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Album
n°III -09/1939-11/1939) (Bouillancy)
– Album n°IV -05/10/1939 (Mariage)
Pèlerinage à Bouillancy
Le 3 avril 2009 je me suis rendu
à Bouillancy pour voir ce qui restait aujourd’hui comme vestiges du passage de
l’Armée de l’Air sur la commune, dans les mémoires et sur le terrain. Ce
charmant village rural s’étale en pente douce sur environ 1 Km de Bouillancy le
Haut, sur le plateau dénudé, jusqu’à Bouillancy le Bas, dans la vallée de la
Gergogne plus verdoyante, où se situe sa magnifique église du 12ème
siècle.
De gauche à droite et de haut en bas
1. Entrée nord de Bouillancy, venant de Nanteuil de Haudouin
2. Entrée sud de Bouillancy, venant de Nogeon ou de Fosse
Martin
3. Bouillancy le haut, vers la vallée de la Gergogne
4. Bouillancy le bas, la Gergogne et l’église du 12ème
siècle.
J’ai rencontré Denis PROFIT,
agriculteur à Bouillancy et Bruno HAAS, agriculteur à La Fosse Martin.
Bruno HAAS à gauche et Denis PROFIT à droite
Denis PROFIT qui a été Maire de
Bouillancy pendant 32 ans est le petit-fils d’Anatole PROFIT, Maire du village
pendant la guerre et propriétaire de la belle « ferme du feu » dans
laquelle une partie de ceux du GC III/6 ont cantonné et où la compagnie
administrative s’était installée.
La « Ferme du Feu » à Bouillancy – Exploitation de
la famille Profit
Cantonnement des hommes du GC III/6 à l’automne 1939
Denis PROFIT m’a emmené faire le
tour de l’ancien terrain, toujours propriété de l’Etat mais totalement remis en
culture, situé en plein milieu du triangle Bouillancy (nord), Nogeon (sud-Est)
et Fosse Martin (sud-ouest), d’environ 3 Km de coté. La terre est belle et on y
fait surtout de la pomme de terre et de la betterave. Personne ne peut
retrouver le moindre vestige où même imaginer qu’un terrain d’aviation de 80
hectares a pu exister à cet endroit. Seul un grand trou broussailleux en plein
champ, de 2 à 3 mètres de profondeur et d’environ 300 m2, où nichent des faisans, juste en limite de
l’ancien terrain pourrait être l’endroit creusé en 1939 pour y installer une
batterie de défense anti-aérienne. A proximité, passe le « chemin de la
messe » qu’empruntaient jadis les habitants de Fosse Martin, village
dépourvu d’église, pour se rendre à pied à celle de Bouillancy. Les lieux sont
encore appelés « l’Aviation » par les villageois. Il y a quelque
temps, un ministre de l’intérieur, devenu depuis encore plus célèbre, a voulu
en faire profiter des jeunes souhaitant organiser dans un endroit
« désert » une immense « rêve party ». L’opposition des
élus locaux, plus réalistes que le ministre devant le manque évident
d’infrastructures adaptées, et moins soucieux de plaire à tous, fit
heureusement échouer ce projet.
Terrain de Betz-Bouillancy – Localisation et direction des
photographies ci-dessous
Angle sud-est du terrain d’aviation – Route de Bouillancy à
Nogeon
A gauche : 1. Vers le sud, le village de NOGEON – A
droite : 2. Vers le sud-ouest, le village de FOSSE MARTIN
Route de Bouillancy à Nogeon
A gauche : 3. Vers l’ouest, l’ancien terrain d’aviation
– A droite : 4. Vers le nord, le village de BOUILLANCY le haut
Route de Bouillancy à Nogeon – Vues vers la « Garenne
aux chiens », à l’est
A gauche : 5. Le « chemin de la messe »,
allant de Fosse Martin à l’église de Bouillancy
A droite : 6. Sous la végétation, sans doute la fosse
creusée pour l’installation d’une batterie anti-aérienne
Denis PROFIT m’a emmené
également au fond de l’immense cour de sa belle ferme pour voir le dernier
vestige connu du terrain d’aviation. Il s’agit d’une cuve d’essence métallique
parallélépipédique d’environ 18 000 litres qui fut jadis enterrée dans un
des coins du terrain, et qui a été récupérée et transformée en réserve d’eau.
