGE, LABUSSIÈRE et DE PINSUM, adj MERTZISEN, s/c LE BRAS et sgt COLCOMB sont en l’air au-dessus d’un important convoi à la verticale du cap Ténès lorsque qu’un peloton d’une vingtaine de He 111 et Do 217 débouche dans la pénombre et se prépare à attaquer les navires alliés.

L’adj MERTZISEN et le s/c LE BRAS abattent chacun un Do 217. Le lt SAUVAGE et sgt COLCOMB abattent un He 111 et en endommage un second, peut-être abattu d’ailleurs. Des pilotes de la 2ème Escadrille envoyés en renfort, dont l’adj MACIA et le sgt KNITTEL arrivent trop tard pour engager les bombardiers-torpilleurs allemands. Mais le retour à Lapasset ne se passe pas au mieux pour tous les pilotes ; l’adj MERTZISEN dit « zizi » sur son P-39 n°435 est touché par l’avant alors qu’il s’en prenait à son deuxième Heinkel (victoire probable), tente de revenir au terrain, doit finalement se résoudre à sauter en parachute et touche terre à 15 km du terrain. On s’inquiète pour lui, surtout le sgt ROHR son mécanicien (nommé sergent-chef le 1er décembre), mais il arrive finalement 1 heure plus tard… sur un cheval qu’il a pu trouver on se sait comment !

Dans la nuit noire pendant ce temps, les atterrissages sont délicats : le s/c LE BRAS sort légèrement en bout de piste et on envoie un tracteur qui malheureusement traverse celle-ci au moment où le sgt COLCOMB se pose ; le choc est terrible. Le lt RIGAUD peut extraire COLCOMB de son avion en flammes, mais malheureusement le soldat SANTON qui conduisait le tracteur est tué. Lors du transport du sgt COLCOMB, qui a une fracture ouverte de la jambe, à l’hôpital de Mostaganem en ambulance, celle-ci tombe dans un ravin et son chauffeur est blessé.

Les trois victoires homologuées et la remise de « l’Air Medal » à l’adj MERTZISEN et au s/c LE BRAS par le colonel COVINGTON (le 9) ne contribuent pas à remonter le moral assez médiocre de ceux du III/6 que quelques jours.

 

Témoignage du s/c Albert LE BRAS

« Nous avons été stationnés à Lapasset au sud du cap Ténès Notre terrain situé au milieu des champs de vignes n'avait qu'un axe de décollage et d'atterrissage, constitué de plaques métalliques convenablement aplanies En septembre 1943, le Gloan se tua dans un atterrissage forcé en campagne par une panne de moteur.

Le 4 octobre 1943, nous avons décollé à la fin du jour sur une formation ennemie de bombardiers qui allaient attaquer un convoi. Nos contrôleurs aériens qui nous guidaient parlaient anglais ; je servis d'interprète. Dès le contact à vue, Mertsizen nous avait fait larguer nos réservoirs supplémentaires : il attaqua et mit son objectif en feu, mais il fût sévèrement touché et dût se réfugier sur la côte et sauter en parachute. J'attaquais l'avion suivant, en évitant de me trouver dans la concentration des feux de l'ennemi, et je le mis en feu avant qu'il puisse attaquer le convoi qui était sous ses ailes. La nuit était tombée très rapidement et la D.C.A. du convoi tirait sans arrêt ; j'ai essayé de tirer un autre bombardier avant qu'il ne lance la fusée destinée à un navire du convoi, mais je le perdis de vue et dus rentrer. Le terrain était très bien balisé, j'en fis le tour avant un atterrissage très facile (*). J'apportais au III/6 sa première victoire (*), une autre patrouille, celle de Jean Sauvage avait abattu deux autres bombardiers. J'ai retrouvé Gabriel Mertsizen et Jean Sauvage au Régiment de Chasse Normandie. »

(*) Une fois de plus, il faut lire les témoignages des « Anciens » avec une certaine distance. Si Albert LE BRAS parle d’un atterrissage « très facile », c’est sans doute parce qu’il a voulu gommer de sa mémoire, suite à son atterrissage un peu long, ce qui est arrivé au sgt COLCOMB ; quand il compte les victoires, il confond un peu vite « abattu » avec « endommagé »... et quand il s’attribue la « première victoire » du Groupe, il aurait dû dire « NOUS apportons au Groupe SES premières victoires depuis qu’il a été reformé le 1er août 1943 sous le nom de « Roussillon »...

 

A gauche, Albert LE BRAS devant son P-39 « Airacobra » de la 1ère Escadrille du GC III/6 « Roussillon » en 1943

A droite un P-39 de la 2ème escadrille du GC III/6... mais à l’école de Meknès au second semestre 1944, appareil reversé et non repeint (*)

Collection Robert BIANCOTTI via son fils Mario que nous remercions

 

(*) Le P-39 n'était pas l’avion d'arme de Robert BIANCOTTI vu qu'il était électricien à l'escadrille Spitfire du Centre de Perfectionnement de Chasse de Meknès, appelé de façon non officielle « Training ». Le Training était composé de trois escadrilles, les Spitfire qui arrivèrent les premiers, suivis par les P-47 et enfin les P-39. À son arrivée à Meknès fin mars 1944, il n'y avait que les « Spit » qui étaient opérationnels sous les ordres du capitaine René RUBIN, un ancien des groupes II/4 et II/5. Mais comme il y avait une pénurie de spécialistes sur la base il lui arrivait assez souvent de tourner sur les différentes escadrilles de l'école, surtout celles du Training car je crois que chaque escadrille devait en théorie avoir au moins un électricien mais ils ne furent jamais plus de deux pour une soixantaine d'avions environ. Les premiers P‑39 de l'école furent directement prélevés sur les escadrilles des groupes opérationnels lorsqu'ils partaient en grande visite, notamment à Oran où se trouvaient un bon nombre d’appareils stockés par les américains. À leur arrivée à Meknès, ils conservaient en général les insignes de leur ancienne affectation d'où leurs présences sur les photographies faites par mon père car il n'a jamais appartenu à ces unités... (Mario BIANCOTTI - 03/2020)

 

Cependant, après ces victoires, les « incidents » continuent pour « Roussillon » :

7 octobre 1943 : le moteur du s/c KNITTEL se met à vibrer d’une manière anormale. Il peut cependant rentrer,

11 octobre 1943 : pannes de moteur pour l’appareil du lt RIVORY au moment d’un décollage qui se met en perte de vitesse, et de celui du s/c GHESQUIÈRE, dit « Achille », heureusement déjà un peu plus haut ; grâce à l’habileté et à la chance des deux pilotes, les deux appareils se posent en catastrophe et ne sont que légèrement endommagés.

Nouvelle interdiction de vols ! Il faut accélérer le remplacement des moteurs. Il ne reste que 3 appareils en état !

La crise de confiance des pilotes envers leurs avions, amplifiée par le peu d’estime que le cdt VIGUIER a suscité depuis sa prise de commandement, « l’accident » du cne Martin (*) surnommé « l’Ours » et une alimentation insuffisante, engendre maintenant, d’une manière peu rationnelle, des relations conflictuelles avec les mécaniciens.

(*) Le capitaine Robert MARTIN, alors commandant en second du Groupe GC I/3 « Corse », se tuera 10 mois plus tard le 27 juillet 1944 aux commandes de son Spitfire au large d’Ajaccio (vol de nuit). La promotion 1962 de l’École de l’Air porte son nom.

C’est justement le moment où l’État-major recherche des volontaires pour partir en Russie où s’illustre le Groupe de chasse « Normandie », rebaptisé « Normandie-Niemen ». Les archives « officielles » (date ?) disent que huit pilotes se sont portés volontaires mais des témoignages recoupés disent « quasiment tous les pilotes », mais seulement dans l’espoir de quitter le Groupe vu la mauvaise ambiance qui y régnait...et que c’est pour cela qu’il a fallu tirer au sort… Censure ou légende ?, peu importe, ce sont seulement les lt SAUVAGE et les s/c MERTZISEN et LE BRAS qui partiront le 27 octobre et s’illustreront bientôt en Russie aux commandes de leurs Yakovlev, les fameux « Yak ».

Et quand tout va mal, il faut des fusibles ; les Américains les désignent à l’État-major français qui s’exécute. Ce seront d’abord le commandant du Groupe (17 octobre) et son adjoint, puis quelques lampistes, et finalement l’officier mécanicien (9 novembre), grossière habileté qui dédouane en partie le P‑39. Si personne ne regrette le départ du Commandant, la mutation d’office de l’officier mécanicien, le lt NICOLAS à l’Inspection Technique, est considéré comme injuste ; c’était le seul qui avait essayé de tenir tête aux américains, s’étant aperçu le premier des lacunes du P-39. Présent au Groupe depuis l’automne 1940, il lui avait rendu les plus éminents services pendant la campagne du Levant, avec un engagement personnel de tous les instants. Il n’avait eu de cesse depuis le printemps 1943 de faire le maximum avec des moyens insuffisants pour faire voler les délicates machines américaines, mais étant très exigeant et peu enclin aux compromis, il n’avait pas que des amis.

Un mois plus tard, on demande au commandant STEHLIN, qui après son passage à l’État-major de l’Amiral DARLAN à Vichy et un retour opérationnel comme commandant en second du GC II/5, se trouve alors à l’État-major de l’Aviation d’A.F.N. de « faire le point sur la situation du Groupe de Chasse III/6 ». Il passe pour cela une seule journée à Lapasset, le 17 octobre ! Comme à son habitude déjà évoquée ici, l’ancien Commandant du III/6 dans son rapport du 19 novembre 1943 « n°49 EMGA » ne fera pas dans la dentelle : « … le lieutenant NICOLAS est responsable dans une large mesure de l’état dans lequel le Groupe était tombé et qu’il a fait preuve d’un manque de conscience professionnelle, de compétence et de dévouement ». Rien de moins ! Son entreprise de séduction des nouvelles autorité politiques françaises et le l’État-major de l’Aviation américaine, à qui il saura être reconnaissant 20 ans plus tard, est lancée. On sait comment sa carrière civile et militaire s’est terminée ! (*)

(*) Le 6 juin 1975, à Washington, une sous-commission du Sénat américain révèle que la société Northrop a effectué des versements « douteux » à des parlementaires et anciens officiers de haut rang européens, dont Paul Stehlin, qui était rétribué depuis 1964 au titre de « consultant ». À ce titre, il aurait fourni, contre rémunération, des informations et des synthèses politico-militaires à la firme.

Le GC III/6 a cette date a vraiment perdu son âme et ses racines.

On trouve maintenant à sa tête :

·         le commandant : cdt Georges LABIT (1910/1997), au C.I.C. de Chartres (*) pendant l’hiver 39/40, à la tête de la 4ème Escadrille du GC II/2 le 11 juin 1940 (1 victoire) (A ne pas confondre avec Henri Labit (1920/1942) des F.A.F.L.),

(*) Témoignage de Jean Menneglier parlant de cette époque : « Nous nous retrouvions à peu près tous les soirs au bar de l'Hôtel de France sur la place des Epars. On pouvait y voir le capitaine Labit (*), alors célibataire, en train d'ingurgiter apéritif sur apéritif, ce qui ne l'empêchait pas de marcher dignement. »

·         l’adjoint : cne Jean CANEL (1913/1945), commandant de la 3ème Escadrille du GC II/9 en 1940, abattu le 3 juin 1940, grièvement brûlé et blessé,

·        l’officier mécanicien : cne THIBOUT (le 9 novembre).

Dans la deuxième quinzaine d’octobre le Groupe est complètement réorganisé d’après les tableaux d’effectifs et de matériels des groupe américains. Le Vice-Marschall LYOYD et le colonel COVINGTON passent une inspection. Les suivent des spécialistes américains en vue du montage des nouveaux moteurs ; les 5 premiers arrivent le 23 octobre, 5 autres le 25, 3 autres le 27 en même temps qu’un ingénieur de chez Bell et un de chez Allison, 14 radiateurs d’huile neufs et encore 8 autres moteurs le 1er novembre… On monte également des volets d’amortissement pour les boîtes d’éjection des canons de 37mm. Tout cela démontre que les problèmes rencontrés n’étaient pas mineurs !

Une importante délégation du III/6 et de nombreuses personnalités civiles et militaires françaises et américaines assistent le 24 octobre en l’église Saint-Charles de l’Agha à Alger à un office pour le « repos de l’âme » du lieutenant LE GLOAN.

