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Capitaine Roger Paul DÉMOULIN
Pilote aux GROUPES de CHASSE :
GC 1/6 – GC 3/9 - GC 2/6 – GC 1/4
Commandant de la 6ème
Escadrille
du GROUPE DE CHASSE
GC 3/6 ROUSSILLON
(1917 – 1944)
Janvier 1940 – CIC de CHARTRES en
stage de tir à Montpellier
Page réalisée par Philippe MENNEGLIER
et placée en complément du
Site Internet de François-Xavier BIBERT
dont une partie est consacrée au
Après le
décès de mon père j'ai retrouvé de nombreux documents qu'il avait collecté sur
« Démoulin » (comme il l'appelait). Il s'était lié d'amitié avec lui
lors du passage au CIC de Chartres au début de la guerre et avait continué à
entretenir des liens après l'armistice. Mon père avait été très affecté par sa
disparition. Il nous avait souvent parlé de lui. Je pense que ça lui ferait
plaisir de voir que Démoulin n'est pas oublié.
On peut
revivre à travers ces quelques documents les frustrations et les exploits de ce
jeune pilote. De l'impatience pendant la "drôle de guerre" jusqu'à
l'abattement et la désillusion après l'armistice.
On ne peut
qu'être ému par la joyeuse désinvolture, l'humour, la bonne humeur et la
modestie qui transparaît à travers les dessins et les écrits qu'il a laissés.
Philippe
Menneglier
mars
2014
Roger Paul DÉMOULIN
Il est né
le 09/11/1917 à Paris.
Ayant
réussi les concours de Ecole Navale et de l'Ecole de l'Air, il choisit l'Ecole
de l'Air en septembre 1937 et intègre la promotion Mézergues à Salon de
Provence.
Il suit les
formations de perfectionnement au pilotage à Romilly puis à Etampes avant
d’intégrer de C.I.C. (Centre d’Instruction à la Chasse) de Chartres en octobre
1939.
Nommé
sous-lieutenant, il est affecté au GC I/6 qui se trouve à Chissey-sur-Loue en
mars 1940 et vole sur Morane Saulnier MS 406.
Le GC I/6
participe ensuite à la bataille de France en étant stationné à Berck,
Marignane, Lognes-Emerainville, Connantre... avant de se replier par étape vers
le sud jusqu’à Salon de Provence.
Le
17/4/1940, Démoulin obtient une victoire homologuée en collaboration
avec le commandant Tricaud et le capitaine Bruneau sur un Junkers 52.
Suite à
l'armistice, le Groupe est dissous en août 1940, ayant enregistré 23 victoires
officielles et perdu 12 pilotes.
En
octobre 1940 les restes du GC I/6 sont fondus dans le GC III/9, équipé de Bloch
152, basé à Salon de Provence.
En
janvier 1942, le GC II/6 se reforme à Toulouse en étant équipé de Dewoitine
D.520. Démoulin est affecté à la 2ème escadrille. Le Groupe est
envoyé à Thiès en A.O.F. (Dakar) en avril 1942.
Après le
débarquement allié de novembre 1942 sur l’Afrique du Nord, le Groupe est
dissous. En janvier 1943, Démoulin est affecté à la 2ème escadrille
du GC I/4 équipé de D.520 puis de Bell P-39 « Airacobra » à partir de
juillet 1943.
Démoulin
prend le commandement de la 2ème escadrille du GC III/6
« Roussillon » en janvier 1944, équipé de P-39. Après le débarquement
allié de Provence d’août 1944, le Groupe est envoyé en métropole début
septembre pour participer, après avoir été formé au bombardement en piqué, à la
libération du sud de la France et de l’Italie du Nord.
Le
« Roussillon » stationne un mois à Salon de Provence avant d’opérer
depuis l’aérodrome d’Istres - Le Tubé.
Le Capitaine
Démoulin disparaît aux commandes de son P-39, le 21 novembre 1944, lors de
l'attaque du pont de Gaiola en Italie.
Hommage
rendu au Capitaine DÉMOULIN
après sa
disparition du 21 novembre 1944
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Lorsqu’au
hasard de la vie, il nous échoit la rare chance de rencontrer « un
Homme », il faut marquer ce jour d'une pierre blanche.
Nous
n'y manquerons pas, en l'honneur du capitaine DÉMOULIN, qui vient de
disparaître au champ d'honneur comme il n'avait cessé de vivre, dans le simple
et joyeux accomplissement du sacrifice quotidien.