Ancienne citerne à essence du terrain d’aviation de
Bouillancy
Bruno HAAS, toujours conseiller
municipal à la Fosse Martin est le fils de Marcel HAAS qui vit encore
aujourd’hui à Acy en Multien, et le petit fils de Xavier HAAS, qui était Maire
de la Fosse Martin pendant la guerre et propriétaire de la belle ferme où une
autre partie de ceux du GC III/6 ont cantonné !
La ferme de la famille Haas à Fosse Martin
Cantonnement des hommes du GC III/6 à l’automne 1939
Il possède pour sa part un magnifique
plan sous verre de son exploitation, établi en 1922 par R. AUROIRE, géomètre à
Acy en Multien, et sur lequel figurent les limites extrêmement précises de
l’emprise du terrain militaire. C’est une très belle pièce d’antiquité.
Exploitation de la famille Haas en 1922 et plan du terrain
d’aviation de Bouillancy
Par contre, tous les deux n’ont
pas d’informations précises sur la façon dont ceux du GC III/6 avaient organisé
leur cantonnement dans les deux fermes familiales.
J’ai rencontré aussi Jacqueline
LEWKO, née HAZE le 5 avril 1923 à Bouillancy, veuve depuis plus de trente ans.
Elle est la doyenne du village et elle a passé toute sa vie dans cette petite
commune rurale de l’Oise dont la population a toujours été voisine de 350
habitants. Sa plus jeune sœur, ses deux
filles et son fils, et certains de ses petits enfants qui l’entourent de leur
affection, habitent aussi le village, ce qui devient exceptionnel au début du
21ème siècle.
Jacqueline LEWKO, doyenne de Bouillancy en 2009 et sa maison
natale, rue Fromentelle
Elle raconte :
«Je suis né à Bouillancy où j’ai
été à l’école à jusqu’à mon certificat
d’études. J’étais une bonne élève et mon rêve absolu était de devenir
institutrice. Ensuite j’ai continuée mes études à Meaux à l’Institution Sainte
Jeanne d’Arc, derrière la cathédrale. Mais la guerre est arrivée et papa, un
ancien combattant de 14-18 qui s’était battu à Verdun, a jugé imprudent que je
retourne à Meaux à la rentrée d’octobre 1939 à cause des possibles
bombardements et j’ai du interrompre mes études à mon grand désappointement. Je
l’ai toujours regretté et je suis donc restée à Bouillancy, occupée comme les
autres aux travaux de la terre et à la fabrication du beurre et du fromage.
Nous étions 4 filles. Papa et maman s’étaient mariés en 1912. Un petit garçon
était né avant le départ de papa à la guerre, mais il est mort du croup (forme
aiguë de la diphtérie) à l’âge de trois ans pendant que celui-ci se battait à
Verdun. Papa bien sûr n’a pas pu assister à l’enterrement, mais heureusement il
est revenu de la guerre !
J’avais donc 16 ans en 1939.
Nous savions bien qu’il y avait « l’Aviation » là-haut (à seulement
1,5 Km en fait) mais c’était une zone interdite et je n’y suis jamais allée. Je
n’ai pas vu beaucoup d’avions dans le ciel et cette présence n’a jamais été une
« distraction » pour les gens du village. Papa avait été exproprié
d’une petite parcelle de 2,5 hectares pour la création du terrain d’aviation et
il avait le droit d’aller là-bas pour couper de l’herbe. On produisait du
fromage de brie que papa allait vendre à Meaux avec sa petite camionnette avec
les autres produits de la ferme, mais il avait besoin d’un laisser passer pour
emprunter la route qui longe « l’Aviation ».