L’adj Joseph BIBERT pour sa part est sur une autre planète ! Il a enfin obtenu sa « perm » ; à Fort-de-l ’Eau, du 8 au 16 octobre, dans sa petite maisonnette, loin des soucis mécaniques de Lapasset, il passe 8 jours heureux avec son épouse et sa fille qui a maintenant 2 ans. Depuis janvier 1943, ils ne se sont vus qu’en coup de vent, occasions volées grâce à leur débrouillardise. Joseph n’a vu grandir sa fille qu’à la lecture des très longues lettres que son épouse lui a fait régulièrement parvenir tous les 2 ou 3 jours ; elles ont malheureusement disparu. On ne possède que deux photographies qui témoignent de ce séjour à Alger. Les bobines de « pellicules » sont rares et trop chères !

Quand il rentre à Lapasset, la réorganisation complète du Groupe a été faite, du moins sur le papier. La fonction de « chef de hangar » dans chacune des deux escadrilles tombe en désuétude et globalement les mécaniciens sont sur la sellette… On le comprend dans la seconde lettre qu’il écrit après son retour :

Lettre de Joseph du mercredi 1 novembre : « …rien de neuf depuis ma dernière lettre… je continue une vie absolument oisive. Je passe mes journées en promenade et bricolage. J’ai d’abord fini d’installer ma tente qui maintenant pourra affronter l’hiver. Un plancher impeccable nous isole du sol, penderie, table et chaises et un petit fourneau qui va bientôt être installé…

…il y a huit jours, Chérie, j’étais encore près de toi… chacun voulait rester superficiel, ne pas penser à ce demain, mais l’heure tournait implacablement. J’ai emporté chérie ton image et celle de « Kiki » au passage du camion devant notre porte…

…on nous annonce pour le mois prochain une grande diminution de la solde, on nous supprime l’indemnité de repliement et autre chose dont on ne connaît pas officiellement les détails…

…le jeudi et le dimanche, il y a une liaison pour aller au cinéma ; si ce n’était pas le voyage en camion, ce serait agréable…

…quand la nuit tombe, la fraîcheur se fait sentir et on a de la lumière qu’en fonction du bon vouloir des Messieurs chargés du groupe électrogène…

…c’était mon tour ce soir pour aller chercher la soupe et faire la vaisselle. Voici notre menu de ce soir : soupe aux choux et cochon, nouilles, porc, confiture, c’était correct mais ça manque toujours d’un peu de préparation et de présentation…

(Vendredi 5 – 15h 00) … j’ai parlé longtemps avec le lieutenant Nicolas ce matin. On a parlé de la nouvelle organisation qui se met en place (1)… il a fini par me dire qu’il est viré et qu’il est affecté à l’inspection technique. Naturellement je lui ai demandé de penser à moi si l’occasion s’en présentait. C’est donc un nouvel officier mécanicien qui va venir et selon son ancienneté c’est lui ou Bésuquet (2) qui va commander…

…hier j’ai fait une grande promenade en pleine cambrousse rien que pour me fatiguer. Je suis rentré juste avant la pluie. Soupe et au lit car il y avait panne de lumière…

…ce matin, j’ai d’abord écouté tomber la pluie, puis je suis quand même sorti faire un petit tour en piste…

…le « Cador » est rentré hier soir et franchement c’est un vrai soulagement pour moi de ne plus avoir affaire à lui…

(Dimanche 6 -midi) …en ce moment j’ai pas mal d’occupations et ça me plait car je restais vraiment trop inactif…

…le temps est très mauvais, beau dans la journée, mais grosse pluie toutes les nuits…

(Dimanche 6 -15h 30) …avant de faire mon dernier tour de piste, je continue de bavarder avec toi. Le travail ne finit qu’à 17h 30, il commence à midi trente, aussi les après-midis paraissent longs…

(Mardi 9 – midi) …je n’ai pas continué cette lettre car je vivais depuis dimanche après-midi dans l’allégresse. Bésuquet m’a annoncé que je partais avec le camion mercredi pour prendre le matériel à l’A.I.A… mais ce matin, contre-ordre, Vidal a été se plaindre à Bésuquet et c’est lui qui part ! Je me souviendrai du tour que m’a joué V. ; je ne sais pas ce qui lui a pris, surtout que sa femme est ici…

…cet après-midi est arrivé notre nouvel officier mécanicien. C’est un capitaine…

…un bruit court, ne l’ébruite pas, on se rapprocherait d’Alger »

(1) Malheureusement, nous n’avons pas pu déterminer la nouvelle position de J.B dans le nouvel organigramme. Mais, la phrase écrite de dimanche 7 novembre semble prouver au moins qu’il en a une…

(2) Nom approximatif, dont c’est la seule occurrence dans les documents à notre disposition…

Le III/6 n’effectue que 81 sorties pour 120 h. de vol en octobre.

Les vols du mois de novembre vont être consacrés au rodage des nouveaux moteurs. Dans le même temps les armes sont réglées sur la butte de tir.

Mais c’est de nouveau l’affolement dans les étages ! Nouveaux incidents avec les nouveaux moteurs ! Il y aurait du « régule » (*) dans les canalisations d’huile. Des spécialistes dépêchés en urgence estiment que ce régule est dû au mauvais nettoyage des canalisations avant le montage des moteurs neufs ! Ouf !

(*) Le régule est un alliage tendre qui servait à confectionner des coussinets minces de tête de bielles dans les moteurs à explosion et qui pouvait fondre sous l'action d'une chaleur excessive due à une mauvaise lubrification, d'où un « coulage de bielle » et la destruction d'un moteur

Lettre de Joseph du jeudi 11 novembre : « …le bruit court que les boches vont tenter un raid d’envergure sur Alger et Oran. J’ai hâte d’être à demain pour savoir si oui ou non Alger a subi une alerte…

…de notre côté on est tranquille à part que les patrouilles en alerte sont triplées, ce qui confirme un peu mes prévisions…

(12.11.43 - 8h 00) …je pense que ta nuit a pu être aussi calme que la mienne… Hier soir pendant le dîner on a aperçu loin en mer des lueurs, un feu d’artifice comme à Alger (référence au débarquement anglo-américain du novembre 1942). Un convoi a dû être attaqué. Je pensais aux pauvres types qui devaient boire la tasse… »

C’est seulement ce 11 novembre que le GC III/6 peut aligner 8 avions, mais le temps en cette fin d’année est très mauvais et on ne vole pas beaucoup, et quand on vole c’est dans des conditions difficiles, au ras de l’eau, dans le crachin : 230 sorties de guerre pour les 2 derniers mois de 1943, et trois accidents :

·         Le cne CANEL, néophyte sur P-39, brise son appareil le 13 novembre à l’atterrissage,

·         Le cne BOILLOT, endommage le sien sérieusement le 29 novembre,

·         Le s/c Aloyse KNITTEL, le 1er décembre, victime d’une panne d’alimentation de son moteur au large, tente de rejoindre le terrain, se perd dans la brume et s’écrase au nord de Cavaignac, aux environs de Ténès. Il est tué. Il totalisait 280 heures de vol, dont 53 de guerre en 35 missions. Ses obsèques ont lieu le 3 décembre à Ténès. Il avait 25 ans.

Lettre de Joseph du vendredi 13 novembre qui répond à son épouse se plaignant régulièrement de leur séparation : « …je n’aime pas du tout te savoir en crise de cafard, Chérie, je t’en prie sois raisonnable, je t’aime mais je ne peux pas limiter le temps de séparation imposé par les événements… »

(Dimanche 14 – 9h 0O) …il fait vraiment froid, j’endosse le blouson pour t’écrire… j’aimerai bien lire plus longtemps le soir, mais on nous coupe la lumière à 21h 00…

(16h00) …le vent de sable souffle et on est mal à l’aise, sable et froid… les convois succèdent aux convois. Les nouveaux commandant et capitaine sont corrects, ils n’ont encore rien fait de spécial. Le nouvel officier mécanicien est en stage à l’A.I.A. Nicolas (l’officier mécanicien sanctionné suite au rapport Stehlin) est parti sans dire au revoir à quiconque (on peut le comprendre !)Bésuquet est toujours très gentil avec moi, mais pour le moment il ne lui est pas possible de m’envoyer à Alger… Borreye (son homologue à la 2ème Escadrille qui a été comme lui chef de hangar) a un capitaine qui le défend (Boillot) (sous-entendu : pas moi !)

Ceci est la dernière lettre de Joseph BIBERT retrouvée avant la suivante datant du 17 octobre 1944 ! Jusqu’à son départ d’A.F.N., en octobre 1944, seuls son livret militaire et quelques souvenirs familiaux permettent d’esquisser son parcours.

Cependant, il est encore à Lapasset quand une catastrophe imprévue se produit le 12 décembre 1943. Les risques d’inondation de la plate-forme aérienne ont été jugés improbables, mais un merlon de protection avait été cependant mis en place par le génie américain. Après des pluies ininterrompues, il cède ce jour-là sous la pression d’un torrent d’eau limoneuse qui envahit la piste et la zone où les tentes américaines, modèle pyramidale « 1941 », de la 2ème Escadrille avaient été installées.

 

TENTE PYRAMIDALE US – MODÉLE 1934/1941

Introduite en 1934 pour le cantonnement du personnel.

La capacité maximale de la tente est de 8 hommes lorsque le poêle n'est pas utilisé.

Pour des raisons de confort et d'assainissement, l'utilisation de cette tente est limitée à 6 hommes lorsque le nombre de tentes disponibles le permet !

Lorsque le poêle est utilisé, la capacité maximale n'est que de 6 hommes.

En raison de sa forme particulière, la tente pyramidale est facilement visible depuis les airs ; pour cette raison, il faut prendre plus que d'habitude soin de la camoufler correctement.

La tente mesure 16 pieds de large, 16 pieds de long et 11 pieds de haut.

La surface au sol est de 256 pieds carrés.

Le dessus de la tente, les parois latérales et tous les renforts sont en coutil vert olive foncé, mat.

La hauteur maximale est de 12 pieds 3 pouces, tandis que la hauteur du mur est de 4 pieds 2 pouces, ce qui donne une moyenne de 8 pieds 1 pouce.

Il y a 1 porte de 28 pouces de large et 8 pieds de haut.

La ventilation se fait par le poteau central qui a une capuche réglable.

Le poêle M-1941 peut être installé pour le chauffage ; le tuyau d’évacuation des gaz est alors placé à travers l'ouverture centrale de la tente.

 

Les engins de terrassements US ne sont plus là et c’est avec les seules pelles pliantes individuelles du paquetage qu’on entreprend le déblaiement. Travail harassant, presque terminé le 18 décembre quand le terrain est de nouveau envahi par la boue. Heureusement les « bulls » et « scrapers » américains arrivent mais le 23 décembre… nouvelle inondation !!!

Triste noël à Lapasset pour ceux qui y sont !

Heureux pour Joseph BIBERT, qui, comme certains de ceux dont la famille réside en Algérie, peut solder ses congés 1943 ! Il est chez lui à Alger du 21 au 29 décembre.

Le 26 décembre, il est éventuellement possible à Lapasset de faire décoller des avions, mais ils n’auraient pas la place pour atterrir ! En conséquence, 14 P-39 sont envoyés provisoirement à Tafaraoui (Oran). À partir de ce terrain, de nombreuses missions seront effectuées jusqu’au dernier jour de l’année. Il reste 6 appareils à Lapasset, en panne, ou faute de pilotes disponibles. Il manque donc 3 avions pour atteindre la dotation théorique qui est de 23 pour les Groupes de Chasse de l’époque.

Concernant le sort des mécaniciens et autres personnels, on sait seulement que le Père KORNER a organisé une belle veillée de Noël...

Année absolument détestable pour le GC III/6 !!!

 

NOUVEAUX PILOTES ARRIVÉS au GC III/6 au DERNIER TRIMESTRE 1943

23 octobre

Lieutenant Michel DHELLEMMES - 2ème Esca. (Pipo) (1915/2001)

Issu de Polytechnique et jeune pilote. On n'a jamais su s'il était hypergonflé, inconscient ou plaisantin

7 novembre

Lieutenant Marcelin LABAS - 2ème Esca. (Le poète) (1913/ ????)

27 novembre

Lieutenant ?? RAYMOND - 1ère Esca.

Lieutenant Antoine DE LA VILLEON (du II/6 rattaché au I/2 de Meknès depuis 1/01/1943) - 1ère Esca. (Léon) (1919/1989)

Electrique et chatouilleux il était toujours prêt à la parade et à la contre-attaque.

2 décembre

Lieutenant André de la MOTTE de BROONS de VAUVERT - 2ème Esca. (La petite chose) (1919/1946)

Il n'avait pas le complexe des petits et il avait raison car tout était grand en lui, sauf la taille.

Il est mort à son poste de pilote dans un P 47 quelque temps après l'armistice.