Quelques
jours auparavant, le sort lui avait renouvelé ses avertissements : un obus
avait crevé son réservoir, et par miracle, l'appareil n’avait pas pris feu.
Mais le capitaine DÉMOULIN nous avait accoutumés aux miracles. Il avait de son
rire frais et salubre, si simple, il avait négligé cette menace, comme il avait
négligé toutes les autres depuis cinq ans. Il nous semblait alors que ce rire
conjurerait éternellement le hasard par sa simple vertu de négligence...
Mais
le 21 novembre, le sort qu'il avait si souvent forcé se lassa. Alors que pour
la seizième fois il se jetait avec sa belle insouciance à travers les mailles
serrées d'un rideau de D.C.A., son appareil tituba, privé de l'âme qui
l'habitait, et un petit nuage de poussière et de fumée marqua sur les champs
d'Italie la place ou le Capitaine DÉMOULIN venait de rencontrer son destin.
L'Aviation
Française peut pleurer : le Capitaine DÉMOULIN portait en lui toutes les
plus belles qualités de notre race. Son intelligence lumineuse lui avait valu
d'être admis à la fois à l'Ecole Navale et à l'Ecole de l'Air. Il aimait
l’Aviation d'amour : il l'élut et se voua à elle entièrement, lui fit le
don total et désintéressé de lui-même.
A
l'école, ses amis adorèrent aussitôt en ce gentil garçon prompt à rire et à
chanter, la netteté du visage et du caractère, la clarté du regard et la
brillante insouciance. Fantaisiste mais sérieux, naïf, modeste mais efficace,
il savait allier â une vertu joyeuse, une inépuisable allégresse.
La
guerre le saisit avant qu'il n’eût le temps de vivre, puisqu'il sortit de
l'école le 8 juin 1939, et que depuis ce jour il ne devait connaître de la vie
que les fatigues et les joies ardentes des camaraderies de combat, les bruits
de moteur autour des tentes, dans tous les coins du monde où des Français se
battaient.
Hâtivement,
il se forme au C.I.C. de Chartres, et le 19 mars 1940 il rejoint le GC 1/6. Et
c’est la parade épique et désespérée de l'Aviation Française, menée sur les
vieux Morane essoufflés, les missions obscures et meurtrières des attaques de
chars, que la gloire ne retient pas. Cependant sa Croix de Guerre s’est bien
vite ornée de deux palmes et un clou. Ses compagnons tombent autour de lui,
mais il semble que son insouciance extraordinaire et sa bonne humeur le
protègent. Il avait « fait » le Groupe, l’avait marqué de sa
personnalité, et ce tout jeune Lieutenant fut admis à l'honneur de conduire son
escadrille au combat.
L’Armistice
surprit un Groupe si anémié et clairsemé, qu’il dût se fondre avec les restes
du 3/9, et la grande misère de l'Aviation Française commença.
Un
Groupe, le 2/6 se forme pour aller en A.O.F., et la capitaine DÉMOULIN est
naturellement volontaire. Au cours d’une longue attente et dure attente, sous
un climat terriblement démoralisant, il dispense à tous cette foi tranquille et
cette légèreté maîtresse qui ont raison de tous les découragements...
Ne
nous étonnons pas de le retrouver, l'un des tous premiers, sur les premiers
avions Américains. Il s’entraîne ferme à Médina. Le 2/6 dissous, il est affecté
au 1/4 qui rentre en lice. Vingt-sept missions de guerre à La Sebala, vingt-six
missions de guerre à La Reghaïa, le voici commandant de la 2ème Escadrille
du GC 3/6, où il exécute de mars à décembre quarante-trois missions de
guerre....
Mais
cette guerre de côtes, toute dangereuse et ingrate qu'elle fut ne lui suffit
pas. Il piaffe, jusqu'au jour merveilleux entre tous du retour en la douce
France, où la lutte allait reprendre son caractère acharné, et où le capitaine DÉMOULIN
devait terminer, à la seizième mission, à vingt-six ans, son étincelante
carrière.
C’était
un homme de France simple et gai, droitement allant, de vertu joyeuse et
d’esprit clair et profond, de ceux dont l'exemple réconforterait ceux qui
douteraient de nos vertus.
Mais
aux innombrables amis qu’il comptait, sa disparition semble impossible. On l’a
vu tomber, on ne l’a pas vu mourir. Il est de ceux qui forcent l'espoir, et les
miracles sont si fréquents chez nous que personne ne s’étonnerait si quelque
jour il nous revenait pour nous conter à sa manière, une de ces savoureuses
histoires dont il avait le secret.