Après l’entrée des allemands en
France à Sedan en mai 1940, tout le village a reçu l’ordre de l’évacuer. Le 8
juin 1940, nous sommes donc partis pour un premier exode de 8 jours avec nos
carrioles jusqu’à Lagny sur Marne, à 40 Km au sud. Il n’y avait pas d’essence
pour la camionnette qui était accrochée à une carriole tirée par un attelage de
chevaux ; cela ne s’est pas trop mal passé. Nous sommes repartis une
seconde fois le 20 juin ; ce fut plus dur. L’ordre était d’aller plus loin
que Meaux et de passer la Seine. Papa qui adorait les chevaux a été obligé d’en
abandonner un dans notre écurie. Il s’appelait « Bayard ». Papa a
laissé un grand coffre d’avoine ouvert et il a rempli d’eau l’abreuvoir jusqu’à
ras bord. Toutes les familles qui partaient avaient tué des lapins et j’ai un
fort souvenir de toutes ces bêtes écorchées et des peaux qui étaient pendus aux
grilles des maisons. Nous avons été cette fois jusqu’à Nogent sur Vermisson, à
160 Km au sud, un peu au dessous de Montargis. Nous dormions dans les fossés et
nous avons été plusieurs fois mitraillés. Par chance tous ceux de Bouillancy
ont pu revenir indemnes trois semaines plus tard. Ceux du village voisin
d’Etrépilly ont eu moins de chance et ils sont revenus avec 8 morts. Notre
cheval Bayard était en pleine forme à notre retour…
La guerre n’a pas changé
grand-chose aux habitudes du village, à part que beaucoup de jeunes ont du
partir au travail obligatoire. On ne voyait pas grand monde avant, et on n’en a
pas vu plus ensuite ; en fait le village a continué à vivre quasiment en
autarcie et nous pouvions toujours vendre quelques produits de la ferme. En
1940, on a hébergé pendant quelques semaines deux officiers aviateurs. L’un
s’appelait CHANDRIAS (phonétiquement). Ce sont les rares militaires que j’ai
vus, les autres restaient « là-haut ». Avant qu’ils ne partent le
matin, je les aidais à faire le laçage de leurs hautes bottes en cuir; c’était
mon petit plaisir. Des Allemands se sont installés ensuite à la place des
Français, mais nous ne les avons jamais vus dans le village.
Le Docteur Marcel GILBERT (Voir note 1, en bas de
page) de
Brégy, qui faisait de la résistance dans le réseau Alliance, allait les
observer pour donner des renseignements aux alliés. Il a été dénoncé par un
notable de Meaux et a été déporté à Buchenwald, où il est mort en février 1945.
Il y a maintenant une place à Brégy qui porte son nom avec une plaque
commémorative. Celui qui l’avait dénoncé est parti à la fin de la guerre avec
les menottes faire un petit séjour à la prison de Senlis…, mais il est quand
même rapidement devenu un notable bien connu et bien élu dans la
Région !!!
Je me suis mariée ensuite à Jean
LEWKO, qui bien que portant un nom polonais était né à la Ferté sous Jouarre à
30 Km de Bouillancy où il habitait comme moi. Je n’ai rarement quitté le
village car on ne partait pas en vacances à notre époque. Papa, avant la
guerre, vers 1935, avait loué une fois un car pour emmener tout un tas de monde
de Bouillancy jusqu’à Dieppe. Personne n’avait vu la mer avant ! ….»