Sergent-chef ?? ROY(2ème)

Sergent ??SALOTTI (2ème)

Sgt ?? ROLLAND (1ère)

 

Certains des pilotes cités ci-dessus sont affublés d’un pseudonyme (en vert) et il faut ici parler de l’ouvrage « Chasseurs mes Frères » de Marc LISSY, livre mythique publié pour la première fois en 1947 ; très rare de nos jours, il s’arrache à prix d’or sur Internet. Il raconte en fait les tribulations du Groupe de Chasse III/6 « Roussillon » (appelé « Le Province » dans l’ouvrage) en 1944 et 1945, de l'A.F.N. à l'Allemagne, avec beaucoup d'humour et de poésie, dans un style que l'on ne rencontre nulle part ailleurs ; pas de description de combats aériens fumants et tournoyants, mais des anecdotes sur la vie quotidienne du Groupe, des portraits bien ciselés des pilotes, inconnus ou célèbres, souvent vite disparus au combat, des mécaniciens et même des administratifs. Longtemps ce livre a été acheté par tradition par les pilotes de chasse français après la remise de leur brevet.... Il a été réédité en 1981 sous forme d’un un gros beau livre de près de 300 pages, richement illustré par des aquarelles originales en couleurs de Henrik Kuczynski, dont 800 exemplaires, numérotés de 101 à 900 avec une superbe reliure pleine peau réalisée d'après l'œuvre originale « L'hymne aux ailes » de Paul Becker et publié sous le haut patronage de l'Association des Pilotes de Chasse. Cette dernière édition a été préfacée et postfacée par le Général Raymond CLAUSSE qui fut le Commandant du Groupe de mars 1944 et 1945, en A.F.N, en Corse, en France et en Allemagne après le débarquement de Provence, sur P-39 au-dessus de l’Italie puis sur P-47 vers l'Allemagne.

Dans ce livre, chaque personnage n’est appelé que par un pseudonyme choisi par l’auteur, et l’exercice de faire correspondre chacun d’entre eux avec un nom faisait partie du plaisir de lire l’ouvrage, jusqu’à ce que le Général CLAUSSE en dresse un tableau de correspondance. Ceux qui ne connaissaient pas le III/6 ont lu le livre sans forcément faire le rapprochement avec ce Groupe, et sans se poser de question sur son auteur.

En cherchant, on finit par comprendre que Marc LISSY est en fait le lieutenant Marcelin LABAS, arrivé au III/6 le 7 novembre 1943, dont un historien de l’aviation nous a dit : «  J'ai regardé le dossier de LABAS, pour écrire éventuellement sur son évasion vers l’Angleterre en juin 1940 sur un Potez 63-11 du GAO 589 vers les FAFL, et non sur « l'autre (évasion) plus connue » car c’est un sujet polémique trop brûlant... ». Ce n’est pas non plus le sujet de cette page, mais on trouvera en annexe quelques informations sur Marcelin LABAS (qui se fit appeler LABAT un temps), sur son « autre évasion plus connue » en abordant ce qui a fait que ce personnage soit jugé un peu sulfureux par certains...

On peut se demander d’ailleurs pourquoi cet officier d’aviation, le seul ayant déserté les Forces Françaises Libres (pendant la campagne de Syrie en juin 1941) pour rejoindre la France du Maréchal, a été affecté au Groupe III/6, celui du cne RICHARD, du lt LE GLOAN et d’autres, l’ayant quitté ou encore présents, qui avaient si peu de sympathie pour les Britanniques... Cette arrivée a-t-elle été faite dans le cadre de la grande campagne de « Réconciliation Nationale » qui avait lieu à ce moment ou plus simplement pour éviter d’avoir à gérer un problème avec un autre Groupe ? En 1947, le lt LABAS sera fait chevalier de la Légion d’Honneur...

 

   

Pour 1944, comme en 1943, le calendrier des postes à Alger est réduit à sa plus simple expression....

 

Janvier 1944

En Russie, en cette fin de l’année 1943, le front est quasiment aligné du nord au sud, de Leningrad reconquise à la mer noire. Une violente offensive en décembre, partant d’Ukraine vers le centre de la Pologne, a permis aux Armées de Staline d’obtenir une large victoire et de créer le « saillant de Kiev » sur une profondeur de plus de 300 kilomètres, à partir duquel elles pourront se préparer pour s’élancer en 1944 vers l’Allemagne.

En Italie, fin 1943 également, les Alliés ont été arrêtés au sud de Rome au niveau du Mont Leta. Ce n’est qu’en mai 1944 après les dures batailles de Garigliano et de Cassino, avec le concours des forces françaises du général Juin, et le débarquement d’Anzio que la route de Rome s’est enfin ouverte. La ville est prise le 5 juin.

Le lendemain c’est le puissant débarquement de Normandie.

Mais ce n’est qu’un an plus tard, toutes ces armées convergeant irrémédiablement de l’est, de l’ouest et du sud vers Allemagne, que Berlin sera prise par les Russes et que la guerre en Europe se terminera enfin.

En janvier 1944, la Luftwaffe dispose encore de nombreuses bases opérationnelles autour de la Méditerranée et les convois qui y circulent sont toujours menacés. En conséquence, les escadrilles de la Chasse Française, qui ont été reconstituées avec les difficultés que l’on connaît, sont toujours employées aux indispensables mais ingrates mission de « Coastal Command ».

Ce n’est qu’après le débarquement de Provence du 15 août 1944 qui chassera rapidement les Allemands vers le nord qu’elles pourront être déployées sur le continent pour participer à la bataille finale attendue par les pilotes avec tant d’impatience. Le GC III/6 « Roussillon » s’installera à Salon-de-Provence le 2 septembre 1944, mais c’est une autre histoire qui n’est pas détaillée ici.

On trouvera néanmoins un peu plus bas le texte écrit par un pilote qui termina la guerre au sein du Groupe pour la publication d’une plaquette relatant l’historique de l’Escadron 1/11. En effet le GC III/6, dissous le 1e avril 1946 a été recréé le 2 mai 1950 en vue des opérations en Indochine auxquelles il participa jusqu’en février 1951, date de son retour en France où il sera basé à Avord. Le temps des avions à réaction étant venu, le Groupe sera dissous le 31 juillet 1952 pour former l’ossature du l’Escadron 1/11 « Roussillon créé le 1 août 1952, qui deviendra plus tard la 11ème Escadre de Chasse.

 

 

Capitaine Roger DEMOULIN

Ecole de l’Air

Commandant de la 2ème Escadrille

GC III/6 « Roussillon »

Mort pour la France le 21/11/1944

 

 

Bien que de très mauvaise qualité cette photo doit figurer sur cette page !

C’est sans doute la seule que représente la 1ère Escadrille du « Roussillon » avec son fanion,

à l’été 1944, devant le P-39 de son Commandant, juste avant le départ du Groupe pour la France.

 

Pour revenir à janvier 1944 à Lapasset, tout continue comme en 1943. Nouveaux départs, nouvelles organisations…, nouvelles arrivées se succèdent au III/6 ! ; citons seulement celle du Lieutenant Roger DEMOULIN à la 2ème, issu de l’École de l’Air, promotion « Mézergues » comme Jean MENNEGLIER qui était au III/6 en 1940 (voir plus haut). C’est un brillant et fougueux pilote ; il a obtenu une victoire homologuée au GC I/6 en 1940. Passé par le GC III/9 et le GC II/6 (Ouakam au Sénégal), il arrive de la 2ème escadrille du GC I/4 « Navarre » qui vole aussi sur P‑39 à La Reghaïa (40 km à l’est d’Alger). Succédant à nombre d’officiers sans grand relief, ses grandes qualités morales feront de lui un prestigieux chef d’escadrille au « Roussillon ». Il regonflera enfin le moral de tout le Groupe et, comme le Commandant Pierre CASTANIER en 1940, trouvera une mort glorieuse aux commandes de son P-39, le 21 novembre 1944, à la tête de la 2ème escadrille, lors de l'attaque du pont de Gaiola en Italie.

L’organigramme du III/6 au 1er janvier 1944 est donné ci-dessous. Il est intéressant de voir comment l’Armée de l’Air française se transforme peu à peu en « armée mexicaine ». Pour 36 pilotes et 23 avions, l’État-major du Groupe comprend maintenant 2 commandants ; 7 capitaines ; 4 lieutenants ; 1 aspirant ; 61 sous-officiers et 107 hommes de troupe… 182personnes ! Il faut y ajouter 43 sous-officiers et 41 hommes de troupe répartis dans les deux escadrilles, soit un total de 302 personnes. On reste songeur !

 

 

ÉTAT-MAJOR

 

1ère ESCADRILLE

2ème ESCADRILLE

PILOTES ATTENDUS

Commandant du Groupe

Cdt LABIT

Commandant de l’Escadrille

Cne MARTIN

Cne BOILLOT

 

Commandant en second

Cne CANEL

Commandant en second

Lt BRONDEL

Lt DELHEMMES

 

Adjoint technique

Cne THIBOUT

Officiers pilotes

Lt LABUSSIÈRE

Lt RIVORY

Lt VERGNOU

Officier chargé des opérations

Cne GUILLAUME

 

Lt RIGAUD

Lt GATARD

Lt WELVERT

Adjoint de l’officier chargé des opérations

Cne THIERRY

 

Lt DE PENSUM

Lt LABAS

s/lt GANTES

Officier de renseignements

Lt MULLER

 

Lt RAYMOND

Lt DE LA MOTTE

 

 

 

 

Lt DE LA VILLEON

S/lt GOUJON

 

Détaché à l’Etat-major allié du Commandement de la défense côtière à Oran (A.D.R)

Cdt MORLAT

 

 

 

 

 

 

Sous-officiers pilotes

Adj HONORAT

Adj MACIA

S/c DAMIS

Médecin

Cne GARNIER

 

Adj MONRIBOT

S/c FARRIOL

S/c GUIBERT

Aumônier

Cne KORNER

 

Adj PAGES

S/c GHESQUIÈRE

S/c SCHEIDER

Interprète

Asp GOUTEYRON

 

S/c MEQUET

S/c GIOVANANGELI

 

 

 

 

S/c SOUDE

S/c MICHAUX

 

SERVICES

 

 

S/c COLCOMB

S/c RAPINAT

 

Capitaine adjoint

Cne BEUCHET

 

S/c SIMON

S/c ROIG

 

Chef de la section entretien et réparations

Lt CAZEAUX

 

S/c ROLLAND

Sgt SALOTTI

 

Chef de la section électricité transmission

Lt KLEIN

 

 

 

 

Chef de la section administrative

S/lt PERONNE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous-officiers

61

 

23

20

 

Hommes de troupe

107

 

19

22

 

 

 

 

 

 

 

Total : 302 dont

182

 

57

57

6

 

Sans doute le Bell P-39 « Airacobra » du cdt Jules MORLAT

Ancien commandant du GC II/3

 

En avril 1944, Joseph BIBERT n’était plus à LAPASSET, mais pour les pilotes du « ROUSSILON » les interminables missions de « Coastal Command » s’éternisaient, le moral baissait, tout était monotone et les distractions inexistantes dans ce coin perdu d’Algérie. On ne peut donc pas ne pas parler ici du fameux du « Cheese de Trifouilly », qui resta pour eux un intermède inoubliable : par la suite , cet épisode de l’histoire du GC III/5 sera d’ailleurs longtemps raconté dans les « bars de l’escadrille » de l’Armée de l’Air, participant ainsi à créer la « légende » du « Roussillon » pour les jeunes pilotes en formation ! À lire absolument !

 

Le raid du Groupe de Chasse GC III/6 sur CASSAIGNE et LAPASSET (Algérie) en avril 1944

 

1944 en A.F.N. pour Joseph Bibert

Pour envoyer bientôt des escadrilles françaises vers l’Allemagne, l’État-major n’oublie pas qu’il lui faut former des interprètes qui maîtrisent assez bien la langue allemande, pour déchiffrer les messages, traduire des documentations techniques aéronautiques, éventuellement interroger des aviateurs prisonniers. Il y a des Alsaciens dans l’Armée de l’Air en A.F.N. et on fait appel aux volontaires ; l’adj Joseph BIBERT part ainsi » le 2 février 1944 en « stage interprète » à Alger. Il y retrouve son grand ami Auguste KUNTZEL et deux mois plus tard, à l’issu d’un stage réussi, ils sont tous les deux incorporés dans le « Corps des Interprètes de l’Armée de l’Air » (n° 1405/EMGA/DCA du 28/3/44). Joseph BIBERT fait un aller-retour à Lapasset du 2 au 5 avril 1944 pour régler sa situation administrative au III/6 et saluer ses anciens camarades, dont les quelques rares encore présents, avec qui il a tout partagé depuis leur affectation à Chartres 5 ans auparavant, et il se trouve ensuite basé à l’État-major d’Alger, en attente d’un départ vers le continent.