Allocution prononcée
par le lieutenant LABAS, après la cérémonie religieuse à la mémoire de Roger DÉMOULIN
GC III/6
« Roussillon » - Istres 11/1944
Extraits
des mémoires de Jean MENNEGLIER
Démoulin
était un camarade très original qui avait un don du dessin humoristique
remarquable. Il faisait des dessins à la Dubout dans lesquels les personnages
grouillaient. Il avait été reçu à Navale mais avait préféré le Pièg’ (Ecole de l’Air). Il faisait partie de ceux
qu'on appelait les « Air Inté ». C'était un fana de musique et
j'aurai l'occasion de reparler de lui. Nous sympathisions mais malheureusement
la guerre nous sépara et il fut descendu en Italie par la Flak. Ce fut un de
ceux dont la perte me fut cruelle.
A notre
arrivée à Etampes le terrain était plein d'avions : les nôtres et tous les
petits avions civils qui avaient été réquisitionnés avec leurs pilotes. Il y
avait une foule de réservistes. Parmi eux était l'acteur de cinéma Noël-Noël
(Ademaï) qui était réserviste de l'Air. Nous eûmes le plaisir de le voir de
près lors d'un arrosage auquel nous l'avions convié.
Il y eut
aussi la première alerte. Les sirènes se mirent à mugir dans la nuit mais rien
ne se passa. Cela inspira un pastiche du songe d'Athalie à Démoulin qu'il écrivit
et illustra à la manière de Dubout sur le « Journal de Marche » de
l'escadrille:
C’était
pendant l’horreur d’une profonde nuit
Ma
propriétaire devant moi s’est montrée,
D’un
méga masque à gaz pompeusement parée,
Même
elle avait gardé la capsule vitrée
Dont
elle avait pris soin d’assurer le vissage
Pour
empêcher des gaz l’irréparable outrage.
« Tremble m’a-elle dit, y’a du pet sous mon toi !
Prends garde de tomber sous leurs coups redoutables
Mon fils ! » Et en disant ces mots épouvantables
Sa trompe vers moi a paru se pencher
Et je tendais les bras pour mieux la repousser,
Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange
De flasque caoutchouc et de métal étrange...
......................................................................... (Un
vers m'a échappé)
Que ses cheveux semblaient se disputer entre eux.
Et il avait
fait des renvois à propos de « Nazis » : vient de nase (nez). Se
dit de quelqu'un qu'on a dans le nez. Et pour
« "Caoutchouc » : du sanscrit Kotcho, désigne une matière
servant à faire des objets à la gomme....
Ecole de
l’Air
Promotion
Mézergues
1937 – 1939
|
Ecole
de l’Air Versailles – 22.4.1939 – Division des Officiers de l’Air – 1er
Groupement Officiers instructeurs et Aspirants de la promotion
« Mézergues » 1937-1939 |
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Aspirant
Roger DÉMOULIN |
Caricatures des
cadres de l'Ecole de l'Air dessinées par DÉMOULIN et JEANDEL
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C.I.C. de
Chartres
Octobre
1939 - Février 1940
Lire : Au C.I.C. de Chartres – Mémoires de Jean MENNEGLIER
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DÉMOULIN aux commandes d’un MS.406 à Chartres |
DÉMOULIN et GILBERT en promenade à Sète |
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DÉMOULIN devant un MS.406 à Chartres |
PORODO, FOUCHIER, ROCHAS, D’AVOUT D'AUERSTEDT, DÉMOULIN, PATURLE sur le terrain
de Montpellier |
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ROCHAS, DÉMOULIN, MADON, AUDEBERT sur le terrain de
Montpellier |
Lt X, DÉMOULIN, DUBOUCHER, MENNEGLIER, FEUILLERAT sur le terrain de
Montpellier |
GC I/6 –
Chissey-sur-Loue
Mars 1940 –
Mai 1940
Site de Raymond CIMA - Fils d’un mécanicien du GC I/6 – Chissey-sur-Loue
Extraits du
« Journal de Marche » du GC I/6 illustré par DÉMOULIN
Seules quelques
pages illustrées figurent ici – Le « Journal de Marche » complet peut
être consulté au SHD.