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Et puis, la traditionnelle boîte
en carton contenant quelques vieilles photos familiales jaunies, en vrac, sans
date pour la plupart et sans indication sur les personnages représentés a été
mise sur la table avec les tasses à café et les petits gâteaux. On a cherché
des photos d’aviation ; presque rien, à part une belle photo des deux aviateurs
qui logeaient dans la maison familiale, probablement envoyée plus tard par l’un
deux à la famille; datée de mai 1940 ; il doit s’agir en fait de deux aviateurs
de l’escadrille de chasse de nuit 4/13 qui fut basée un temps à Bouillancy à la
fin de la campagne de France. Un des deux, dont se rappelle bien Jacqueline
LEWKO, serait SANDRIAS (phonétiquement). Malgré sa très belle mémoire, elle n’a
plus du nom du second en tête…
10 mai 1940 - Deux aviateurs à Bouillancy devant devant la
maison de la famille Lewko où ils logeaient
Informations d’Alain COSTE du 05/04/2009 : « Il pourrait
s’agir à gauche de l’adjudant pilote CHAMBRIAS de l’escadrille de chasse de
nuit 4/13, qui volait sur Potez 631, stationnée à Bouillancy du 13 avril au 21
mai 1940. Les officiers pilotes du 4/13 étaient le capitaine POUYADE, le
lieutenant DE GOLBERRY, les sous-lieutenants AIMÉ, HOUSEAUX (perdu à partir du
18 mars). A droite, ce pourrait donc être le lieutenant DE GOLBERRY (à
vérifier) »
Mais depuis, Jacqueline LEWKO pense qu’il
s’agirait en fait de « Raymond HÉRITIER » (*)
(*)
« Je ne pense pas que celui de droite soit HÉRITIER. Ce personnage a le
macaron de pilote. Or HÉRITIER, détaché en renfort le 10 mai 40 à l'escadrille
2/13 à Melun, mort le 17 mai, était adjudant-chef et mitrailleur, pas
pilote ; » - Alain COSTE, le 11/04/2009.
Il y a aussi quelques autres
photographies d’aviation dans la boîte. Ce ne sont pas des photos de la
guerre ; elles ont été ramenées par Jean, le mari de Jacqueline LEWKO, qui
fit son service militaire dans l’aviation dans les années justes après guerre.
Quelques passionnés, qui atterriront sur cette page par hasard, pourront peut
être un jour nous en dire plus…
Photos personnelles de Jean LEWKO
Un Gloster « Météor » en haut et un B26
« Marauder » en bas
Informations de Jean-Paul
BONORA de juillet 2010 : « Je peux vous apporter quelques informations
sur ces photographies :
Pour le Météor : rien à dire sinon qu’il
est aux couleurs anglaises,
Pour le B26 : le livre « Les
Maraudeurs Français »de Patrick Ehrhardt permet de dire que les
photos ont été faites sur l’aérodrome de Mengen, en Allemagne au printemps ou à l’été 1946 ; les arbres
ont leurs feuilles...
L’auteur ne précisant pas
à quelle date les B26 ont quitté Mengen, on ne peut pas dire si les photos ont
été faites avant la dissolution des groupes de bombardement moyen sur B26 (fin
avril- début mai 46) ou après.
Il porte à la fois
l’insigne du GBM 2/20 sur la pointe avant et le code opérationnel
« 43 » ; les clichés sont donc postérieurs au 1er mars 1946.
Affectations du B-26G-25
sn 44-68213:
o
??/04/1945 : livraison
à l’Armée de l’air,
o
??/??/1945 : GBM
1/19
o
27/05/1945 : GBM
1/34
o
??/11/1945 : 31°EBM
o
01/01/1946 : GBM
1/19
o
01/03/1946 : GBM
2/20
o
??/01/1951 : CEAM. »
Une bien belle journée !
Merci à toutes les personnes qui nous ont si aimablement reçus et guidés à
Bouillancy, en contribuant ainsi à la création de cette page : « Ce
sont les poussières d’histoire qui font l’Histoire… ».
François-Xavier BIBERT
4 avril
2009
Nota : Madame Jacqueline
LEWKO est décédée le 29 avril 2016 à Bouillancy dans sa quatre vingt treizième
année.
Nos plus sincères
condoléances à sa famille.
Hommage à Mme.
Jacqueline LEWKO sur aec-betz.over-blog.net
Note 1 :
GILBERT
Marcel
1939-1945
Nom : GILBERT Prénoms : Marcel
Conflit : 1939-1945
Grade, unité : Déporté –
Résistance
Complément :
Matricule, recrutement :
Date de naissance :
Commune de naissance :
Département ou pays :
Date du décès :
02/02/1945
Commune du décès :
Flossenburg
Département ou pays :
9109 - Allemagne (ex Prusse)
Lieu, complément :
Autres informations : Né
le 20/04/1875 à Busansais (60), Résistant du réseau Alliance, Déporté - Une
place de la commune porte son nom
Référence n° :
bp02-622274
Fiche issue du relevé n° 11916
Brégy – 60