 

 

Il est inscrit au tableau d’avancement pour le grade d’adjudant-chef PNN (BO n° 8022/DPN1 du 13/6/44), puis est finalement affecté à la 1ère Escadre de Chasse (n° 13697/S-DPM3 du 6/9/144). Il quitte l’A.F.N. par avion le 14 octobre 1944 pour rejoindre le 20 du même mois sa nouvelle unité qui se trouve alors à Luxeuil depuis le 27 septembre.

De ce fait, Joseph BIBERT a pu profiter pendant 8 mois à Fort-de-l’Eau d’une vie familiale « normale » avec son épouse et voir enfin grandir sa fille. Celles-ci resteront seules à Alger pendant 6 mois jusqu’au moment où elles pourront être réembarquées avec bien des difficultés pour la France dans les premiers jours de février 1945 ; séparation très mal vécue par Julienne, enceinte. Le petit frère de Marie-Thérèse, François-Xavier, naîtra le 5 avril 1945 à Chartres ; conçu « à l’ombre des palmiers » selon la légende familiale…

 

 

La FIN de la GUERRE DU GC III/6

Nous avons extrait de l’ouvrage en deux tomes de Monsieur Alain RIEU : « Groupe de Chasse III/6 – Escadron de chasse 1/11 « ROUSSILLON »- « Tragédia & Comédia » TOTTA LA CACCIA » publié en 2009 par « l’Association Amicale des Anciens de la 11ème Escadre de Chasse » les pages consacrées aux années 1944,1945 et 1946 (dissolution) pour que l’historique de ce prestigieux Groupe de Chasse ne s’arrête pas dans ces pages internet d’une manière impromptue... au moment du départ de l’adjudant BIBERT !

 

Lire pour cela : « GC III/6 – De janvier 1944 au 1er avril 1946 (dissolution) »

L’ouvrage de Monsieur Alain RIEU contient en outre de nombreux témoignages d’anciens du Groupe dont celui qui suit, provenant d’un pilote anonyme, consacré à cette même période :

Le COASTAL COMMAND

Le « COASTAL » est un travail fatigant et monotone de protection de convois qui se révèle bien différent de la « Chasse » dont bous rêvons.

Attente dans les avions, en position d'Alerte, quelle que soit la chaleur, pour un décollage au-devant de l'ennemi sur avis des postes de détection, « sweep » dans un ciel désespérément vide de chasseurs allemands, recherches d’équipages tombés en mer, tel est le lot ingrat mais essentiel sans doute, des unités du « COASTAL COMMAND »

Pourtant cette tâche décevante entre toutes pour un chasseur, n'est pas sans péril ; nous restons à la merci d'une panne, entraînant quand tout se passe pour le mieux une baignade de quelques heures en pleine mer.

Obligés de décoller quel que soit le temps, de rester dans la « crasse » à la recherche d'un convoi, d'évoluer entre nuages et mer, de rentrer vers un terrain parfois couvert d'ouate, souvent en pleine nuit, nous subissons sans nous plaindre ce régime exténuant auquel viennent s'ajouter les vols d'entraînement.

Les mécaniciens ont leur large part de peine, car ils doivent fournir un très gros travail pour que toutes nos missions puissent être menées à bien. En outre les conditions de vie au sol sont très dures, ainsi des pluies torrentielles inondent le terrain et le transforment en mare de boue.

Mais ces missions ont préparé le débarquement en Provence de la 1ère Armée Française, et le 30 août 1944, le Groupe déclaré non opérationnel, prépare à Bône son embarquement pour la France, sous la direction du Commandement CLAUSSE.

La CAMPAGNE d'ITALIE

Le 30 Septembre 1944, le Groupe quitte l'Afrique du Nord pour rejoindre enfin la terre de France, notre espoir suprême devenant réalité. Et puis, si on ne délaisse pas complètement le « COASTAL », le « TACTICAL » va prendre la plus grosse part de l'activité Aérienne, avec bombardement, « straffing » ... et qui sait, le Messerschmitt ou le Focke-Wulf tant espéré ?

D'abord basés à Salon-de-Provence, nous abandons ce terrain impraticable l'hiver pour nos P-39 et nous nous installons à Le Vallon, à 15 kilomètres plus à l'Ouest. De là partent toutes nos missions pour l’Italie du nord-ouest jusqu’au méridien de Tunis. Elles consistent en bombardement de ponts ou de casernements et « straffing » de véhicules. Un détachement de 2 avions est mis en place à Nice afin d'intervenir plus loin en cas de besoin.

Au cours du mois de janvier 1945, nous échangeons enfin nos « Airacobra » contre des Républic P-47 « Thunderbolt » et nous poursuivons nos missions sur l’Italie du 1er février au 16 mars, date à laquelle est ordonné notre déploiement vers l’Allemagne.

   

1945 – Le Vallon – Campagne d’Italie – Le capitaine Yves RUPIED, Commandant de la 1ère Escadrille (depuis le 7 janvier 1944, succédant au cne MARTIN)

dans un des nouveaux Republic P-47 « Thunderbolt » de la 2ème Escadrille – Masque rieur

Collection Robert BIANCOTTI via son fils Mario que nous remercions

Capitaine Yves Rupied

Notre Groupe, fit du très bon travail en Italie, mais nous avons malheureusement perdus quelques bons camarades.

Plusieurs télégrammes de félicitations du Général TOBIN prouvent d'ailleurs les excellents résultats de nos missions, et le général Commandant le MACAF nous a envoyé le message ci-dessous :

« Au moment où vous quittez mon Commandement, tous les Groupes se joignent à moi pour vous envoyer nos meilleurs souhaits pour vos succès futurs, votre bon travail a été fort admiré et nous regrettons de vous perdre. La réputation du Groupe III/6 demeurera toujours haut dans les annales de l'aviation côtière alliée de Méditerranée. »

La CAMPAGNE d'ALLEMAGNE

Le 28 mars 1945, nous quittons le Vallon, pour bous installer à Luxeuil au côté de nos camarades de la 3ème Escadre pour participer à la fin de la campagne d'Allemagne dans le secteur qui nous a été attribué de l’autre côté du Rhin, entre Karlsruhe et le lac de Constance où combat la 1ère Armée Française.

Le plus clair de nos missions sont de bombardement et le « straffing » sur les armées de l'ennemi (dépôts, batteries, gares, voies ferrées, casernements).

Le FRONT de l'ATLANTIQUE

Du 13 au 20 avril, notre Groupe est envoyé à Bordeaux Mérignac pour Corde opérer avec la 3ème Escadre dans le secteur de Royan - Pointe de GRAVE où le Général de LARMINAT a lancé ses troupes à l'assaut des forces allemandes retranchées dans ce qui a été appelé « la poche de Royan ».

Au vu des objectifs assignés (ouvrages fortifiés et batteries pouvant travailler en DCA), la mission annoncée nous paraît singulièrement rébarbative.

En fait, à part le 14 et le 16 avril au-dessus de la Rochelle où un 88 allemand nous prend à partie avec une densité nous rappelant nos récentes missions sur Stuttgart, nous avons seulement à faire avec des mitrailleuses légères.

Mais les bombardements de la zone, sont intenses et meurtriers et les fantassins avouent leur étonnement de pouvoir, après notre passage, prendre sans tirer un coup de feu les points d'appui défendus jusque-là avec acharnement par les derniers combattants allemands encore sur le sol de France. En janvier, un bombardement massif de Royan sans doute inutile avait déjà fait plus de 500 morts civils, en rasant complètement la ville.

Nous avons également reçu des messages de félicitations pour certaines de nos missions :

le 15 avril, sur un point d'Appui à l'est de Montalivet (leader cdt CLAUSSE),

le 16 avril, sur une batterie de la rive gauche de la Gironde avec « straffing » des abris (leader lt GATARD)

le 18 avril sur le fossé antichar et les batteries de la Hutte (à l'ouest du Verdon, leader Commandant CLAUSSE)

« Action prépondérante et décisive de la 3ème Escadre et du III/6 au cours de cette journée du 18, en particulier attaque de11h 30 à 12h sur fossé antichars et attaque sur batteries ouest du Verdon. Troupes allemandes entièrement démoralisées par notre puissance de feu. Manoeuvre MEDOC réalisée grâce à vous ».

Signé : Commandant ANTZENBERGER.

La FIN de la CAMPAGNE d'ALLEMAGNE - La DISSOLUTION

Le 20 avril nous rejoignons notre base de Luxeuil et reprenons nos missions au profit de la 1ère Armée Française. Nos premières sorties sont consacrées au bouclage de la Forêt Noire pour interdire le débouché d'une division allemande qui tente d'échapper à l'encerclement. Puis ce sont de nombreuses reconnaissances armées au cours desquelles nos patrouilles passent au peigne fin tous les points sensibles du sud-ouest de l’Allemagne et, bien qu'assez fortement défendues par la Flack, rares sont les gares qui ont été épargnées par les bombes d’un P-47 au masque grimaçant ou souriant...

Le 8 mai c’est l’armistice et le 8, deux « flight » de chaque escadrille prennent part au défilé aérien qui a lieu sur Paris et Strasbourg, à l'occasion de la fête de la victoire.

Le 10 mai le Commandant CLAUSSE qui commandait notre Groupe depuis le 8 mars 1944, et qui avait dirigé de nombreux dispositifs du III/6 « ROUSSILLON » au combat est remplacé par le Commandant NODET.

 

Le 1er octobre, notre Groupe fait mouvement, avec la 3ème Escadre vers Trèves où nous menons, jusqu'au 1er avril 1946, une vie de garnison sans intérêt opérationnel.

Nos avions arrivés à bout de souffle ne sont pas remplacés, l'activité aérienne est très réduite.

Le 21 mars, nous sommes informés officiellement que l'unité sera dissoute à la date du 1er avril 1946.

 

   

1945 – En Allemagne – Avec les énormes Republic P-47 « Thunderbolt » - La guerre est terminée pour le GC III/6 !

A droite, Raymond GABARD qui avait été démobilisé en 1941 – Il a participé activement à la résistance en France avant de reprendre du service dans l’aviation fin 1944

Arrivant du C.I.C. de Meknès où il a été formé sur P-47, il se pose à Strasbourg le 12 mai 1945 pour y apprendre que l’armistice est signé !

Il a le plaisir de retrouver son fidèle mécanicien « Bertrand », qui, depuis Chartres en août 1939, a fait toute la guerre au III/6 comme quelques autres...

 

 

 

 

Retour à la première partie :

I.  de CHARTRES à BOUILLANCY

Retour à la seconde partie :

II.  de WEZ-THUISY au LUC en PROVENCE

 

 

 

 

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COMPLÉMENT

L’ADJUDANT JOSEPH BIBERT

INTERPRÈTE à la PREMIÉRE ESCADRE de CHASSE

VERS L’ALLEMAGNE

du 14 octobre 1944 à mi-février 1945

 

Nota : ce cours chapitre n’est pas destiné à raconter « l’Histoire » de la 1ère Escadre de Chasse, aucune recherche a été faite au SHAA (Service Historique de l’Armée de l’Air). Joseph BIBERT n’a pas écrit ses mémoires et il s’est peu raconté par la suite Mais les lettres qu’il a écrites régulièrement à son épouse restée à Alger pendant cette période, heureusement récupérées avant que celle-ci, au soir de sa vie, en brûle des dizaines d’autres, sont un modeste témoignage qui comme bien d’autres fait partie de ces patrimoines familiaux que les historiens sont un jour heureux de retrouver pour reconstituer ce que fut la vie et certaines aventures d’un modeste sous-officier au sein de cette Escadre pendant l’hiver 1944/1945. Seules quelques phrases de chaque lettre, souvent longues, personnelles et enflammées... sont reproduites ici. Une fois de plus, les « petites histoires » font la « Grande Histoire ! »... Aucune photographie n’existe malheureusement pour illustrer les quelques lignes qui suivent.

 

Ayant donc perfectionné sa pratique de la langue allemande par un stage de 2 mois en février et mars 1944, Joseph BIBERT a quitté officiellement le Groupe III/6 le 28 mars 1944 pour être incorporé dans le « Corps des Interprètes de l’Armée de l’Air » et se trouver placé en « stand-by » à État-major d’Alger pendant 4 mois, employé à des tâches administratives pour traduire des documents techniques d’aviation. En septembre 1944 il est affecté de nouveau dans une unité combattante ; la 1ère Escadre de Chasse. Il quitte alors l’Algérie, sa femme enceinte, sa fille, pour rejoindre sa nouvelle unité par avion le 14 octobre 1944 (d’après son livret militaire) ; ce trajet ne figurant pas sur son « carnet de vol », il n’a pas été possible d’en connaître les conditions exactes, mais dans une lettre du 4 novembre il dit avoir volé sur un avion américain et donne des détails qui laissent à penser que c’était un Douglas DC-3 « Dakota ».