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GC I/6 – De
Berck à Salon de Provence
Mai 1940 –
Juin 1940
Site de Raymond CIMA – Fils d’un mécanicien du GC I/ - Berck
Quelques courriers
de Roger DÉMOULIN à Jean MENNEGLIER et suite du « Journal de Marche »
NOTA : ces courriers rares sont
particulièrement intéressants, parce que normalement la censure interdisait de
citer des noms de personnes, de lieux, des actions de guerre et tout ce qui
pouvait donner des indications négatives sur le matériel, sur les combats en
cours et le moral des combattants. Ces quelques lettres permettent de mieux
comprendre ce que fut l’ambiance des mois douloureux de la Campagne de France
et la condition de « l’Armée de L’Air de l’Armistice » en 1941 et
1942, particulièrement au moment de la triste campagne du Levant contre les
britanniques et la France Libre en mai-juin 1941...
François-Xavier Bibert
Jean MENNEGLIER vient de quitter Wez-Thuisy et de faire mouvement sur Chissey-sur-Loue avec le GC III/6
qui prend la suite
du GC I/6 de Roger DÉMOULIN,
transféré à Berck puis à Marignane.
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Samedi 15/05/40
Chers vieux,
J’ai bien l’impression, d’après ce que j’ai ouï dire, que vous avez pris
notre place, et d’après ce qui s’est passé avant-hier et hier (attaque de la France par l’Allemagne)
vous avez dû être en bonne place pour dire bonjour au Fridolins.
Nous, malheureusement, dans ce groupe à la con, nous avons quitté les coins
à gibier pour venir à l’extrême arrière nous ronger les poings.
Evidemment, il n’y a rien de spécial à raconter. Paturle va sans doute
venir chez vous. Ce ne sera pas la plus belle affaire de sa vie.
J’ai retrouvé ici pendant quelques jours le nommé Duranthon qui a traversé
la baille (la mer Méditerranée) en
406 (Morane Saulnier 406)
vers la Tunisie.
Je n’ai aucune nouvelle des autres petits camarades et j’espère qu’ils se
portent bien – sans se faire descendre trop souvent.
J’espère bientôt de tes nouvelles.
A toi bien amicalement.
Signé : Démoulin
Est-ce
que les baraques HBF que nous avons montés vous conviennent ?
Le GC I/6 se trouve
à Lognes-Emerainville, l’offensive
allemande bat son plein.
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Mardi
(28 mai 1940)
Chers
vieux Men,
J’ai lu ta lettre avec plaisir et je vois
que Chissey est pour vous ce qu’il a été pour nous. Fatigue relative, résultats
médiocres.
Où nous sommes, changement de décors.
Est-ce en bien ou en mal ? Tu sais, nous ne demandons qu’à bagarrer mais
dans les conditions où nous sommes c’est très dur.
Nous nous promenons sur les secteurs de
Arras – Douai – Péronne, tous les coins où çà barde le plus et où les Me 110 se
rencontrent par patrouille de 20.
Inutile de te dire nos pertes. Heureusement
on en voit revenir au bout de trois ou quatre jours sans qu’on ait eu de
nouvelles entre temps. Notre patron (le
commandant Tricaud) est revenu par Londres où il a été
incarcéré 24 heures. Il avait bagarré contre trois Me 109 (le 21/05/1940) n’ayant plus d’armement et s’est fait
descendre ; les taxis ont été corrects, ils ont tourné autour du pépin
sans tirer.
Un autre descendu en Hitlérie (c'est-à-dire
Douai) avec un parachute crevé (le
2O/05/1940), brûlé à la figure et aux reins, est resté une demi-heure sur le carreau
puis en unif. (uniforme) ses effets de vol sous le bras a repassé
les lignes (si on peut appeler ça les lignes) en vélo et est venu s’échouer à
Paris. C’est le s/lt. Duchêne (Duchêne-Marulaz).
Paturle à sa première mission (le 18/05/1940) de guerre a eu un éclat de DCA dans le bras
qui lui a enlevé le gras de l’épaule droite, mais a fait les 100 km nécessaires
pour rentrer au terrain. A l’hôpital deux jours après, voyant 3 trous dans son
pantalon, s’est fait passer à la radio et s’est aperçu qu’il avait trois pelots
dans les fesses. Il est actuellement en perm.
La DCA boche est terrible et nous y
laissons des plumes et nous sommes trop gonflés pour notre matériel. En
patrouille simple avec le cne Bruneau
(le 18/05/1840) nous errions à 30 km des boches :
attaque d’un Do 17 – touché - capitaine Bruneau touché – perd de l’altitude.
Nous suivons à 800 m. – barrage de DCA et de défense de terrain formidable –
des obus incendiaire dans tous les coins.
Le capitaine descendu en flamme a piqué sur
une batterie et l’a mitraillé jusqu’au bout.
Je suis rentré en rase poil (rase-motte), j’ai passé le front à 20 m. d’altitude
sans voir quoi que ce soit qui puisse le déceler... et n’ayant plus un poil de
sec. Evidemment, taxi criblé d’éclat.
Dans toutes les missions il y en a qui
reste en panne, qu’on revoit, ou qu’on ne revoit pas.
Je suis second d’escadrille et même
quelques fois chef de patrouille dans la couverture du terrain quand on en
fait.
La première escadrille est commandée par
Raphenne qui a deux Fridolins à son actif et qui s’est fait prendre une fois à
partie par six Me 110 et il était seul dans la nature. Il s’en est sorti.
Aujourd’hui mauvais temps béni, ça fait un
jour de repos en perspective.
J’ai été à l’Etape à Paris où dans le
fameux cahier on recueille des renseignements très complets sur la majorité des
camarades (même du bombing ou des GAO). C’est maintenant un cahier qui dépasse
le cadre de la promo et s’étend au moins au CIC de Chartres. Flandi (Groupe GC I/87) et Rupied (Groupe GC III/7) ont été descendus. Gouachon (Groupe GC I/8) coiffé par 4 Me 109 en Bloch 152 en a
descendu un et s’est barré.
J’ai vu Scotte qui avait une balle dans le
bras, etc... et le patron paye le pot aux gens de passage – Goupy (Groupe GC I/5) une dans la cuisse.
Actuellement RAS.
Amitiés les plus sincères.
Signé : Démoulin
J’ai perdu ta lettre et mon carnet
d’adresses aussi je t’envoie le laïus par BCM.
« Journal de
Marche » du GC I/6 écrit et illustré par Démoulin : repli vers le sud de la France
Seules quelques
pages illustrées figurent ici – Le « Journal de Marche » complet peut
être consulté au SHD.
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Le GC I/6 a terminé
son repli chaotique vers le sud à Salon
de Provence le 23 juin 1940 – Les armistices avec l’Allemagne et l’Italie
ont été signés...
Roger Démoulin est toujours en France à Salon de Provence avec les débris du
GC I/6 tandis que
Jean Menneglier est à Alger avec le GC III/6 qui a été bien rééquipé en Dewoitine D.520
avant sa traversée de la méditerranée et l’armistice.
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Samedi 15/7/40
Mes vieux copains,
Ta carte du 8 juin, vieux Men, je l’ai reçu le 28 juin, et comme je suis flemmard
tu attendras bien le 14 juillet pour avoir de mes nouvelles. J’aurais tant de
choses à te dire, sur le Groupe, sur les copains du Pièg’ (Ecole de l’Air) que ce format ne peut qu’en contenir le
quart.
Le I/6 termine la bagarre à Salon camouflé dans la ligne de peupliers qui
se trouvent près de Lançon. Il termine avec 8 pilotes et le même nombre de
taxis usés jusqu’à la corde et troués comme des passoires. Ma pomme étant
commandant de la 1ère escadrille, la seule qui reste, faite avec les
débris des deux précédentes.
Paturle tué en attaque de chars le 5 juin. De Saint-Mars le même jour au
même travail. Marconnet venu en renfort avec une escadrille du II/3 (commandée
par Labit) le 6 juin au même travail. Raphenne tué à Romans (Isère) le
24 juin à 20 h. en attaque de colonne motorisée et votre serviteur se
sortant de cette ultime bagarre tout étonné d’être encore indemne. Kulhanek et
les tchèques évacués dans un endroit que je ne nommerais pas (l’Angleterre).
Bref, en un mois, 53 avions usés, 27 pilotes descendus dont 17 morts ou
disparus et 5 blessés.
C’est vous dire qu’on a sérieusement trinqué. Mais avec leurs attaques de
chars nous avons largué 7 pilotes en 3 jours.
Comme autres nouvelles : ai vu Du Boucher, Pelletier et Sagon à
Marignane, Sagon décollant comme un fou à l’alerte sur Marseille empaille un
Morane, le détruit complètement et se retrouve sur le ventre. Ai vu deux fois
Jhonny (?), Condé, Flac (?), Brachet en bonne forme sur 210.
Maintenant et malheureusement les types qui ont trinqué. Lataille (Lataille-Trétinville +06/06/1940),
Pomier (Pomier-Layrargues, +06/06/1940),
Batut (+17/05/1940), Flandi (+11/05/1940), Scotte (+3 juin 1940), Gilbert (en captivité en fait), morts. Mousset la figure défoncée dans le
collimateur. Jeandet gravement blessé à l’œil. Emery (+ 05/01/1940), Mayerhoeffer (+25/05/1940) morts ou disparus ? Fournier (+11/05/1940) disparu. C’est tout ce que je sais.