 

Douglas DC-3 « Dakota »

 

La 1ère Escadre de chasse qui a été créée officiellement le 3 octobre 1943 comprend en octobre 1944 :

·         L’Escadron N° 326 formé le 1er décembre 1943 en Corse par la renumérotation du GC II/7 « Nice » arrivé à Ajaccio entre le 17 et le 27 septembre 1943 en provenance de Bône-Les-Salines, puis basé à Calvi le 23/08/44 ; commandant HOARAU de la SOURCE,

·         L’Escadron N° 327 formé le 1er décembre 1943 en Corse par la renumérotation du GC I/3 « Corse » arrivé à Ajaccio entre le 17 et le 27 septembre 1943 en provenance de Bône-Les-Salines, puis basé successivement à Bastia-Borgo le 21/04/1944 et Calvi le 23/08/44 ; capitaine DUVAL puis capitaine VILLACÈQUE le 19/11/1944,

·         L’Escadron N° 328 formé le 1er décembre 1943 à Djidjelli-Taher (250 km à l’est d’Alger) par la renumérotation du GC I/7 « Provence » ; il a regagné Ajaccio le 21/07/1944, puis Calvi le 23/08/1944 ; capitaine MADON,

 

Première Escadre de Chasse - SPA 69 - SPA 88 - SPA 15 - SPA 77 - SPA 73 - SPA 78

Les groupes et les escadrilles de la 1ère Escadre de Chasse en 1944/1945

 

L'Escadre, qui a couvert le débarquement allié dans le sud de la France en août 1944, s’est installée sur son sol le 3 septembre, d’abord à Le Vallon (Entre Istres et Salon de Provence, où d’ailleurs, comme dit plus haut, le III/6 « Roussillon » stationnera un peu plus tard), puis à Dijon le 21 septembre. Poursuivant les troupes allemandes en retraite, elle s’est installée le 27 septembre à Luxeuil en Alsace-Lorraine, en première ligne, pour soutenir la Première Armée française qui avance vers l’Allemagne. Elle dispose théoriquement de 60 Spitfire (3 x 20).

Avant de quitter Alger Joseph et Julienne BIBERT ont convenu de numéroter leurs lettres et d’un code (*) pour citer les villes où passerait la 1ère°Escadre, pour contourner la censure militaire. Au-delà de ce code, Joseph a utilisé également des sortes de rébus plus ou moins évidents. Ci-dessous, ce qui a pu être déchiffré :

 

·         M : pour MARSEILLE

·         chez la grand-mère de Christiane (?) : sans doute DIJON par déduction

·         vers Lulu : LUXEUIL

·         pays de Charles : Charles BIBERT, un oncle qui vit à STRASBOURG

·         la « vallée de Marie » : traduction de MARIENTHAL, bourgade située au sud d’Haguenau

·         Pays de Youky (leur chien) : pour tante Yvo, une tante religieuse institutrice à RANSPACH (68)

(*) Plus de détails sur le code utilisé

 MARSEILLE 

 

Lettre n°1 écrite dès son arrivée le samedi 14 octobre et confiée à une personne retournant en Algérie, non retrouvée.

Lettre n°2 du mardi 17 octobre, 6h 00 : Joseph est à Marseille en compagnie de l’a/c Auguste KUNTZEL, son grand ami alsacien comme lui, ancien pilote de chasse, avec qui il a fait son stage d’interprète en février et mars 1944. Il a rencontré le lieutenant GOUJON. Il attend un vol pour Luxeuil, via Dijon par avion.

« ...ici tout va bien, chaque Français semble avoir un sourire spécial pour toi. Bientôt, très bientôt, je pense que tu vivras ce retour et tout t’étonnera. Ici on respire, on revit… »

Lettre n°3 du mercredi 18 octobre : toujours en attente de son départ…

Lettre n°4 du jeudi 19 octobre :

«…les jours s’écoulent de la manière suivante ; réveil à 6h 00, on prend le train car on est logé loin du centre, petit déjeuner au mess puis départ en camion pour le terrain (Marignane), il y a environ 25 km et là on attend pour s’entendre dire dans l’après-midi… revenez demain… rentrés au centre-ville on s’installe à une terrasse de café, je fais une vraie cure de bière, il y en a à volonté… Tu ne peux t’imaginer le monde qu’il y a ici ; les trottoirs sont denses et il faut avancer à l’aide des coudes. Les femmes sont très élégantes en général. Je ne sais si tu as vu la nouvelle coiffure à la mode ; une espèce de touffe ou plutôt chignon tout à l’avant de la tête mais qui atteint des proportions si grandes que cela devient affreux… »

« …j’ai acheté deux romans très biens, « Les Dieux du Rhin » et « Les Conquistadors » (2 x 54 fr)… »

     

La famille est conservatrice ; ces deux livres sont toujours en bibliothèque !

 DIJON°

 

Lettre n°5 du vendredi 20 octobre :

Code du lieu : 8.4.10.22.21 (Dijon)

« …on a quitté M. (Marseille) hier après-midi et à 6h 00 on se posait… En principe on part demain vers Lulu (Luxeuil)… comme des gamins on reste devant les vitrines ; fromages à volonté, charcuterie et boucherie avec points (ticket de rationnement) mais ça fait plaisir de voir des chapelets de cervelas… »

 LUXEUIL 

 

Lettre n°6 du lundi 23 octobre :

« … me voilà installé... on est dans un hôtel réquisitionné… je suis arrivé samedi soir à la nuit… réception très sympathique… 15 sous-offs à la popote, on mange très, très bien, et ça me révolte un peu que tu ne puisses pas profiter avec Kiki des ressources de notre terre de France… »

« …j’ai retrouvé dans les Groupes cantonnés aux environs quelques bons copains de Châteauroux et de Chartres, dont André FAURE (élève mécanicien à Bordeaux avec Joseph en 1932)… »

« …hier matin, j’ai été présenté au Commandant : je suis affecté à la salle de renseignements… je partage la chambre avec un a/c… ce matin j’ai installé mes affaires, la chambre est assez grande. J’ai pour moi un lit de camp, il y a une armoire à glace, une table, l’eau courante, l’électricité, donc tout le confort. J’ai pris un bain ce matin à la station thermale… »

24/10/44 – Soir.

« …aujourd’hui première journée de travail. Naturellement je fais secrétaire dans le P.C. Je suis bien. C’est un souterrain bien chauffé… J’ai regardé la carte du front, je suis à 80 km de chez Maman !!!... »

Nota : Sa mère, Elisabeth BIBERT (71 ans), veuve de guerre, sa sœur Elisa (34 ans), serveuse à l’Hôtel « Moschenross » et sa nièce Marie-Jeanne (6 ans) habitent alors à Thann (68), à la limite de la plaine d’Alsace et du massif des Vosges, entre Belfort et Mulhouse. Elles vivent très chichement dans un très modeste appartement.

Lettre n°7 du vendredi 27 octobre :

Comme dit plus haut, la collection de photographies familiale n’en comporte aucune jusqu’en avril 1945, en voici l’explication :

« …j’ai donné la pellicule à développer, mais il n’y a absolument pas de pellicules neuves. Il n’y a absolument rien de prévu pour le rapatriement des femmes ici. Mais ceci n’est rien, il n’y avait rien non plus pour ton arrivée en 1940 !…

 

 Octobre / Novembre 1944 – Julienne BIBERT, enceinte, seule à Alger avec sa petite fille : photographies de l’album n°7 de Joseph BIBERT 

 

Bandeau des photographes 1944 àAlger

Avec Jeanne PERAZZI et les sœurs de lait de Marie-Thérèse ; Jeanine et Monique – Raymonde Kuntzel

Cliquez sur le bandeau des miniatures ci-dessus pour ouvrir la page contenant ces photos

 

Lettre n°8 du dimanche 29 octobre :

« …le temps commence à me sembler long, surtout que j’ai un travail pas fixe guère attrayant. Enfin je suis dans une salle chauffée et j’ai de nombreuses revues à ma disposition. Je vais demander à ta mère qu’elle m’envoie la « Méthode Assimil » d’anglais » si elle existe encore, cela m’occupera un peu… »

22h 00 : « …dans la chambre, maintenant il ne fait pas chaud, aussi j’ai mon cuir pour t’écrire. On entend le canon qui tonne, ceci c’est tous les soirs et ça fait penser à la réalité… mais bientôt ce sera la fin et on se retrouvera aussi jeunes et aimants… »

Lettre n°9 du mardi 31 octobre :

« …j’ai reçu hier ta première lettre, c’est la n°3… »

1/11/44 – Soir (jour de la Toussaint)

« …j’étais ce matin à la messe dans la petite cathédrale de Luxeuil (en toutes lettres !!!). La messe fut célébrée en grande pompe. Il a fait très froid ce matin (-4°). A midi j’ai trouvé ta lettre n°2… »

« …ici la vie continue, calme… je ne fais rien de spécial… j’ai toujours peu de travail, je flâne en piste et discute avec d’anciens camarades… »

« …j’ai touché la solde cet après-midi. 1640. Tous les mois on me retient 294 fr d’impôts, à tous les autres aussi d’ailleurs… »

Lettre n°10 du samedi 4 novembre :

« …j’ai reçu ta lettre n°1 et aujourd’hui la n°5. Elle est timbrée d’Alger du 30 ; elle a donc mis 5 jours… »

« … si tu dois être rapatriée par avion, ce serait certainement les avions américains, comme dans un de ceux que j’ai emprunté pour partir… installe toi sur la banquette à gauche en entrant, et tout de suite après la porte c.à.d. à l’arrière. De cette façon tu pourras voir quelque chose car à l’avant la vue est gênée par les plans (ailes). On te fera mettre un gilet de sauvetage en cas d’atterrissage ou plutôt d’amerrissage sur la mer, puis au décollage et à l’atterrissage il faudra t’attacher avec la ceinture… il faut penser au grand nombre d’avions qui sont utilisés pour le transport des blessés, il n’en restera pas beaucoup pour le rapatriement des femmes de sous-off !... »

Tous les échanges de courriers de cette période sont centrés sur le problème du rapatriement. Que faire des maigres affaires personnelles que la famille possède à Alger ? Vêtements, bicyclettes, poste de radio, un peu d’outillage, la voiture à pédale de l’enfant… et Youki le chien de plus ! Doit-on vendre, doit-on stocker dans l’espoir de récupérer un jour une malle ou deux ? Julienne doit-elle tout faire pour partir avant son accouchement ? Par avion, sans bagages, ou par bateau ? Qui peut l’aider pour les démarches à faire ? On comprend facilement que Joseph s’inquiète des périodes de grand découragement de Julienne que Joseph ressent à travers ses lettres.

Dimanche 5 novembre :

« …le temps est à la pluie… on a bu deux bouteilles de champagne, du vrai, tu vois les boches n’ont pas tout pris… »

Lettre n°11 du mardi 7 novembre :

« …j’ai ces derniers jours un peu d’occupation avec un nouveau travail, mais rien de spécial. Enfin, on a eu besoin de moi et on se sent moins inutile… »

Lettre n°12 du dimanche 12 novembre :

« …j’ouvre fenêtres et volets, et je vois nature et obstacles couverts d’un léger tapis blanc, plus loin, les cimes blanches des Vosges attirent avec mélancolie mon regard. Je le connais tellement ce paysage, je l’ai tant souhaité revoir avec toi, mais l’autre versant, le nôtre, je n’y ai pas encore droit… »

« …hier (anniversaire de l’armistice 1918), il y avait grand tralala, pose d’une plaque commémorative, musique etc… le déjeuner naturellement était amélioré… »

Lundi matin : « … la neige continue de tomber… j’ai froid au pied… il faudrait que je trouve une paire de souliers comme j’en avais pour aller à la montagne…»

Lettre n°13 du lundi 13 novembre : RAS

Lettre n°14, du mercredi 15 novembre : RAS

Lettre du jeudi 16 novembre à sa belle-mère à Chartres :

« ...Ici neige et pluie alternent, cela ne contribue pas très bien aux opérations et pourtant en ce moment çà a l’air de vouloir avancer. J’ai fait un petit tour hier et j’ai goûté un peu à ce qu’est un duel d’artillerie, à moins de 30 km de chez ma mère… écrivez le plus souvent possible à Julienne, parlez-lui de la France, de la cathédrale de Chartres, du temps… »

Lettre n°15 du vendredi 17 novembre :

Rien ne va plus à Alger, où Julienne est en pleine dépression, en plein doute, en pleine crise de jalousie aussi, imaginant Joseph mener la « grande vie » ! :

« …je t’aime toujours autant, mais laisse-moi te dire que tu n’es plus la jeune fille que j’ai connue, je ne parle évidemment pas du physique ! Ne te vexe surtout pas, mais tâche de retrouver cet aplomb, cet allant qui t’étaient si caractéristiques ; tu étais résolue et décidée et maintenant tu me parais une petite fille perdue dans la foule… »

Lettre n°15 (erreur) du mardi 21 novembre :

« … tu dois être au courant par la radio si le poste remarche de la bonne avance de nos vaillants soldats. Ce soir peut-être Maman aura vu les derniers boches. Certainement dans peu je serai près d’elle… »

Lettre n°16 du jeudi 23 novembre :

Par hasard, Joseph a rencontré Paul CHÉDEVILLE, un cousin de Julienne, née à Philippeville en 1920, qui est armurier à la compagnie de dépannage de la 1ère Escadre !