Je vous envoie cette bafouille à tout hasard à votre secteur postal. Moi
mon adresse est GC I/6 – Base Aérienne Salon de Provence etc...
J’oublié le Pitchoun (Decastello
+03/06/1940)) qui s’est tué en faisant un tonneau lent à
basse altitude. Vous êtes sans doute aussi à l’attaque de Toulon qui nous a
valu pas mal d’heures d’alerte (après
Mers el Kébir, on craint que la marine britannique attaque la flotte
française à Toulon).
Amitiés.
Signé : Démoulin
GC III/9
Septembre
1940 - Janvier 1942
Extraits du
« Journal de Marche » du GC III/9 écrit et illustré par Roger DÉMOULIN
Seules quelques pages
illustrées figurent ici – Le « Journal de Marche » complet peut être
consulté au SHD
Le GC III/9 à Salon
de Provence est maintenant équipé de Bloch 152, peu apprécié des pilotes, et
baptisé « La synagogue » - Les vols sont très rares...
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Extraits des
mémoires de Jean MENNEGLIER, démobilisé en Algérie en novembre 1940,
et qui se trouve au
groupement « Jeunesse et Montagne » de Chaillol près de Gap.
J'étais toujours
resté en correspondance avec Démoulin qui m'écrivit un jour pour me demander
s'il pouvait venir faire un séjour avec nous pour faire du ski. Accord lui fut
donné par le chef de centre et je le vis arriver, sans doute à pied depuis St
Bonnet où s'arrêtait le car venant de Gap. Je ne me souviens plus de la durée
de son séjour. Probablement une quinzaine de jour. Pendant qu'il était là il y
eut de fortes chutes de neige avec tempête. Le col Bayard fut bouché par
d'énormes congères. Démoulin partit à ski pour rejoindre Gap et je reçus une
lettre de lui me disant qu'il en avait bavé pour y arriver. Ce fut la dernière
fois que je le vis. Il partit en Afrique et je changeai d'adresse sans avoir la
sienne.
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(11 décembre 1940)
Cher vieux Men,
Nous venons de recevoir ton fils (élève
de l’Ecole de l’air de la promotion 1938, « bleu » de Jean
Menneglier, non identifié) mais nous ne pouvons pas l’employer
maintenant en raison du manque de moyen de transformation.
D’après ce que tu me dis, je préférerais encore faire ce métier qu’être
« bâsier » ou « garde mite ». Car je suis de la classe
« B » et si le Groupe disparaît, c’est ce qui me pend au nez. Comment
est le BB, il est toujours aussi em..., je suppose. Néanmoins Je crois qu’il
doit être assez sympa dans les circonstances dans lesquelles vous vous trouvez.
Je vais prendre une perm de 20 jours à partir du 26 décembre. Ne
pourrais-je pas te rendre une visite de quelques jours ? Ecris moi si
c’est possible.
Nous venons ce matin de faire une manœuvre avec la marine, Strasbourg (Navire de ligne de 26 000 t., mis en service en
1939, sabordé en 1942) en tête, etc... On protégeait 12 Bloch, 12
Amiot 143. Vois d’ici la rigolade. Nous avons attaqué l’arsenal de la Seyne
sans réaction adverse. C’était du gâteau. Survol de Marseille à 24 avions,
démonstration au-dessus de Salon, les pékins du rez-de-chaussée en ont eu
certainement la tremblote.
Dans l’espoir d’avoir bientôt de tes nouvelles. Amitiés sincères.
Présentes mes respectueuses amitiés à De Chezelles. Ici en instance de
départ il y a Le Boëdec, Michel (?),
Marchelidon, Rossigneux, Baugnies de Saint-Marceau... Jean (?) est au sous-secteur de défense sud-est,
Tariel est en A.O.F. (sur P-25 sans doute) dans l’escadrille de Baratoux (cne René BARATOUX – 6ème Escadrille d’A.O.F.) !!!
Signé Démoulin.
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Roger DÉMOULIN à Chaillol en février 1941 |
Chaillol en 1941 |
Juillet 1941
Courrier de Roger DÉMOULIN
à Jean MENNEGLIER
Roger Démoulin se trouve à Toulouse, en
stage de formation sportif, avant de rejoindre son Groupe, le GC II/6, qui va
être déplacé à Hyères.
Jean Menneglier est lui au groupe Jeunesse
et Montagne qui se trouve au Col de la Porte en Savoie.
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22 juillet 1941
Mon cher vieux Menneglier
Je t’ai laissé tomber depuis la réception de ta dernière lettre. D’une part
j’espère que ma prose ne te trouvera plus au col de Porte puisque c’était là
ton espoir, d’autre part j’espère qu’elle ne tombera pas dans le vide.
Je connais l’amertume qui a dû s’emparer de toi lorsque tu as appris que le
3/6 était parti en Syrie. Cette déception, je l’ai éprouvé aussi, car sur le
point de m’y rendre, j’ai été stoppé car mon Groupe devait se rendre à Alger
pour remplacer le 3/6 et tout volontaire du 3/9 était débouté d’office.
Mousset, un peu plus veinard est parti, mais trop tard puisque je viens
d’apprendre qu’il a été arrêté à Athènes et maintenant il doit être revenu.
C’est enfin une belle occasion de bagarrer qui a été manquée, mais l’espère
bien qu’on en retrouvera une autre... bientôt.
Le rayon d’action des avions de chasse ne gêne plus les hautes sphères de
l’aviation ? Ah non !
Le cas du Bloch est typique : deux consoles, une couverture de troupe,
une caisse en dural, un raccord deux sangles et voilà comment on met 150 kg
d’essence dans la queue de la synagogue. Nous avons tous essayé ce petit
système sur notre taxi personnel. Le résultat a été assez curieux, mais
satisfaisant. D’abord cela n’a pas précisément augmenté les qualités
manœuvrières du taxi. A nous la ligne droite dans la crainte de voir les
sangles laisser échapper un bagage aussi dangereux ! Ensuite, ayant un
explosif entre le convertisseur et l’émetteur, nous qui ne sommes pas fou, nous
avons cessé le trafic radio.
Et ce qu’on n’avait pas prévu, ce réservoir étant en charge sur le
principal, la capsule du manomètre sautait régulièrement et tu voyais un petit
jet d’essence analogue à un jet d’eau de bassin à poisson agrémenter le
panorama intérieur et transformer la cabine en piscine. Résultat pratique, 800
km à 1000 km. Selon les avions.
Inutile de te dire que lorsque tout a été au point, la mécanique ayant sué
sang et eau pour réaliser la chose, les pilotes s’étant fait chier trois heures
en l’air pour déterminer le rayon d’action, il n’était plus question de
transfert et tout a été démonté.
Quant aux Morane qui sont partis en Syrie, on leur a mis 1300 km dans le
ventre au moyen de 300 litres supplémentaires : deux réservoirs sous les
plans.
Donc, au lieu de prendre le départ pour la Syrie j’ai illico presto pris la
route opposée, laquelle route m’a conduit à Toulouse au Groupement Sportif de
l’Armée de l’Air : stage d’Elève Moniteur d’Education Physique et
d’Apprenti Officier des Sports. Qui commande ? Houppenet
(?) le sapeur et il se défend très bien. Qui
sous commande ? Ajacque (?), maintenant capitaine.
Stage très sympathique mais crevant car on veut en deux mois nous faire
ingurgiter un tas de notions, aussi bien dans les amphis que sur les stades. Il
y a des compositions et des examens, et des compétitions. Vive le Sport !
D’ailleurs, nous nous forgeons une morale très bien que nous devrons à notre
tour inculquer aux gorilles de l’Armée de l’Air lorsque nous les commanderons
sur les stades des formations... quand il y en aura !
Le stage se termine début août...
Je ne retournerai pas à Salon mais à Hyères où se transporte le Groupe. Ça
c’est sûr. C’est même peut-être déjà fait (en fait 1er août 19141). D’après les tuyaux qui me parviennent par
lettre c’est formidable. Il n’y a pas de marins mais ils nous donnent leurs
installations qui sont absolument solides. Piaules accompagnées de salle de
bains, salles de jeux, fumoirs, etc... etc... et en plus la mer en bout du
terrain.
Çà console un peu de n’avoir pas vu l’Afrique du Nord.
Depuis un mois, je suis Chef de patrouille, ayant passé avec succès les
épreuves officiellement imposées par la première région. Je comprends que cela
te rende un peu amer, mais si par hasard tu pouvais t’évader du mouvement et
que tu essayais de te glisser dans un Groupe, tu aurais par moi les plus
chaudes recommandations auprès du commandant Sarrault qui a succédé au
commandant Tricaud parti commander le 2/5 à Casa (Casablanca).