« …ce soir on annonce une avance vers Strasbourg. Il y a encore de la résistance, mais je crois que d’ici 15 jours il ne restera pas beaucoup de boches de ce côté-ci du Rhin, et peut-être même y aura-t-il des Français de l’autre côté ! Chez Maman, ce n’est pas encore libéré et j’ai un peu peur qu’il y ait de la résistance dans ce coin… »

Effectivement, Strasbourg est libérée le 23 novembre 1944 par le Général LECLERC à la tête de la 2ème Division Blindée, conformément au serment qu’il avait fait à Koufra le 2 mars 1941 : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. »

« ...J’ai joué toute la journée au pompier. Notre P.C. est inondé par 12 cm d’eau, enfin mes bottes ont servi à quelque chose. Les pompiers du village nous ont prêté une motopompe, mais plus elle pompe, plus il y a d’eau… »

« ...En Alsace ça marche, hier Strasbourg, bientôt se sera Marck. (Marckolsheim, son village natal) etc… Les boches seront de l’autre côté… »

Lettre non numérotée du mardi 28 novembre :

« ...Hier j’ai eu une agréable surprise, je fus appelé près du commandant qui sans discussion me dit : « « vous partez demain à Paris avec le cne X en voiture et vous pourrez vous rendre à Chartres… » ...le voyage a été retardé de 24 h. et en principe je pars cette nuit dans une superbe voiture américaine…  je crois qu’il y a un train par jour de Paris à Chartres ; il part à 9 h avec transbordement au viaduc de Nanterre qui a sauté… je verrai donc ta maman et ton frère Georges… »

« ...En Alsace la situation semble stationnaire, chez Maman ce n’est pas encore libéré et ceci est grave car les boches à l’agonie doivent les faire souffrir… »

Joseph BIBERT, juste cinq ans après avoir quitté Chartres (mariage de 5 octobre 1939 au cours d’une permission de 24 heures), peut donc le 30 novembre passer en coup de vent à Rambouillet chez son beau-frère, Georges CHÉDEVILLE, commerçant, actif dans la Résistance, qui tente alors avec ses « relations » de trouver une solution au rapatriement de sa sœur et de sa nièce. Un émouvant courrier a été préparé le 30 novembre à Rambouillet pour Julienne (appelée « Ju » par son frère Georges qui signe « Géo » et sa belle-sœur « Lucienne » ou encore « Néne » ou « Nénénne » par ses nièces Bernadette (1935) et Elisabeth (1937)) ». Julienne, seule à Alger avec sa fille « Kiki », moral en berne, s’y morfond en attendant un hypothétique rapatriement en métropole... Joseph signe toujours du diminutif de son second prénom « Dolph », qui est le prénom usuel en Alsace. Le 1er décembre, il est à Chartres chez sa belle-mère et sa belle-sœur.

 

  

 

Elisabeth la cadette (6 ½ ans) à droite et Bernadette CHÉDEVILLE (8 ½ ans), à gauche juste avant la libération de RAMBOUILLET le 19 août 1944

Émouvant courrier du 30 novembre 1944 écrit lors des retrouvailles entre Joseph BIBERT et sa belle-famille, après 5 ans de séparation et d’angoisse, pour Julienne et sa fille toujours à Alger

 

Lettre non numérotée du dimanche 3 décembre :

Dans cette lettre de 4 pages, écrite avec beaucoup de soin à 19h 00, une heure après son retour à Luxeuil, Joseph BIBERT raconte en détail son voyage à Paris et son escapade à Rambouillet et à Chartres :

Départ de Luxeuil le mercredi 29 novembre à 3 h du matin mais arrivée à Paris seulement à 16 h ; la belle auto américaine étant tombée en panne aux environs de Troyes… Vers Rambouillet par un train qui part à 19h 00, qui roule au pas et arrive à 21h 30 ! Pas de gare, elle a été « volatilisée » ! Il passe une longue soirée avec son beau-frère Georges, son épouse Lucienne et leurs deux filles, Bernadette (9 ans) et Elisabeth (7ans). On parle de tout dans le désordre, mais en fait on ne se dit rien…

Journée du jeudi 30, à Rambouillet, quelques visites de proches, on parle d’avenir, Georges en « chef de famille » : « Il ne veut pas que tu t’installes chez maman, il a à notre disposition un superbe logement de 6 pièces à Rambouillet, vide naturellement… ». Joseph pense à cette époque qu’il sera réaffecté à la BA.122 de Chartres et il fait tout pour éviter sans doute une trop grande proximité avec sa belle-famille ; s’installer à Rambouillet à ¾ d’heure de train est donc un bon choix, mais reste à convaincre son épouse et à affronter sa belle-mère pour lui faire accepter cette idée !

Georges, Lucienne et Joseph partent en train pour Chartres le vendredi 1er décembre à 7 h : « …il fait jour cette fois, je vois et constate les dégâts le long de la voie, c’est inimaginable, surtout Épernon et Maintenon ; on passe sur un viaduc de fortune en service depuis deux jours. C’est très impressionnant ce passage de viaduc et on voit des visages qui se crispent… Arrivée à Chartres à 10h 00 … en remontant vers la poste on tombe par hasard sur Lulu (la ½ sœur de Julienne – 22 ans), c’est assez émouvant surtout pour elle… Chartres et Saint-Chéron ont beaucoup souffert, mais au 65 rien de changé, toujours la même entrée, il fait beau et le soleil éclaire le bungalow. Ta mère m’aperçoit par la fenêtre et c’est la grande crise. Elle me reçoit ou plutôt je la reçois littéralement dans mes bras, elle m’embrasse mille fois et pleure… je ne sais que dire, elle non plus… »

Puis sur la dernière page, avec patience, argumentation bien construite et beaucoup d’affect, Joseph essaye de démontrer à son épouse pourquoi leur couple et leurs enfants auraient tout à gagner à s’éloigner un peu de la rue Saint–Chéron !

Il n’en dit pas plus dans cette lettre sur son retour à Paris pour y retrouver ses compagnons de voyage, puis à Luxeuil avec la « belle » américaine un peu défaillante…

Lettre n°20 du lundi 4 décembre :

Lettre très sévère, qui reprend l’argumentaire de la précédente ! « …mais ma décision est prise, tu ne t’installeras pas chez ta mère… Elle veut mettre ton lit dans la salle à manger à la place du buffet ! Tu vois la situation pendant mes perms ! »

D’autre part Joseph s’aperçoit que toutes leurs affaires personnelles ont été dispersées, prêtés ? ou vendues. Il y a de l’eau dans le gaz et on peut penser que cette lettre n’a dû être que très modérément appréciée à Alger ! « ...mais je crois agir sagement. Explique-toi franchement en me donnant ton avis… »

Mais cet avis, on ne le connait pas, les lettres ayant été détruites… On comprend peut-être pourquoi !

Dans cette même lettre, par contre, il conclut en racontant son retour à Luxeuil : revenu à Paris en train le vendredi soir, il a pu passer la nuit chez sa tante maternelle Anna (48 ans) qui fait des ménages et habite un modeste appartement à Levallois-Perret. Elle a eu en 1919 une fille naturelle, Jeannette, qui vit en Alsace. Anna s’est mariée en 1940 avec Paul JOURAVLEFF, un « Russe blanc » qui est toujours au chômage… Esprit de famille oblige, elle est prête à accueillir Joseph et Julienne en cas de problème pour eux… Le samedi, il passe au Ministère de l’Air (Ballard) et aux Invalides pour tenter de trouver une solution pour le rapatriement de son épouse : on attend une circulaire dans 10 jours ! Le lendemain matin, dimanche 3 décembre, à Paris, la voiture est au rendez-vous pour rentrer à Luxeuil…

Lettre n°21 du mardi 5 décembre :

« ...Je suis sans nouvelle des opérations et je ne sais pas si Thann a été libérée. Par contre on sait que les boches emmènent les hommes de 10 à 50 ans, le bétail et mettent le feu un peu partout. Que vais-je retrouver en Alsace ?... »

Lettre n°22 du jeudi 7 décembre :

« ...Thann n’est toujours pas libérée, les Allemands pourtant se sont retirés de cette région et je crois pouvoir affirmer que la libération sera pour demain… je crois que d’ici peu de temps je serai à une quinzaine de km d’oncle Charles (Strasbourg) (annonce du déplacement de la 1ère Escadre sur Haguenau-Bischwiller)... »

Lette n°23 du vendredi 8 décembre :

Grande nostalgie en pensant aux Noëls d’autre fois en Alsace et aux trois passés à Alger et inquiétude pour sa mère, sa sœur et sa nièce à Thann, sur la ligne de front...

« ...il faudrait que tu installes la crèche pour Kiki si la mère Godefroy (la femme d’un mécanicien du III/6) ne l’a pas réclamée. I me semble que c’était hier que je l’ai rangée...

...il doit y avoir bien de la souffrance en Alsace ! Les boches emmènent tout sur leur chemin et les gens là-bas ont faim ! Oh que j’ai hâte de savoir enfin comment et où je vais trouver ma chère Maman ?...

...j’ai oublié de te dire que dimanche dernier au ministère j’ai vu (illisible) qui me dit que Emery est rentré d’Angleterre (un camarade mécanicien souvent cité ici) et tiens-toi bien : Gonzales est sous-lieutenant (sous Vichy !!!) ... »

Lettre n°24 du samedi 9 décembre :

« ...il fait très froid aujourd’hui, mais je souhaite que ce temps continue car vraiment il y en a assez de la pluie et jamais le ciel est bleu... pour ça évidemment ça change de l’Algérie, mais on s’y fait quand même...

...je n’ai naturellement pas de lettre de toi, c’est un peu la faute aux autorités – ils ne savent jamais où chercher le courrier ! On parle bien de la jeune Armée... mais il y a encore tellement de vieux...avec toutes leurs traditions... »

Deux phrases (soulignées) précieuses dans ces deux lettes qui expliquent bien que petit à petit les anciens cadres de l’Armée Française (dont ceux de l’Aviation) ont repris le dessus petit à petit après la libération de la France ; la « réconciliation nationale » se s’est pas vraiment faite, comme on le croit souvent de nos jours, au bénéfice de ceux qui avait pris leur responsabilité avec courage et détermination dès qu’il avait compris la situation et suivi la voie dictée par leur sens de l’honneur... Dans les années d’après-guerre Joseph, et surtout son épouse, furent souvent amers en constatant que ceux qui avait végété en France dans ce qui restait de l’Armée de l’Air, ou même ceux mis en congé d’armistice prolongé, avaient occupé rapidement les meilleurs postes en ayant même parfois su endosser astucieusement une veste d’officier au bon moment... Certains étaient leurs meilleurs camarades de Chartres, et, dans des réunions « amicales » d’Anciens, des a/c en retraite ont dû côtoyer des lt/colonels en retraite... avec lesquels ils avaient sué et sali leurs mains et leur bleu de travail dans des moteurs de Nieuport 62 ou de Dewoitine 500 avant la guerre, mais heureusement l’amitié avait fini pour certains par reprendre le dessus. Quand ils étaient encore d’active, les relations ont pu être moins chaleureuses...

 

Supermarine Spitfire - GC I/3 "Corse"

Supermarine Spitfire - GC I/3 -"Corse"

Supermarine Spitfire - GC I/7 " Provence"

Supermarine Spitfire - GC II/7 " Nice"

Divers Supermarine « Spitfire » équipant la première Escadre de chasse de 1943 à 1945

Mark Vlll - GC 1/3 « Corse » - Capitaine Pierre VILLACEQUE - Cuers - Octobre 1944 et Mark IX – 1ère Escadrille du GC I/3 « Corse » - Stuttgart-Gross Sachsenheim - Mai 1945

Mark IX - GC I/7 « Provence » - Luxeuil – 1944 et Mark V - 2ème Escadrille du GC II/7 « Nice » - 1943/1944

 

Lettre n°25 du lundi 11 décembre :

« ...ce soir à table un camarade voulait vendre sa montre, j’ai sauté sur l’occasion ; 500 fr. Il l’avait payé 700. Elle n’est pas très luxueuse mais je pense qu’elle continuer à marcher... » (Il sera obligé de la revendre un peu plus tard, sa bourse étant vide...).

...Le courrier est arrivé, un gros paquet de lettres : 1 lettre de tante Thérèse et 3 de toi, les n°17, 18 et 19. Que de bonnes nouvelles. Peut-être que cette lettre ne te trouvera plus en Algérie. C’est formidable... »

Sans doute un espoir de départ pour Julienne qui a dû être horriblement déçue dans les jours suivants puisqu’elle passera encore deux mois à Alger...

Lettre non numérotée du mardi 12 décembre :

« ... je n’ai aucune confirmation pour l’avancement. Le tableau des nominations n’est pas sorti. Donc il faut te modérer... »

Preuve que les quelques francs supplémentaires de la solde d’un adjudant-chef sont attendus avec impatience !

Lettre n°21 (erreur) du mercredi 13 décembre :

« ...je suis comme toi en plein préparatifs. Toi, c’est un grand départ, moi c’est une expédition que je tente pour aller voir Maman. J’ai réussi en vitesse à trouver : 25 kg de pomme de terre, 5 kg de viande, de la graisse, des boîtes de conserve, allumettes, un peu de savon, du pain etc...

...il y a changement de grands patrons chez nous. Je ne connais aucun des nouveaux... » (Le commandant PAPIN remplace le commandant ALEXANDRE à la tête de la 1ère Escadre)

Joseph est parti avec cette lettre inachevée, d’un seul feuillet, sur laquelle il griffonne le lendemain en bas de la seconde page : Jeudi 14-12 : Il est 10h 00. Je suis dans le pays à Youky (Ranspach). D’ici une heure je vais continuer jusqu’à vers Maman... »

L’expédition dont Joseph parle est un aller-retour tout à fait illégal fait en pleine zone de guerre de Luxeuil à Thann (où réside sa mère), via le col de Bussang et Ranspach (ou réside une de ses tantes religieuse). Elle aurait pu lui valoir une très grosse sanction disciplinaire, voire plus, si elle avait été connue de ses chefs ; elle est racontée dans une page spécifique rédigée grâce aux deux témoignages assez exceptionnels de sa sœur Elisa et de Joseph lui-même qui ont pu être recueillis en 1990.

Expédition de Joseph BIBERT à Thann du 14 décembre 1944

 

   

 

Jeudi 14.12.44

22h 00

 

Chérie – j’ai donc vu et embrassé (après bien des péripéties)

Ma maman

Elisa

Marie Jeanne et une cousine, fille de tante Anna, Jeannette

Toutes en bonne santé – Mais naturellement un, peu fatiguées.

Détails nombreux suivent.

Mais je t’aime et je t’embrasse, et tendrement de la part de maman.

 

 

Maintenant qu’elle m’a vu je crois qu’elle va reprendre bien vite.

Aie confiance, bientôt on sera réunis.

A toi chérie que j’aime je présente encore toute la tendresse immense pour toi et pour Kiki de ma maman.

 

A toi.

Dolph

 

 

A la fin de cette journée mémorable, il complète cette lettre et écrit sur une demi feuille de mauvais papier qu’il a trouvé chez sa mère, les quelques mots particulièrement émouvants transcrits ci-dessus.

De retour à Luxeuil, joseph expédie ce courrier, mais sans nouvelle d’Alger il écrit le 23 décembre à sa belle-mère à Chartres, croyant toujours depuis le 11 décembre que son épouse a pu s’embarquer :

« ...Toujours sans nouvelle de Ju. Pouvez-vous me rassurer. Je suis retourné à Thann le 19. C’est toujours la vie traquée là-bas. Je compte néanmoins retourner demain pour passer Noël. « Noël d’Alsace » dans une cave !

Encore tous mes bons voeux. »

Il faut donc croire qu’il a pu trouver un arrangement avec sa hiérarchie directe, ou que son absence à Luxeuil passe inaperçue..., pour avoir ainsi pu faire un second aller-retour Luxeuil-Thann le 19 décembre et en envisager un troisième pour Noël...

Mais ce même 23 décembre, il reçoit finalement un paquet de trois lettres de Julienne dont la plus récente lui apprend qu’elle n’a pas pu s’embarquer le 15 comme prévu. Il lui répond immédiatement et c’est dans cette lettre du 23 décembre qu’il écrit :

« Te rappelles-tu chérie cette photo où nous sommes 7 jeunes filles et garçons et sur une ardoise « EN ALASACE LIBÉRÉE ». Garde là précieusement ! »

 

Début 1919 – Sur l’ardoise : « En Alsace libérée » - Les 7 cousins « BIBERT »

Allemande jusqu’en 1914, libérée le 11 novembre 1918, date à laquelle cette photographie a été faite, devenue française après le traité de paix de 1919, redevenue allemande en 1940 par l’annexion de l’Alsace-Lorraine au « Reich » hitlérien, la famille de Joseph sait que, même si les bombes et la mitraille tombent encore en cette fin d’année 1944 sur Thann, leur seconde libération en 30 ans est sur le point d’être acquise ! Mais les combats en haute Alsace pour reprendre la poche de Colmar et chasser définitivement les Allemands de l’autre côté du Rhin vont encore être longs et sanglants ; Marckolsheim, le village familial, déjà martyrisé en 1940, va de nouveau être bombardé, mais cette fois par l’aviation américaine en tuant 15 civils le 23 janvier 1945 ; Thann située à l’entrée d’une vallée étroite reste encore sous le feu des mortiers des Allemands retranchés sur les hauteurs au nord de la ville. Ils vont s’accrocher jusqu’au 4 février avec le 2ème CA français bloqué sur les hauteurs au sud par des tirs continuels traversant le ciel de la ville de jour et de nuit. Ces tirs, ennemis ou amis tueront une vingtaine de civils, achevant de détruire la petite ville au 3/4, causant des dommages terribles à sa magnifique cathédrale gothique qui restera entourée d’échafaudages pendant plus de 30 ans avant de retrouver toute sa splendeur. Mais la famille de Joseph sortira de sa cave, affamée mais vivante et française, après deux mois de vie souterraine ! « Arrivés au bout de notre calvaire nous ressuscitons à une nouvelle vie » a écrit plus tard M. J BAUMANN dans un petit fascicule contenant des cartes et des photographies illustrant ce qui est dit ici :

« Chronique de la libération de Thann » - Texte de Jacques BAUMANN »

 HAGUENAU 

Stationnements première Escadre de Chasse - 1944/1945

Stationnements successifs de la 1ère Escadre de Chasse d’octobre 1944 à février 1945

Luxeuil – Haguenau-Bischwiller – Toul-Ochey – Essey les Nancy ...

 

Lettre non numérotée du lundi 25 décembre1944 :

Tout ne s’est pas passé comme prévu par Joseph pour son « Noël alsacien ». Parti de Luxeuil le dimanche 24 au matin sa voiture « d’emprunt » est tombée en panne au bout de quelques km. Il a passé la nuit de Noël dans le froid à la réparer mais il apprend, heureusement à temps pour la rejoindre, que la 1ère Escadre doit quitter Luxeuil le mardi 26 à la première heure, direction « 35 km au nord de l’oncle Charles (Strasbourg) » comme écrit en « code » dans la lettre qui raconte ses mésaventures.

Effectivement les escadrilles décollent le mardi 26 décembre pour Haguenau en basse Alsace, à quelques km de la frontière allemande, pour soutenir au plus près les troupes qui s’apprêtent à franchir le Rhin pour pénétrer en Allemagne.

Joseph fait ce transfert par la route en passant par Strasbourg juste libérée ; il tente de voir son oncle Charles mais sa maison est vide, mais intacte, alors que les bâtiments autour sont détruits. Il arrive dans le « village de Marie » (traduction en français de Marienthal) où le cantonnement des sous-officiers a été prévu, à moins d’un km du terrain d’aviation.

Son ami Auguste KUNTZEL, stationné dans une autre unité restant basée à Luxeuil et qui devait l’accompagner à Thann pour Noël, a réussi pour sa part à y faire transporter le colis de victuailles supplémentaires que Joseph avait préparé pour sa famille. Belle solidarité, belle amitié, le système « D » marche à plein ! Peut-être aussi que la hiérarchie ferme un peu les yeux...

Dans cette lettre une phrase est à retenir :

« ...Si tu veux écrire à Maman, écrit toujours à « Hôtel Mochenross » (employeur de sa sœur Elisa) car avant qu’on remette tous les noms des rues en Français, le facteur y perdrait la tête. Ah les boches voulaient bien germaniser et nazifier le pays ! Il restera certainement des traces. Mais comme dans la chanson « Le cœur reste français ». Naturellement il y a des brebis galeuses partout mais je pense qu’on saura sévir... »

Mais la contre-attaque allemande sur Strasbourg oblige la 1ère Escadre à se replier le 1er janvier 1945.

 TOUL 

Lettre non numérotée du mardi 9 janvier 1945 : Code du lieu : 14.22.15.12. (Toul)

Pour bien comprendre les difficultés de communication il faut lire cette phrase d’anthologie :

« ...hier enfin il y avait distribution : 3 lettres de Geo (son beau-frère), 1 de Auguste (Auguste KUNTZEL cité plus haut), 6 de toi, respectivement les numéros 4, 5, 6, 7, une sous le n¨° 11, la plus récente est la 7 du 25.12 – puis il y a la lettre express du 12.12 arrivée à destination le 7/1/1945, je crois qu’on ne peut faire mieux ! ...»

A Alger, comme elle devait partir le 15 décembre, Julienne, enceinte de 6 mois, a libéré son domicile et vendu le peu qu’ils possédaient ; le chien Youki a trouvé une famille d’accueil et elle attend un prochain bateau avec sa fille, sa valise et ses malles hébergées d’abord chez son amie chère, Raymonde KUNTZEL à Fort-de-l’Eau et, à la mi-janvier, pour être plus près du port, chez son autre amie Paulette EMERY, l’épouse de son ami mécanicien du III/6 qui après un passage en Angleterre est revenu en métropole. L’attente sera longue et son moral subira des hauts et des bas...

Dans ce courrier Joseph lui annonce un nouveau déplacement de la 1ère Escadre :

« ...on a la bougeotte dans le coin : je serai à la fin de la semaine à 21.5.21.7.19. (Nancy).

« ...les photos sont toujours à Besançon chez le photographe dont je ne connais pas l’adresse et je n’arrive pas à retrouver le commissionnaire. » (une pellicule à développer - sans doute des photographies faites à Alger avant son départ - déposée à Besançon (pourquoi ?, par qui ?) lors de son transfert de Dijon à Luxeuil et à jamais perdue : voir lettre n°7 du 27 octobre 1944).

Lettre n° 3 du mercredi 10 janvier 1945 :

« ...que nous réserve notre prochaine destination ? C’est toujours assez piquant de savoir comment on va être installé ? Cela, pas pour le confort, non, je sais me suffire de peu s’il le faut. Mais je m’amuse à regarder les autres ! Car tu sais, nos Messieurs, eux il leur faut le confort ! C’est à qui sera le mieux installé, chauffé, avec la plus belle salle bains, etc. Oh : Tu sais, il y en a encore beaucoup qui n’ont rien compris, et cela me rappelle souvent 39-40. Pour beaucoup la guerre est une distraction et moyen d’exploiter les pauvres gens ! Et c’est d’autant plus malheureux que ce sont nos patrons qui passent toujours en premier ! En principe, on devrait suivre leur exemple, mais c’est nous qui le donnons et eux devraient le suivre... »

« ...en ce qui concerne ce qui se passe en Alsace, personnellement je suis très confiant. Les boches naturellement ne se laissent pas faire, surtout là où ils reviennent. Depuis hier je sais qu’ils ont atteint des lieux où j’étais dernièrement et je pense à tous ces braves gens que j’ai connus assez pour savoir que ce sont des bons Français. Chez Maman je ne crois pas pratiquement qu’ils puissent y revenir, mais là-bas la situation est toujours critique mais sans gravité... »

 NANCY 

Lettre n°4 du samedi 13 janvier 1945 :

« ...je suis dans ma petite chambre avec deux autres compagnons... avec un bon poêle à charbon... je suis arrivé avant-hier : la première nuit je l’ai passée en ville dans une chambre d’hôtel, sans chauffage, avec une petite couverture ! Je m’en souviendrai ! J’ai dîné dans une brasserie : 50 fr !... »

« ...le 11, j’ai reçu 5 lettres de toi : les n°2, 3, 8, 9 et 10... »

Lette n° 5 du mercredi 17 janvier 1945 : R.A.S.