A toutes fins utiles, je puis t’assurer, presque officiellement la
reformation de 12 Groupes de Chasse. A toi de défendre ton bout de gras. Compte
sur moi pour te tenir au courant de ce que je saurai de mon côté.
Que te dirais-je encore. Gilbert est rentré de captivité et est en
traitement à l’hôpital de Montolivet à Marseille : 8 opérations du pied
depuis l’année dernière ! Mais cela va bien et il espère reprendre du
service (tué en SAC le 18/11/1942).
J’ai vu à Toulouse Aquilina, puis Carpopino, tous deux au I/2 avec De
Chezelles qui a déjà trouvé le moyen de se faire cordialement détester par tous
et de faire une descente en pépin.
Et toi, que fais-tu ? Est-ce sympa ce col ? J’en doute un peu car
tu avais l’air désabusé dans ta dernière lettre et je te comprends. Je serai
très curieux de savoir ce que tu deviens et si nous pouvons nous rencontrer un
jour. Viens passer quelques jours à Hyères quand j’y serai retourné ?
J’abandonne ici ma prose car il est question d’aller croûter et mon estomac
réclame. Si tu savais comme il est difficile d’accorder une carte de ravitaillement
et un estomac excité par une journée de sport.
Je dois avouer que ni moi, ni mes camarades n’avons trouvé encore la
solution. Il est fort vraisemblable que nous la trouverons qu’au marché
noir ? C’est ce que nous essayons de faire, bien petitement d’ailleurs. Au
revoir cher ami ? Accepte mes amitiés sincères.
Signé : Démoulin
GC II/6 –
GC I/4 - GC III/6 «ROUSSILON »
Maroc –
Algérie - France
Février
1942 – Novembre 1944
Extraits
des « Journaux de Marche »
Journal
de marche du GC III/9 de septembre 1942 annonçant le départ de leur
Illustrateur, Roger Démoulin
|
Essai
de reconstitution de la carrière de Roger DÉMOULIN par Jean MENNEGLIER
|
Groupe II/6 en A.O.F. avec Démoulin (2ème
esc.)
2
escadrilles équipées de D.520 à Toulouse entre le 01/01/1942 et le 18/02/1942
Voyage
à Thiès par Ajaccio, Alger, Oran, Rabat, Marrakech, Tindouf, Fort-Trinquet.
Atar
– Thiès entre le 19/02/1942 et le 06/04/1942
Séjour
à Thiès fin mars – 11 mai 1942
Saint-Louis :
12 mai – 24 juin – Interception d’un Lockheed Hudson britannique sans résultat.
Thiès :
25 juin – 31 décembre – 16 octobre : mort du lt Audebert : décrochage
en virage
Dissolution
du Groupe le 1er janvier 1943
Affecté
au 01/01/1943 à la 3ème esc. du GC I/4 – (Capitaine Michel avec
lieutenant Sagon)
16
– 19 avril : Thiès, Meknès
19
mai : Démoulin fait Ouakam – Atar mais revient à Ouakam (train ne rentre
pas)
22
juin : Sagon se tue en exercice de voltige sur P-39 à Meknès
Médiouna :
16 – 31 juillet 1943 – La SPA 124 est dissoute.
1944
Roger
DÉMOULIN au GC III/6
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Roger DÉMOULIN devant son P-39 du GCIII/6 portant le célèbre masque
« Comédie » ou « Rieur » de la 2ème escadrille |
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P-39 du GCIII/6 au sol (Collection Raymond MACIA) |
P-39 du GCIII/6 en vol (Collection Raymond MACIA) |
Les
dernières page du « Journal de Marche » du GC III/6
« Roussillon » illustrées par Roger Démoulin
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21
novembre 1944
Le
capitaine DÉMOULIN est tué.
A
la tête de son escadrille qui attaque le pont de Gaiola en Italie, son P-39 est
abattu par la Flak.
Carte de situation de Gaiola
Image extraite de « google
earth » donnant une idée de ce que le capitaine Démoulin a pu voir
lors de son attaque sur le pont Gaiola.
Mise en page Philippe
MENNEGLIER
François-Xavier BIBERT
2014
ADDENDUM I.
Quelques
autres dessins en couleur de Roger Démoulin...
Le lâcher « Dewoitine » : la grande peur - Le
Chef pilote au travail - La visite de la commission d’armistice
...
et en noir et blanc !
ADDENDUM II.
Citations
du Groupe de Chasse GC III/6 « Roussillon »
Origine
inconnue