Le lendemain Georges CHÉDEVILLE qui se démène comme un beau diable pour hâter le rapatriement de sa sœur d’Algérie peut lui faire parvenir le télégramme suivant :

 

Intervention du Général KOENIG pour faciliter le rapatriement de Julienne BIBERT

 

Lettre n°6 du vendredi 19 janvier 1945 :

« ...il fait depuis hier une tempête terrible : pluie, neige, vent, mais vent à vous faire peur... »

Lettre n°7 du vendredi (au soir) 19 janvier 1945 :

Samedi 20 – 21h 00

« ...ici neige toute la journée, avec beaucoup de vent et ceci n’est guère favorable pour les opérations. Heureusement que les Russes « bastonnent », c’est peut-être eux finalement qui sortiront l’Alsace du pétrin... Pas de permissions en vue, nos Autorités s’en fichent. Eux, ils font des « bombes » à tout casser et le matin ils ne pensent qu’à celles qu’ils vont faire le soir ! Ils ne s’en font pas et manquent de rien !... le temps que les Russes travaillent pour eux !... Mais j’aborde un sujet critique... passons... »

Encore une phrase pour l’Histoire ? Ceux qui écrivent de nos jours que les Américains et les Anglais ont peut-être volontairement ralenti leur progression vers l’Allemagne fin 1944, pour laisser les Russes faire le sale boulot à l’Est vers Berlin et ainsi les épuiser, sont souvent raillés ! Il est étonnant d’avoir un témoignage qui prouve que c’était une rumeur qui courrait chez le « petit personnel » au bar de l’Escadrille en janvier 1945 !

Dimanche 21 – 22h 00

«  ...Bonne journée pour le front ! Offensive en Alsace. Je pense que Maman sera enfin tranquille. Les Russes continuent leur marche rapide vers Berlin. Il y a encore naturellement du chemin, il y aura encore des arrêts, mais ça fait du bien quand même et nous remet le cœur en place... »

Lettre n° 8 du mercredi 23 janvier 1945 :

« ...je suis encore dans mes papiers... il est très rare que l’on trouve quelque chose d’intéressant à traduire parmi ce stock de papiers qui nous parvient journellement... »

Lettre n°9 du jeudi 24 janvier 1945 :

« ...aujourd’hui, vu le mauvais temps on en a profité pour transformer notre P.C. et pour ces déménagements on me trouve toujours très utile... enfin, jusqu’à présent c’est toujours moi qui installe et tout le monde s’en trouve toujours très content... Naturellement je me place bien aussi... ainsi j’ai mon bureau dans un coin près du poêle. Je me suis installé un classeur et une lampe de bureau... il neige toute la journée en ce moment, donc mes bottes ne me quittent pas... on me les envie ces bottes !...

...je me lève en principe à 8h 00, je monte au P.C. toujours à pied, j’y arrive rarement avant 9h 30 ; je redescends à midi en jeep... si c’est mon tour, fait le ménage, prépare le feu, cherche de l’eau... etc... et on mange entre midi 45 et 1h 30. À 14h 00 je redescends en jeep et reste au P.C. jusqu’à la nuit, c'est-à-dire 18h 30 et souvent même plus longtemps, mais comme je ne sors pas je suis aussi bien On dîne vers 19h 30 et ce n’est donc qu’à partir de 20h 30 qu’on se retrouve seul dans la chambre... »

Ceci est la dernière lettre reçue par Julienne à Alger. Son frère inquiet de ne pas avoir des nouvelles de son retour lui a écrit les 29 et 30 janvier, ne comprenant pas pourquoi l’intervention du général KOENIG auprès du colonel PAGÈS à Alger afin d’accélérer son retour n’a pas eu d’effet... Et pourtant si ! Le 13 janvier 1945 les services du lt/c CASTELAIN, Chef du Service des Œuvres Sociales de L’Air de la Vème Région Aérienne à Alger, ont écrit à Julienne « nous vous demandons de vous tenir prête à partir à partir du 19 janvier dans les 4 jours qui suivent ». Ce ne sera finalement que le 6 février ! La lettre de son frère arrivera après son départ chez Raymonde KUNTZEL qui la réexpédiera le 7 février...

Par contre, les lettres de Joseph n° 10,11 12 et 13 ne sont pas connues, mais sa lettre n°14 du samedi 15 février 1945, la dernière de cette série qui figure dans les archives familiales, montre qu’il est toujours sans nouvelle. Elle est arrivée à Alger alors que Julienne était de retour en France et a été sans doute réexpédiée par Raymonde KUNTZEL...

 

 ÉPILOGUE 

 

Julienne BIBERT et sa fille Marie-Thérèse (3 ½ ans) ont embarqué à Alger sur le paquebot CANADA le 4 février 1945.

 

 

Retour en France de Julienne BIBERT sur le paquebot « Canada »

Dans ce bateau se trouve le champion de boxe Marcel CERDAN. Né à Sidi Bel Abbès, le « bombardier marocain » a semé la terreur sur tous les rings depuis 1933 en devenant champion d’Europe en 1939. Sa carrière mise en sommeil par la guerre, il a repris l’entraînement en 1943, expédié le célèbre GI Joe DI MARTINO en moins de deux minutes en finale du tournoi d'Alger organisé par l'armée américaine en janvier 1944 et gagné à Rome le 16 décembre 1944 le critérium international organisé par les services militaires français en battant par un K.O. sévère Frankie BRUNLEY dans la deuxième reprise. En ce début de février 1945 il doit monter à Paris avec son entraîneur Lucien ROUPP pour se préparer à affronter son compatriote Jean DESPEAUX, champion olympique en titre. Le combat aura lieu le 13 mai 1945 et il en sortira vainqueur par K.O. au 5ème round ! La suite de sa courte vie, de 1945 à 1949, sera un grand tourbillon romantique ; enchaînant les combats, les victoires par K.O., quelques rares défaites, vivant une fabuleuse histoire d’amour très médiatisée avec la chanteuse Édith PIAF, devenu la coqueluche des Américains, champion du monde le 21 septembre 1948 en battant Tony ZALE au cours d’un combat mémorable retransmis en direct à la radio française et suivi par des millions d’auditeurs, il trouvera la mort dans la nuit du 26 au 27 octobre 1949 à bord du « Constellation » F-BAZN d'Air France à destination de New York où il partait pour rejoindre la chanteuse et affronter le redoutable Frank LAMOTTA. Dans le mauvais temps, l’avion s’est écrasé contre une montagne aux Açores. « Cerdan était un vrai héros, et c'est à ce titre qu'il s'attachait les foules... ». Sa mort fera la une des journaux, dans le monde entier...

 

Marcel CERDAN

Mais l’Histoire ignorera toujours si Marcel CERDAN avait gardé le souvenir de la petite Marie-Thérèse BIBERT, qui pendant la traversée, s’était amusée à lui faire des « shampoings » dans ses abondants cheveux noirs et bouclés alors qu’il prenait le soleil sur le pont. Il existe peut-être un film du débarquement du Champion à Toulon le 6 février 1945 puisque les journalistes auraient été présents pour l’accueillir et on devrait pouvoir vérifier alors qu’il portait bien l’enfant dans ses bras en descendant la passerelle, pour aider sa mère bien encombrée avec ses bagages ; anecdote familiale souvent racontée !

La mère et la fille prennent sans attendre le train pour Paris, un voyage de plus de 12 et heures, et sur le quai de la gare de Lyon, Georges CHÉDEVILLE peut enfin embrasser sa sœur qu’il n’a plus vu depuis mai 1939 et sa nièce qu’il ne connaît pas encore ! « Regarde, lui a-t-elle dit, j’ai des belles chaussures roses ! »

 

Pour l’a/c Joseph Adolphe BIBERT, tout change aussi ; grâce à l’appui d’un ancien et fidèle camarade de Chartres, Yvon EHRARD, il est affecté, par la décision n°1814/SPM2/ED du 8/2/435 à l’Inspection Technique au Ministère de l’Air, ce qu’il ne sait pas encore le 15 février puisqu’il n’en parle pas dans sa lettre datée de ce jour-là.

Il ne sait pas encore non plus que par la décision n°061/SPM/M/25 du 14 février il a été nommé adjudant-chef avec effet rétroactif au 1er décembre 1944...

Joseph quitte donc la 1ère Escadre avec une permission d’une semaine pour retrouver son épouse et sa fille qui se sont installées dans la maison familiale de Saint-Chéron à Chartres. Julienne a gagné la première manche...

Le 27 février 1945, il prend ses nouvelles fonctions au Ministère de l’Air place Ballard à Paris.

Le 5 avril 1945 naît à Chartres François-Xavier BIBERT qui s’est donné beaucoup de mal entre 2008 et 2020 pour reconstituer le parcours de ses parents pendant ces années de guerre et écrire leur petite « histoire »...

 

   

Julienne, Marie-Thérèse et François-Xavier BIBERT – Maternité de l’Hôtel-Dieu de Chartres

Quelques semaines plus tard la famille BIBERT, maintenant au complet, s’installe à Rambouillet, au 33 de la rue du Général de Gaulle, anciennement rue nationale, dans le petit appartement que Georges CHÉDEVILLE a préparé pour sa sœur, son beau-frère, sa nièce et son neveu. Joseph avait un peu exagéré en parlant d’un appartement de 6 pièces dans une lettre à son épouse... mais il a gagné la seconde manche ! Dorénavant, il prendra chaque matin le train à la gare de Rambouillet pour celle de Montparnasse à Paris, puis le métro pour le Ministère de l’Air, mais au moins, chaque soir, il sera seul avec son épouse et ses enfants... sa famille !

Et le 8 mai 1945 la guerre est terminée...

1945 – Rambouillet - Rue du Général de Gaulle

 

F-X. BIBERT – 09/2008 - 05/2020

 

 

 

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Ce site a été créé en juin 2008, et la première partie de « L’Histoire des Hommes du Groupe GC III/6 - La guerre de Joseph BIBERT » a été mise en ligne en septembre. Depuis, ce sont de très nombreuses annexes à cette histoire qui ont été écrites et publiées, dont les biographies de certaines « Figures » de ce célèbre Groupe. D’autres pourront encore être ajoutées. Les recherches pour rédiger les seconde et troisième parties ont été longues, mais fructueuses : elles ont été mises en ligne en février 2020 et mars 2022.Toutes ces pages ne sont pas figées et elles (ont été ou) seront modifiées et complétées au fur et à mesure que des informations nouvelles (ont été ou) seront connues et que de nouveaux documents (ont été ou) seront mis à la disposition de l’Auteur. Merci tout particulièrement à Lionel PERSYN et à Alain COSTE, merci à tous les autres contributeurs dont Philippe MENNEGLIER et à Alain PIESVAUX qui m’ont communiqué tant de précieux témoignages et documents originaux ! C’est le point fort d’Internet que de pouvoir procéder ainsi pour les études historiques. Et en conclusion, merci d’avance à ceux qui pourraient aider à compléter ces pages en exhumant de vieilles archives familiales...

 

 

SOMMAIRE de cette « HISTOIRE DU GC III/6 »

Au GC III/6

EN FRANCE

Première partie :

Avant la guerre

L’entrée en guerre : de CHARTRES à VILLACOUBLAY

BETZ BOUILLANCY (3/09/1939 15/11/1939)

Seconde partie :

WEZ THUISY (15/11/1939 – 30/04/1940)

CHISSEY SUR LOUE (30/04/1940 – 20/05/1940

COULOMMIERS (20/05/1940 – 31/05/1940)

LE LUC (31/05/1940 – 18/06/1940)

PERGIGNAN LA SALANQUE (18/06/1940 – 20/06/1940)

EN A.F.N.

Troisième partie :

Le transfert en Algérie

ALGER MAISON BLANCHE (20/06/1940 - 24/06/1940)

CONSTANTINE (24/06/1940 – 11/07/1940)

ALGER MAISON BLANCHE (11/07/1940 – 15/01/1943)

AÏN SEFRA (161/01/1943 – 19/06/1943)

PORT-SAY – BERKRANE (19/06/1943 – 03/08/1943)

LAPASSET (03/08/1943 – 25/04/1944)

Retour à Alger dans le corps es interprètes...

Avec la première Escadre de Chasse

GC I/3 « Corse » - GC I/7 « Provence » - GC II/7 « Nice »

LA LIBÉRATION DE LA FRANCE

LUXEUIL (21/10/1944 - 25/12/1944)

HAGUENAU - BISCHWILLER (25/12/1944 - 01/01/1945)

TOUL – OCHEY (01/01/45 - 14/01/45)

ESSEY LES NANCY (14/01/1945 - ...)

 

 

 

Le CDcomplet de la carrière de Joseph Adolphe BIBERT

Le CD complet de la carrière militaire de Joseph Bibert

(Document familial - diffusion restreinte)

 

 

 

 

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